L’Union européenne établit un nouveau cadre pour les géants du net, avec des règles spécifiques à respecter. Mais, c’est quoi, un géant du net ? Comment le définit-on ? Qui entre dans cette catégorie ? Ensuite, quelles sont les obligations à respecter ?

Le Digital Services Act (DSA) est une nouvelle législation européenne qui vise à fixer de nouvelles règles pour les très grandes plateformes du numérique. Cela concernera entre autres les GAFA : Google, Apple, Facebook et Amazon.

C’est quoi, un « géant du net » ?

Google, Amazon, Facebook, Apple… ces quatre entreprises, que l’on regroupe dans l’acronyme GAFA, sont constamment cités comme des géants du net, ou des géants du web. Elles occupent une position dominante sur Internet, le numérique et la tech. C’est à travers elles, via leurs services, leurs produits et leurs matériels, que bon nombre d’internautes passent.

Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive. Elle est d’ailleurs mouvante : parfois, de nouvelles plateformes percent, parfois certaines s’effondrent. Par exemple, à la liste initiale des quatre grandes sociétés américaines, on ajoute Microsoft (ce qui donne GAFAM) et Twitter. Mais, d’autres gloires du passé ne le sont plus vraiment, comme Yahoo. Ainsi va le net.

Des GAFA // Source : Numerama
Ces cinq entreprises sont considérées comme des géants du net. // Source : Numerama

Ce qui caractérise essentiellement un géant du net est sa fréquentation, mais aucun seuil évident n’existe pour faire la distinction avec d’autres plateformes. De cette affluence découle ensuite d’autres traits communs : des revenus colossaux, des bases de données considérables, des capacités de stockage exceptionnelles et une faculté d’influencer le secteur… et de le déstabiliser.

Quelle est la définition européenne d’un géant du net ?

Si l’expression de géant du net est courante, on parle plutôt officiellement — du moins dans les instances européennes — de VLOP (very large online platforms) ou de VLOSE (very large online search engines). C’est-à-dire, de très grandes plateformes en ligne et de très grands moteurs de recherche en ligne. Là encore, la fréquentation est le critère différenciant.

De façon arbitraire, l’Union européenne a établi qu’une plateforme ou un moteur de recherche entrait dans les catégories VLOP ou VLOSE à partir du moment où elle accueille au moins 45 millions d’internautes provenant de l’Union européenne, chaque mois. Ces 45 millions équivalent à 10 % de la population européenne — l’UE compte environ 450 millions d’habitants.

Afin justement de tenir compte de l’évolution de la popularité des plateformes (de nouvelles peuvent émerger et d’autres être délaissées), cette évaluation du nombre d’internautes issus de l’UE devra être actualisée au moins une fois tous les six mois. Indirectement, les entreprises qui évoluent sous le seuil de ces 45 millions devront être attentives si jamais elles franchissent cette barre.

Pourquoi l’UE s’intéresse aux très grandes plateformes en ligne ?

Les formulations VLOP et VLOSE sont employées dans le cadre d’une réforme de la législation européenne, appelée DSA (Digital Services Act). Cette législation sur les services numériques vise à fixer un cadre plus exigeant à l’égard des géants du net, justement parce qu’ils ont un poids considérable dans leur domaine et qu’ils ont une influence majeure sur les internautes.

Le DSA actualise le cadre juridique de l’Union européenne, qui datait de l’an 2000, en réaction à l’émergence d’entreprises numériques colossales ces deux dernières décennies. Leur taille est telle qu’elles sont aujourd’hui accusées de faire fi des règles ou, à tout le moins, de profiter d’interstices dans le droit européen, pour faire des affaires. Le DSA entend reprendre la main.

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Les grandes plateformes peuvent avoir une influence considérable à travers leurs algorithmes et leurs recommandations. // Source : European Union Agency for Fundamental Rights

Le DSA se focalise sur le « fonctionnement interne » des géants du net : obligations sur la transparence des algorithmes, responsabilités nouvelles, efforts accrus sur le retrait de contenus illicites, etc. Le DSA vient avec un autre texte, le DMA (Digital Market Act), qui cible les pratiques anticoncurrentielles sur les divers secteurs sur lesquels opèrent les géants du net.

Qui est un géant du net (VLOP) ?

Les plateformes avaient jusqu’au 17 février pour dévoiler leur nombre d’utilisateurs. La liste officielle sera publiée par la Commission européenne. Elle déterminera, finalement, qui entre dans ces catégories de très grande plateforme ou de très grand moteur de recherche. Bruxelles a demandé à toutes les plateformes de lui notifier la statistique de fréquentation.

Benoît Tabaka, le responsable des politiques publiques chez Google France, a fait néanmoins un travail préalable de synthèse, en s’appuyant justement sur les réponses publiques des différentes plateformes. Il ressort de cette collecte que les VLOP en Europe devraient être une quinzaine — cette liste reste à confirmer par Bruxelles dans les mois à venir :

  • Aliexpress
  • Amazon
  • Booking
  • Facebook
  • Google Play
  • Google Maps
  • Google Shopping
  • Instagram
  • L’App Store d’iOS
  • LinkedIn
  • Pinterest
  • Snapchat
  • TikTok
  • Twitter
  • Wikipédia
  • YouTube

Et, du côté des moteurs de recherche ? Seuls deux noms émergent :

  • Bing
  • Google

Quelles sont les règles s’appliquant aux géants du net ?

Dans le cadre du DSA, il existe différentes typologies d’acteurs du numérique. Il y a les services intermédiaires, les services d’hébergement, les plateformes en ligne et les très grandes plateformes en ligne. Les obligations pour les uns et les autres sont cumulatives : plus on progresse dans ce classement, plus les règles s’amoncellent, avec des exigences particulières de plus en plus fortes.

On compte en tout une vingtaine d’obligations, mais il y en a six en particulier qui ne touchent que les VLOP et VLOSE :

  • Obligations en matière de gestion des risques et réaction aux crises ;
  • Audit externe et indépendant, fonction de vérification interne de la conformité et responsabilité publique ;
  • Choix des utilisateurs de ne pas avoir de recommandations fondées sur le profilage ;
  • Partage des données avec les autorités et les chercheurs ;
  • Codes de conduite ;
  • Coopération en matière de réaction aux crises.

Quelle est la suite du calendrier ?

Le Digital Services Act a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 27 octobre 2022 et est entré en vigueur le 16 novembre. Cependant, ses effets ne sont pas encore immédiats : il faut d’abord définir qui est entre dans les catégories VLOP et VLOSE (d’où l’échéance du 17 février et le délai de quatre mois que Bruxelles prend pour les désigner).

La prochaine grande échéance est donc la publication de la liste de la Commission européenne. Ensuite, l’étape d’après surviendra le 17 février 2024. À ce moment-là, le DSA entrera pleinement en application. Les règles contenues dans cette loi sur les services numériques devront être respectées par les géants du net, sous peine d’être l’objet de très lourdes sanctions… voire d’un bannissement.


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