Ces dernières années, l’exercice du pouvoir en Turquie s’est relativement durci sous le mandat de Recep Tayyip Erdo?an, l’actuel premier ministre. Celui-ci est critiqué pour sa dérive autoritaire, en témoigne la manière dont il a géré les manifestations du parc Gezi dans le quartier de Taksim à Istanbul ou encore les critiques récurrentes dont il fait l’objet à propos d’un éventuel agenda caché visant à islamiser le pays.
Ce glissement se retrouve aussi au niveau d’Internet, même si les restrictions visant le réseau des réseaux sont historiquement antérieures aux évènements décrits ci-dessus.
YouTube a par exemple été bloqué à plusieurs reprises (en mars 2007 par exemple, avant d’être ré-autorisé deux jours plus tard, mais aussi en septembre 2007, avant d’être débloqué trois ans après), malgré les protestations du site américain, qui a finalement jeté l’éponge.
D’autres sites ont aussi été bannis, qu’il s’agisse d’hébergeurs spécialisés, de certains mots-clés ou de sites plus classiques, mais dont le contenu peut avoir une signification politique importante dans un pays fortement marqué par la religion.
Les »initiatives » du pouvoir turc contre Internet ne sont évidemment pas passées inaperçues à l’étranger. Reporters Sans Frontières a par exemple classé la Turquie dans la liste des pays problématiques (tout comme l’Australie, la Corée du Sud ou la France, soit dit en passant). De son côté, Google, via son rapport de transparence, note une explosion des demandes (+966 %) en provenance du pays.
Dernier signe de la dérive du gouvernement turc, l’adoption ce mercredi par la représentation nationale d’un projet de loi (donc proposé par l’exécutif) confiant des pouvoirs étendus à l’administration pour contrôler et censurer Internet. Au nom de la protection des mineurs, du respect de la vie privée et de la défense de certaines valeurs, la Turquie étend ainsi ses possibilités de blocage extra-judiciaire.
Évidemment, le résultat du vote du parlement turc a fait réagir l’Union européenne. Un porte-parole de la Commission a exprimé la « forte préoccupation » de cette dernière et invité les élus à réviser la loi, présentée comme attentatoire à la liberté d’expression, afin qu’elle corresponde « aux standards de l’Union européenne« . Même son de cloche du côté de Neelie Kroes, dans un tweet :
#Turkey blocking even more websites. I never want that to be possible in #EU – we need to agree #NetNeutrality law http://t.co/KlkI96G1Pz
— Neelie Kroes (@NeelieKroesEU) 6 Février 2014
Reste une question : l’Union européenne peut-elle convaincre la Turquie de renoncer à sa nouvelle législation ? Tout dépend de ce qu’elle mettra dans la balance. Cela pourrait être le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE, qui est en cours. Cette piste avait déjà été suggérée en 2011 par une eurodéputée néerlandaise. Il s’agissait de conditionner l’entrée dans l’UE à l’exigence d’un Internet libre.
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