Comme annoncé par la Commission européenne, la liste des entreprises concernées par le Digital Markets Act a été publiée le 6 septembre. Thierry Breton, le commissaire européen en charge du marché intérieur, du numérique et de l’audiovisuel, a enfin officialisé la liste des services qui devront se transformer en 2024, s’ils veulent avoir le droit d’exister en Europe.
Six grandes entreprises sont ciblées par l’Union européenne. Cinq viennent des États-Unis (Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft), la dernière est chinoise, puisqu’il s’agit de ByteDance, l’éditeur de TikTok. Toutes ces sociétés vont devoir se plier au futur texte européen, le DMA (Digital Market Act) qui entrera pleinement en vigueur au cours du printemps 2024.
Des « gatekeepers » qui contrôlent l’accès au net
Toutes ces entreprises sont qualifiées de « gatekeepers », ou contrôleurs d’accès en français. Cette formule désigne les entreprises qui sont des points de passage quasi obligatoire pour les internautes et dont la politique peut avoir des incidences potentiellement néfastes sur les internautes comme les autres sociétés. Elles doivent donc, estime Bruxelles, faire l’objet d’une régulation plus fine et plus stricte.
La sélection de ces gatekeepers s’est faite en tenant compte du poids de chacune de ces sociétés sur différents secteurs : les réseaux sociaux, les messageries, le partage de vidéos, la recherche, les navigateurs web, la publicité, les systèmes d’exploitation et les services en ligne. Cela inclut les boutiques d’application, les plateformes d’achat et les outils numériques.
Pour être qualifié de gatekeeper, il ne suffit pas de proposer un service qui répond à cette description. Avoir plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels en Europe est aussi un impératif. Au total, 22 services de plateforme essentiels ont été désignés. Ils ont six mois pour rentrer dans le rang, en appliquant les directives du DMA.
Le poids de ces gardiens d’accès est variable : ByteDance n’est retenu qu’à cause du succès incroyable de TikTok. À l’inverse, Alphabet est présent sur plusieurs secteurs essentiels, tout comme Meta. Mais ce classement est contesté. Apple et Microsoft s’opposent à leur inscription, estimant que certains services (iMessage pour l’un et Bing pour l’autre) sont « petits ».
Les 22 services concernés par le DMA
Dans la liste des 22 services concernés par le DMA, on trouve les magasins d’applications, qui perdront leurs monopoles, les applications de messagerie qui devront fonctionner entre elles pour ne pas enfermer leurs utilisateurs, des systèmes d’exploitation, dans l’obligation de ne plus imposer d’applications par défaut ou plusieurs services populaires, comme des réseaux sociaux ou YouTube.
Pour une entreprise comme Apple, le DMA est perçu avec une préoccupation très vive. Le texte pourrait ouvrir l’iPhone aux applications en dehors de l’App Store, interdire les applications par défaut dans iOS ou encore forcer iMessage à fonctionner avec WhatsApp. Des décisions analogues sont à attendre pour toutes les grandes entreprises, qui risquent de perdre leur place très confortable, du moins en Europe.
Pour l’instant, seuls l’App Store et iOS sont inscrits sur la liste du DMA, mais l’Europe annonce ouvrir une enquête pour savoir si iMessage et iPadOS doivent aussi être concernés. Microsoft, qui prétend que Bing et Edge ne sont pas concernés non plus, sera aussi scruté par l’Europe, via des investigations dédiées. Les conclusions de ces enquêtes sont attendues dans plusieurs mois.
Quelques services, qui auraient pu être sélectionnés dans la liste de la Commission, ont finalement échappé au couperet. C’est le cas de Gmail (Google), Outlook (Microsoft) et le navigateur web de Samsung. Les entreprises concernées ont « fourni des arguments suffisamment solides » pour les écarter de la liste, indique la Commission.
Le DMA arrive en même temps qu’un autre texte, le Digital Services Act. Dans les grandes lignes, le DMA va juguler l’activité de la plateforme sur son marché (face à ses rivaux et vis-à-vis des internautes), tandis que le DSA régule les pratiques internes de la plateforme — par exemple au niveau de la modération ou bien du fonctionnement des algorithmes.
L’entrée en vigueur du DMA est prévue le 6 mars 2024, mais certaines dispositions s’appliquent dès à présent. À cette date, les sociétés mentionnées devront s’y plier. Et là encore, Bruxelles a de quoi tordre le bras des entreprises récalcitrantes, car le texte arrive avec des puissants leviers de sanction : les montants maximaux des amendes pourront lourdement frapper les sociétés.
On parle en effet d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial total de l’entreprise, et même 20 % en cas d’infraction répétée. De plus, si les obligations du texte ne sont pas respectées, la Commission a la faculté de fixer des sanctions additionnelles : obliger une plateforme à vendre tout ou partie d’une activité ou l’empêcher d’acquérir de nouvelles sociétés.
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