L'avocat général de la CJUE estime que les bibliothèques ont le droit de numériser une partie de leur collection pour proposer la consultation sur place de livres électroniques, mais qu'ils ne peuvent pas autoriser la copie privée sur clé USB.

Il ne s'agit pour le moment que de l'avis de l'avocat général, et pas encore d'un jugement définitif de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE). Mais jeudi dernier, l'avocat général Niilo Jääkisen a rendu un avis important dans un conflit de droits d'auteur qui oppose l'éditeur de livres pédagogiques Eugen Ulmer KG à l'Université technique de Darmstadt.

Niilo Jääkisen conseille à la CJUE de juger que la directive européenne de 2001 sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information autorise les bibliothèques à réaliser elles-mêmes des copies numériques des livres papiers dont elles disposent dans leurs fonds, sans avoir à obtenir l'autorisation des éditeurs — à condition toutefois que cette numérisation se justifie dans l'intérêt de la préservation des ouvrages d'origine, et qu'elle ne se substitue pas à l'achat d'exemplaires supplémentaires.

Alors que la directive dispose dans son article 5.3.n que les bibliothèques ne peuvent copier et proposer sans autorisation que les livres de leurs collections qui ne sont "pas soumis à des conditions en matière d'achat ou de licence", l'avocat général estime que le fait que les éditeurs vendent des licences pour leurs éditions numériques des oeuvres ne s'oppose pas à ce que les bibliothèques procèdent par leurs propres moyens. Ce n'est que lorsque les établissements signent des contrats avec les éditeurs qu'ils s'excluent de fait du bénéfice d'une telle exception au droit d'auteur.

Cependant, la directive impose que la consultation des oeuvres ainsi numérisées soit faite sur place, et non à distance, à partir de "terminaux spécialisés".

L'impression c'est oui, la clé USB c'est non

Par ailleurs, Niilo Jääkisen rejette l'hypothèse qui permettrait aux usagers des bibliothèques d'emporter avec eux une copie du livre numérisé sur clé USB, en le copiant à partir de ces "terminaux spécialisés" proposés par les établissements pour permettre la lecture des ouvrages. "Une telle copie peut être recopiée et distribuée en ligne. Or, l’exception prévue en faveur des terminaux spécialisés ne couvre pas l’acte par lequel la bibliothèque rend sa copie numérique accessible à l’utilisateur, afin qu’il puisse créer une copie ultérieure et la conserver sur une clé USB", écrit l'avocat général.

S'il reconnaît en revanche le droit à imprimer le livre numérisé sur du papier, c'est uniquement parce qu'il estime que l'acte revient strictement au même qu'une photocopie réalisé à partir d'un photocopieur moderne, qui numérise avant d'imprimer. "À la différence d’une copie numérique sauvegardée sur une clé USB, permettre d’imprimer les ouvrages numérisés par une bibliothèque (…) ne crée pas, à cet égard, une situation nouvelle par rapport à celle dans laquelle il n’existerait aucun terminal spécialisé".

Mais surtout, "le danger d’une distribution illicite d’envergure, présent dans le cas de copies numériques, n’existe pas davantage".


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