Le conflit entre l’Inde et le Pakistan s’est aggravé dans la nuit du 6 au 7 mai 2025. Islamabad affirme avoir abattu pas moins de cinq avions indiens, dont trois avions Rafale fournis par la France. Mais sur les réseaux sociaux, cette affirmation véhicule aussi de la désinformation.

La crise diplomatique entre l’Inde et le Pakistan est en train de glisser vers un grave conflit armé. L’escalade militaire, qui avait commencé fin avril par des échanges de tirs à la frontière, a connu une vive accélération ces dernières heures, avec en point d’orgue l’affirmation par Islamabad de la destruction de trois avions Rafale appartenant à New Delhi.

C’est ce que rapportait dans la nuit du 6 au 7 mai Idrees Ali, correspondant de l’agence de presse Reuters au Pakistan, et spécialisé dans les sujets de sécurité. « Le porte-parole militaire pakistanais déclare à Reuters que cinq avions indiens, qui se trouvaient sur le territoire indien, ont été abattus par le Pakistan », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter).

Conduite par l’armée de l’air selon le commandement pakistanais, cette attaque aurait permis de neutraliser trois avions Rafale fournis par la France, mais aussi deux avions d’origine russe, vendus par Moscou : un Soukhoï Su-30 et un MiG-29. Il est aussi question d’un drone indien descendu, mais dont le type n’a pas été précisé.

Rafale
Un avion Rafale en vol. // Source : Bernardo Fernandez copado

Incertitudes sur le sort des Rafale et sur le nombre exact d’appareils possiblement abattus

À ce stade, la France, qui suit de près ce dossier, en raison de son rôle au conseil de sécurité de l’ONU et de la possible implication de Rafale, n’a pas commenté cette affirmation. Dans une réaction survenue tôt dans la matinée du 7 mai, Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères, a appelé « l’Inde comme le Pakistan à la retenue pour éviter l’escalade. »

Côté indien, il n’y a pas non plus de confirmation claire sur des avions Rafale abattus. Le compte OSINTdefender, très suivi sur X, fait remarquer que la télévision indienne a rapporté « qu’au moins trois avions de chasse indiens se sont écrasés cette nuit sur le territoire indien ». Depuis, tous les sites de crash ont été sécurisés et verrouillés par l’armée.

L’Inde fait partie des grands clients de Dassault Aviation, le fabricant du Rafale. Un contrat pour l’armée de l’air a été conclu en 2015 et le premier appareil a été livré quatre ans plus tard. Depuis, les forces locales en ont reçu 36. Il est par ailleurs question d’en acquérir 40 de plus « rapidement ». En outre, l’Inde a approuvé l’achat de 26 autres Rafale pour sa marine.

Comme le fait remarquer The War Zone, une vidéo a été diffusée qui pourrait indiquer la perte d’au moins un avion de combat indien. Les images, qui auraient été tournées dans la région indienne du Punjab, limitrophe du Pakistan et situé au sud du Cachemire, semblent montrer les restes d’un missile MICA de fabrication française.

Le missile MICA fait effectivement partie des armements que le Rafale peut embarquer. C’est un missile air-air, d’interception, de combat et d’autoprotection, avec des versions infrarouge et électromagnétique. Il peut être utilisé pour un tir à vue ou bien au-delà de la portée visuelle. L’Inde a acheté près de 500 missiles MICA en 2012. Le Pakistan n’en a pas.

Cette munition, identifiée par des spécialistes en armement, a toutefois la particularité de pouvoir servir également sur des avions français Mirage. Or, l’armée de l’air indienne accueille aussi dans sa flotte une soixantaine de Mirage 2000 depuis le milieu des années 80 — et ceux-ci font par ailleurs l’objet d’un programme de modernisation.

C’est ce que confirme également The War Zone. Le site spécialisé dans les sujets de défense pointe au passage qu’il y a eu un essai d’intégration d’un missile MICA sur un avion russe (un Su-30), avec une tentative de tir en 2020. Cependant, ajoutent nos confrères, il n’y a pas d’indication que cette combinaison ait été étendue dans un contexte opérationnel.

Sur les réseaux sociaux, des vidéos mal attribuées, des photos recyclées

Il est coutumier de dire que la vérité est la première victime de la guerre. À l’heure des réseaux sociaux, c’est un rappel qui s’impose. Car au cours des dernières heures, de nombreuses publications ont émergé sur le net (par exemple avec la mention shot down rafales), avec parfois des photos ou des vidéos allant tantôt dans le sens du Pakistan, tantôt dans celui de l’Inde.

On le voit par exemple avec ce message pro-pakistanais qui se moque des militaires indiens et qui reprend l’affirmation des Rafale abattus par l’armée pakistanaise. Cela, accompagné d’une vidéo montrant un avion de chasse abattu par trois missiles tirés depuis le sol. L’aéronef est touché plusieurs fois et finit par s’écraser.

compte rafale pro-pakistan
Le prétendu avion Rafale abattu par le Pakistan, mais dont la silhouette ne correspond pas. // Source : Capture d’écran

Sauf que cette vidéo ne montre pas des tirs de MICA d’une part (le missile n’a pas du tout la même silhouette que ce que l’on voit dans la vidéo) ni un Rafale d’autre part. Le profil de l’avion apparaît très différent : l’empennage ne correspond pas, on ne retrouve pas la caractéristique aile delta ni les plans canard. La perche de ravitaillement n’est pas non plus visible.

Il apparait aussi que d’anciennes vraies photos sont recyclées dans le cadre de ce conflit — un phénomène que l’on avait déjà vu par exemple avec ces images de carnage associées à Gaza, mais provenant en réalité de la guerre en Syrie. Ainsi, une image partagée par le compte South Asian Perspective s’avère être un avion MiG-29 qui s’est écrasé en septembre 2024.

Source : Capture d'écran
Une ancienne photo de crash datée de septembre 2024 a été réutilisée au sujet d’un prétendu Rafale détruit. // Source : Capture d’écran

Même chose pour ce tweet censé montrer un avion qui se serait écrasé sur une école indienne, au Cachemire. Trevor Ball, le spécialiste en munition cité précédemment, constate « qu’il ne s’agit pas d’un avion écrasé. Il s’agit d’un réservoir de largage provenant d’un avion, et aucune des photos ne montre d’autres pièces d’avion. »

L’intéressé ajoute d’ailleurs dans un autre message « qu’il n’y a pas non plus de dégâts causés par l’incendie. Mario fait probablement l’amalgame entre le crash d’un avion à réaction où un incendie s’est effectivement produit et cet incident ». Concernant cette pièce, l’armée indienne l’associe d’ailleurs plutôt à un Mirage 2000, rapportent l’AFP et Le Parisien.

Source : Capture d'écran
Plusieurs médias associés au conflit sont contestés, par des tweets, des notes de la communauté ou par des questions posées à l’IA Grok. // Source : Capture d’écran

De fait, une grande prudence doit être observée quant aux vidéos et aux photos qui circulent, comme à l’égard des allégations de part et d’autre. Pour l’heure, les visuels semblent plutôt mettre en scène d’autres avions abattus. Ce tweet, par exemple, a l’air plutôt de montrer des chasseurs plus proches d’un MiG-29 ou d’un Su-30 que d’un Rafale.

Cela étant, la destruction d’un Rafale dans un engagement armé demeure plausible. Si cela se révèle exact, ce sera alors la première fois que cet avion est perdu dans le cadre d’un véritable combat — jusqu’à présent, les seules pertes enregistrées sont liées à des accidents. Mais des preuves crédibles devront être apportées pour dissiper la désinformation ambiante.

« Pour l’instant, on ne sait pas s’il s’agit d’un Rafale ou d’un Mirage-2000, mais ce qui est certain, c’est qu’un avion de chasse indien a bel et bien été perdu », prévient à ce propos Clash Report dans un autre message sur X. « Mais qui sait ? Les deux camps mentent à ce sujet », suggère à son tour un internaute.

On vous le disait : la vérité, première victime de la guerre.

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