Huit mois après l’entrée en vigueur de l’IPRED, transposition d’une directive européenne, qu’en est-il du téléchargement illégal en Suède ? Selon l’IXP Netnod, le trafic est revenu depuis peu à son niveau habituel. Un bien amer constat pour les défenseurs d’une législation renforcée.

Lorsque la nouvelle législation IPRED (pour Intellectual Property Rights Enforcement Directive) est entrée en vigueur le 1er avril dernier en Suède, le pays avait enregistré dès le lendemain une chute spectaculaire de son trafic Internet, estimée à près de 30 %. Transposition d’une directive européenne sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle, beaucoup avaient alors attribué ce phénomène nouveau à un regain de prudence chez les internautes suédois, manifestement inquiets de voir les pouvoirs des organismes spécialisés dans la lutte contre le piratage être renforcés.

Huit mois plus tard, le constat est sans appel : selon Torrentfreak, qui fait le point sur la situation, alors que cette nouvelle loi offrait de nouvelles prérogatives aux ayants droits pour lutter contre le piratage, comme la possibilité de collecter directement les adresses IP des pirates pour ensuite demander aux fournisseurs d’accès de les identifier, il est acquis que les internautes suédois ne sont plus du tout effrayés par cette loi particulièrement controversée.

L’opérateur IXP Netnod Internet Exchange, qui avait détecté cette baisse de près d’un tiers du trafic lors de l’entrée en vigueur de l’IPRED, a annoncé cette fois que les échanges en Suède étaient complètement revenus à la normale. Mieux encore, l’observation de la courbe de progression nous incite à penser que le trafic Internet va même dépasser les niveaux enregistrés avant la mise en application de cette loi.

°videmment, le peer-to-peer n’est sans doute pas la seule raison expliquant cette remontée progressive du trafic Internet. D’autres facteurs ont certainement pu jouer sur cette courbe, comme l’arrivée de nouveaux internautes, le développement du jeu en ligne ou la promotion de services légaux de streaming. Toutefois, comme l’avait souligné à l’époque du chef du Parti pirate suédois, Rick Falkvinge, cette réduction massive des transferts était principalement causée par une prudence légitime et normale des internautes, le temps de jauger cette nouvelle loi. Plusieurs experts avaient même estimé qu’avec le temps, cette peur allait disparaitre. Au regard des données fournies par Netnod, ils avaient bel et bien raison.

Manifestement, cette nouvelle législation, plus dure envers les internautes, n’a pas eu l’effet escompté par les ayants droits. Pire encore, puisque d’un certain point de vue, elle a joué contre son camp : elle a favorisé l’émergence de nouvelles solutions, comme le réseau privé virtuel de The Pirate Bay, IPREDator, et soutenu la montée en puissance du Piratpartiet, qui a désormais deux députés au Parlement européen. Notons au passage que le mouvement compte aujourd’hui plus de 50 000 adhérents.

Quant au téléchargement légal, l’IPRED n’a pas vraiment changé la donne. Réagissant aux données fournies par l’industrie culturelle suédoise, Roger Wallis, professeur à l’école de commerce KTH, avait ainsi expliqué que « l’industrie musicale a tout à gagner au bruit que ça fait dans les médias, mais nous n’avons aucune idée de la manière dont ils sont arrivés à ces chiffres et ce qu’ils veulent dire« . Même son de cloche chez Robert Gustavsson, fondateur de la société Inprodicon. Cette augmentation est surtout à mettre au crédit de l’amélioration de la qualité du service, et non pas à la mise en œuvre de la loi.

De toute façon, la diabolisation du piratage ne fonctionne manifestement pas en Suède : Selon une étude menée par MMS, seuls 30 % des internautes suédois âgés de 16 à 65 ans ont supputé que le téléchargement illégal revenait à du vol. Par ailleurs, une autre étude menée cette fois par Cyber Norms a révélé l’intérêt toujours plus grand qu’ont les internautes suédois pour l’anonymat en ligne. Selon l’un des responsables du rapport, près de 500 000 abonnés Internet ont fait le pari de masquer leur identité en ligne.

Un bien amer constat pour les promoteurs de l’IPRED. En misant sur une législation plus dure, sans doute espéraient-ils arrêter le piratage et relancer l’offre légale. Or, c’est finalement tout le contraire qui s’est produit. Au petit jeu du chat et de la souris, il semble que cette dernière ait toujours une longueur d’avance…

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