Les tribunaux russes ont infligé une amende à YouTube, accusé de ne pas faire suffisamment contre la « propagande ». Le site de vidéos est encore accessible en Russie, contrairement à d’autres plateformes.

Environ 77 000 euros. Tel est le montant de l’amende qui a été infligé par un tribunal russe contre YouTube, le 21 avril, selon l’agence de presse publique Tass. Dans le même temps, sa maison-mère, Google, a été sanctionnée à hauteur de 44 000 euros environ. Dans les deux cas, c’est sur le fondement de la « propagande » que ces sanctions ont été prises.

YouTube accusé de laisser en ligne de la « propagande »

Il ressort du compte-rendu des deux jugements que c’est le maintien de vidéos sur le controversé régiment Azov, que le gouvernement ukrainien emploie depuis 2014 dans son conflit avec la Russie, ainsi que des allégations sur l’ampleur des pertes de l’armée russe pendant cette guerre, qui ont conduit les juges moscovites à prononcer ces deux peines.

Le régiment Azov, a été formé en 2014 à la suite des risques de sédition à l’est de l’Ukraine, dans un contexte de forte déstabilisation de la nation, voire de péril. C’est une troupe paramilitaire de quelques milliers d’hommes que Moscou accuse d’être un repaire de nazis. C’est d’ailleurs sur cette affirmation que le Kremlin a en partie justifié sa guerre, au motif de dénazifier l’Ukraine. Il est établi que cette force est nationaliste et d’extrême droite, et a vraisemblablement commis des crimes de guerre, mais elle n’est pas représentative des forces ukrainiennes et pèse peu sur l’ensemble de l’armée.

Ukraine Bucha
Une voiture criblée d’impacts de balle, à Bucha. // Source : President Of Ukraine

Si l’idéologie existante dans le régiment Azov dessert l’image de l’Ukraine dans sa résistance contre l’agression, elle permet à Moscou d’avancer un argument de plus pour faire la guerre. Cela lui offre aussi une opportunité d’établir un lien avec l’histoire, puisque les soviétiques se sont rangés dans la guerre contre l’Allemagne nazie, lors de la Seconde guerre mondiale. Cela étant, le récit proposé par le Kremlin est bancal : le pouvoir ne montre en effet pas du tout le même empressement à dénazifier son propre pays, à commencer par le sulfureux Groupe Wagner, dont le leader est un néonazi notoire.

Quant aux pertes russes, c’est un sujet très sensible et les estimations de part et d’autre révèlent des écarts colossaux. L’État-major russe minore son bilan, tandis que Kiev l’exagère probablement. Il y aurait ainsi eu moins de 1 500 morts parmi les soldats russes, selon Moscou, mais près de 21 000 d’après d’autres calculs. C’est invérifiable pour chaque camp, y compris pour les pertes du côté ukrainien. L’OTAN, de son côté, donne une estimation à mi-chemin, et qui est vraisemblablement plus exacte — entre 7 000 et 15 000 morts.

YouTube reste encore accessible en Russie

Les deux sanctions infligées à Google et YouTube sont dérisoires par rapport à leurs capacités financières. Mais plus que leur montant, ces deux amendes illustrent la dérive du pays en matière de liberté d’expression. Il est interdit de parler de guerre, mais d’opération militaire spéciale. Il est défendu de la contester, tout comme toutes les décisions et les affirmations du pouvoir. Impossible de s’informer correctement à la TV russe ou dans les autres médias sur place, faute de marge de manœuvre suffisante leur permettant de couvrir le conflit.

YouTube est aujourd’hui l’une des rares grandes plateformes du net à opérer encore en Russie — depuis le début de la guerre, de nombreuses entreprises ont choisi soit de se retirer, soit ont été bannies. Pourtant, Google a pris des dispositions pour bloquer les chaînes liées à RT et Sputnik en Europe. L’entreprise américaine a aussi stoppé indéfiniment la possibilité de monétisation des médias financés par l’État russe sur ses plateformes, et pris d’autres mesures.

Volodymyr Zelensky
Volodymyr Zelensky visitant la ville de Bucha. // Source : President Of Ukraine

D’autres plateformes, comme Facebook et Instagram, ont eu moins de chance. Ce traitement différent peut surprendre, d’autant que l’autorité de régulation des télécoms russe Roskomnadzor n’a pas été tendre à l’égard de la société. Google a été accusé d’avoir une position antirusse et YouTube de nuire à la population en laissant des contenus hostiles. Cette relative clémence pourrait ne pas durer, d’autant que les accusations d’exaction contre la population civile, comme dans la ville ukrainienne de Bucha, sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus documentées.


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