Après le Brésil, c’est au tour de la Turquie d’ordonner le blocage de YouTube à cause d’une vidéo offensante. L’opérateur Türk Telekom a été prié de mettre fin à l’accès au site américain. De quoi relancer le débat sur les dangers d’une centralisation des vidéos sur une poignée de sites…

Associated Press rapporte dans une dépêche que Türk Telekom, premier fournisseur d’accès internet de Turquie, a bloqué l’accès à YouTube. La décision du tribunal correctionnel d’Istanbul a été prise « après que ce site internet eut diffusé une vidéo jugée offensante pour Atatürk, le père de la Turquie moderne », a déclaré mercredi le président de Türk Telekom.

L’ordre, qui rappelle celui donné dans un premier temps par la justice brésilienne avant qu’elle ne se rende compte de l’absurdité de sa décision et ne l’annule, a été donné par la cour sur une recommandation du ministère public. La presse turque s’était faite l’écho d’une vidéo présente sur YouTube dans laquelle des insultes étaient proférés à l’encontre de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur en 1923 de la République turque.

Selon le quotidien local Vatan, des internautes turcs et grecs se livrent bataille sur le site YouTube depuis le début de l’année en soumettant des vidéos insultant ou tournant en dérision leurs adversaires. Les affrontements par vidéos interposées semblent devenir à la mode sur YouTube, puisque nous avions parlé récemment de batailles similaires entre gangsters mexicains… Mais Atatürk est vu en Turquie comme un personnage quasi-sacré, dont la mémoire est protégée par des lois spécifiques. Selon les premiers éléments, des vidéos grecques « accusaient » (si l’on peut dire) Atatürk d’homosexualité. Un utilisateur turque aurait alors répliqué en appelant la Grèce « le berceau de l’homosexualité ».

On nous ordonne, on obéit

« L’ordre du tribunal nous a été faxé la nuit dernière (mardi) et en conséquence les services de [YouTube] ont été suspendus en Turquie », indique Paul Doany, le président de Türk Telekom. Même si, confesse-t-il, « je ne suis pas en mesure de dire si ce que YouTube a fait était une insulte ou si c’était juste ou pas, on nous a notifié une injonction judiciaire et nous faisons ce que dit cette injonction ».

Le vocabulaire employé par Doany trahit la confusion qui règne autour de YouTube, qui ne « fait » rien par lui-même. Les vidéos sont simplement soumises par les utilisateurs et mises en ligne automatiquement par les services de YouTube. Le site ne retire les vidéos qu’en cas d’atteinte caractérisée à la morale publique ou en cas de notification sur la base du DMCA, la loi américaine sur le droit d’auteur. Mais YouTube, qui est de loin le numéro un de la vidéo en ligne, attire nécessairement les foudres judiciaires lorsqu’il participe, même involontairement, à la dissémination de vidéos jugées injurieuses. Sa position écrasante en fait une cible facile pour les adversaires de la liberté d’expression, car comme le prouve cette affaire, il suffit de « débrancher » YouTube pour qu’énormément de vidéos deviennent inaccessibles.

Il faut espérer que la justice turque saura faire preuve de la même repentence que la justice brésilienne. Car c’est aussi en bout de course la question de l’adhésion de la Turquie aux valeurs de l’Union Européenne et donc à l’adhésion du pays à l’Union qui est posée. Si dire d’un ancien président qu’il était homosexuel est suffisant pour priver des millions de Turcs du plus grand site de vidéos au monde, il y a un problème qui dépasse de loin le strict cadre de cette affaire…


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