Alan Wake 2 démarre comme un épisode de True Detective. Deux agents du FBI sont dépêchés au fin fond des États-Unis pour enquêter sur des disparitions étranges. La mise en scène reprend certains travelings de Shining, film culte de Stanley Kubrick, ou de Mulholland Drive, autre pépite du septième art signée David Lynch. L’un des personnages est obsédé par le café, comme ce bon vieux Dale Cooper de Twin Peaks. Alan Wake 2 a à peine commencé qu’il nous trimballe de référence en référence. Une manière, comme une autre, de mettre à l’aise.
Il ne faut pas y voir un jeu vidéo qui se contente de citer pour faire bonne figure auprès de celles et ceux « qui ont la réf’ ». Le studio Remedy Entertainment a prouvé qu’il savait voler de ses propres ailes. Ces clins d’œil ne sont finalement que des leviers pour appuyer son propre récit et c’est mieux géré et digéré que dans l’épisode original. Alan Wake 2 n’est jamais aussi brillant que quand il se raccroche à ses pères pour aller de pair avec ce qu’il veut raconter. C’est un voyage narratif exceptionnel, articulé autour d’une structure originale. Remedy Entertainment sait faire des jeux différents, et Alan Wake 2 ne cesse d’en témoigner de la première à la dernière seconde.
Points forts
- Une maîtrise narrative sans réel équivalent
- Un double-jeu grâce à Saga
- Visuellement réussi
Points faibles
- Quelques couacs techniques dans les petits détails
- Il faut aimer les temps morts
- Il vaut mieux avoir joué à Alan Wake et à Control
Pourquoi Alan Wake 2 est captivant
Pas de version physique
Alan Wake 2 est disponible exclusivement au format numérique, sur PC, PS5, Xbox Series S et Xbox Series. Un choix qui permet de garantir un prix de 59,99 €.
Le premier Alan Wake date de 2010. Nous sommes en 2023, et Remedy Entertainment aura attendu treize longues années pour offrir une suite aux aventures d’Alan Wake, écrivain torturé qui s’est retrouvé piégé dans ses propres écrits. De manière très habile, les scénaristes utilisent le même laps de temps : cela fait maintenant treize ans qu’Alan Wake a disparu au début d’Alan Wake 2. Cette opportunité de récit permet au jeu d’intégrer un nouveau personnage : Saga Anderson, agent du FBI qui maîtrise l’art du profilage comme personne. Une fois à Bright Falls, elle va se retrouver à son tour piégée par les pages écrites par vous-savez-qui.
On n’en dira pas plus sur le scénario, grande force d’Alan Wake 2. Tantôt horrifique, tantôt psychologique, un tantinet absurde, souvent fantastique, parfois plus posé (le rythme sait redescendre), le jeu n’a qu’un but : nous surprendre, encore et toujours. On se retrouve alors embarqué dans une structure épisodique d’une intelligence remarquable, riche en sensations fortes. Alan Wake 2 est une leçon de narration à bien des égards, au-delà des (nombreuses) idées qu’il véhicule. Il mélange beaucoup de choses, mais avec une cohérence qui fait de Remedy Entertainment un maître des réalités alternatives. À une époque où le multivers, sorte d’échappatoire assez facile quand on ne sait plus où aller, est partout, on ne peut qu’applaudir le savoir-faire du studio.
Non content de s’appuyer sur une histoire aux multiples niveaux de lecture et un peu méta sur certains points (les liens avérés avec le jeu vidéo Control), Alan Wake 2 se paie aussi une réalisation d’orfèvre. Tout n’est pas parfait : on sent encore quelques approximations dans certaines interactions, tandis que les animations ne sont pas toujours très naturelles. Mais le reste est vraiment à la hauteur des attentes, placées dans une suite ambitieuse, avec forcément un grand cap franchi depuis 2010. Alan Wake est sorti sur Xbox 360, soit deux générations en arrière. Les effets de lumière sont incroyables, au même titre que les animations faciales ou le travail sur les textures. Les balades dans Bright Falls et ses environs, des lieux majoritairement champêtres, donnent envie de se perdre dans une végétation généreuse. Alan Wake 2 sait aussi habilement se servir de séquences en live-action pour gagner en authenticité. Un quasi-sans-faute, renforcé par une bande son mêlant bruitages angoissants et morceaux qu’on a envie d’ajouter illico à sa playlist.
On sent que Remedy Entertainment a beaucoup appris techniquement, ces dernières années. Ce qui permet aux développeurs de se lâcher un peu plus dans les possibilités offertes aux joueuses et aux joueurs. Alan Wake était un couloir bien décoré. Alan Wake 2 franchit un sacré paquet de caps en offrant des décors plus étendus, qu’on peut explorer sans jamais avoir l’impression de perdre le fil rouge. On sent l’héritage de Control, qui permettait déjà de faire quelques pas de côté. Ici, la prouesse est d’autant plus à souligner qu’Alan Wake 2 entremêle deux arcs qui ne font que se faire écho : celui d’Alan et celui de Saga. Il devient alors un double jeu déstructuré, puisqu’on peut passer d’un personnage à l’autre presque à l’envi. Bonne nouvelle : les deux héros se distinguent assez pour éviter l’écueil de la redite. Au passage, Saga sert de formidable point d’entrée pour les nouveaux venus — celles et ceux qui n’auraient pas joué au premier Alan Wake. Elle est la brebis qui, assise entre le vrai et le faux, se retrouve piégée par le grand méchant loup, découvrant peu à peu comment fonctionnent les ficelles de cet univers labyrinthique aux mystères constamment alimentés.
Dans la peau d’Alan, on navigue davantage dans le survival-horror, renforcé par un habile jeu sur les ambiances. L’auteur peut aussi utiliser la lumière pour modifier les environnements et s’ouvrir de nouveaux chemins. Il a même l’opportunité d’altérer la réalité en réécrivant l’histoire. De quoi accoucher de quelques moments où la déduction sera votre meilleure alliée. De son côté, Saga est un peu plus terre-à-terre dans son approche. Logique, elle est encore novice. En résulte un gameplay qui mélange l’investigation à l’action, avec énormément de temps morts pour nous laisser souffler entre deux moments sous haute tension. Les affrontements, assez éparpillés et plus dynamiques (heureusement), sont haletants et loin d’être évidents. Toujours axé sur la nécessité d’éblouir les ennemis pour pouvoir les tuer, ils demandent de bien gérer le timing et ses munitions. Il est d’ailleurs encouragé de fouiller les environnements en quête de toutes les ressources indispensables pour se défendre.
Alan Wake 2 est donc la somme de beaucoup de choses, avec une richesse insoupçonnée, prouvant que Remedy Entertainment voulait éviter le sur place à tout prix. Il y avait pourtant le risque de se vautrer après tant d’années d’ellipse pendant lesquelles les fans n’ont fait qu’espérer sans vraiment y croire. Finalement, le studio a fait comme Alan Wake : une mise en retrait d’un peu plus d’une décennie pour parfaire la moindre ligne d’un futur best-seller. Alan Wake 2 mérite tous les éloges. Et Remedy Entertainment la consécration la plus totale pour tout ce qu’il propose depuis Max Payne. Vivement Control 2, qui devrait parfaire ce multivers qui se dessine sous nos yeux sans qu’on ne s’en aperçoive. Comme quoi, la subtilité a plus d’impact qu’une communication qui fait grand bruit avant de s’évaporer dans l’oubli.
Le verdict
On a aimé
- Une maîtrise narrative sans réel équivalent
- Un double-jeu grâce à Saga
- Visuellement réussi
On a moins aimé
- Quelques couacs techniques dans les petits détails
- Il faut aimer les temps morts
- Il vaut mieux avoir joué à Alan Wake et à Control
On ne peut qu’applaudir Remedy Entertainment. Treize ans après Alan Wake, soit un laps de temps hyper long, le studio propose un Alan Wake 2 abouti sur quasiment tous les points. Visuellement ébouriffant, il s’appuie sur une narration paradoxalement alambiquée mais maîtrisée. Un véritable tour de force qui emporte tout sur son passage et permet au célèbre écrivain d’écrire de nouvelles pages à l’encre indélébile. Certes, il n’est plus seul, mais Saga Anderson constitue l’autre atout d’un jeu qui sait exploiter la moindre opportunité pour rebondir.
Surtout, on sent une vraie montée en puissance au sein de Remedy Entertainment, qui sait évoluer sans se trahir. Marquant à l’époque, Alan Wake cède sa place à une suite qui complète tout ce qui était très bien et a su tirer des enseignements de l’ellipse qui s’est écoulée (on sent l’héritage de l’excellent Control). Le projet était terriblement risqué, mais Alan Wake 2 appuie constamment sur le curseur de la surprise généreuse pour saisir la joueuse ou le joueur. Le tout avec des références — Twin Peaks en tête — qui sont toujours bonnes à voir.
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