En nommant Jean-Jacques Urvoas au ministère de la Justice, François Hollande confie la Chancellerie à un homme qui n’a eu de cesse d’accompagner et de soutenir la dérive sécuritaire, au détriment des droits et libertés.

Rire, ou pleurer ? On avait du mal à le croire, lorsque l’annonce s’est affichée sur nos écrans. Après la démission surprise de Christiane Taubira du ministère de la Justice, qui aurait dû intervenir beaucoup plus tôt, le président de la République a choisi de nommer Jean-Jacques Urvoas garde des sceaux.

Or le député socialiste, qui lorgnait plutôt le ministère de l’Intérieur, est un homme de la police, des services de renseignement, qui s’est fait le bras parlementaire armé des réformes sécuritaires depuis plusieurs années.

Au moment où l’État s’enlise dans un état d’urgence dont on ne sait comment sortir, la nomination de Jean-Jacques Urvoas au poste de ministère de la Justice scelle la mise sous tutelle de la place Vendôme au profit de la place Beauvau. En cette période de guerre qui ne cache plus son nom, qui justifie que la France demande des dérogations aux droits de l’homme, la Justice doit être étouffée et Jean-Jacques Urvoas est l’homme qui n’hésitera pas à user de son bâillon.

Au centre de tous les textes sécuritaires récents

Ancien membre de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), Jean-Jacques Urvoas avait été le rapporteur zélé de la loi Renseignement, dont Christiane Taubira disait en privé qu’elle « permet une intrusion dans la vie privée aux antipodes de mes idées ». Il n’avait pas eu de mots assez durs pour critiquer les opposants au texte, dont faisaient partie entre autres la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature, l’Union syndicale des Magistrats, ou l’Ordre des avocats de Paris (c’est lui qui parla des « exégètes amateurs » pour dénigrer ceux qui analysaient les dangers du texte qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans des conditions inhabituelles, et sans le moindre argument).

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Il fut également le soutien de la loi de programmation militaire de 2014 qui, déjà, étendait les pouvoirs de surveillance avec un article très polémique qui autorise la collecte de données en temps réel sur les réseaux, sans passer par un juge.

Plus récemment, Urvoas s’est fait contrôleur de l’état d’urgence, comme pour mieux faire accepter le fait que la Justice soit mise de côté dans le contrôle du respect des droits et libertés des citoyens, en cette période d’émiettement de l’état de droit. C’est d’ailleurs toujours lui, bien sûr, qui fut rapporteur de la loi sur l’état d’urgence de novembre 2015, laquelle a diverses implications pour Internet, dont la possibilité d’accéder aux données sur le Cloud depuis le domicile de personnes perquisitionnées, sans contrôle d’un juge.

Désormais dans le fauteuil de Christiane Taubira, Jean-Jacques Urvoas aura les mains libres pour faire avancer le projet de loi Taubira, qui fait entrer dans le droit commun des mesures d’exception parfois redoutables, comme l’utilisation des IMSI-catchers dans des enquêtes contre contre la délinquance, ou l’interception de tous les e-mails et fichiers archivés dès l’enquête préliminaire.

Le loup est désormais dans la bergerie, et la dangereuse glissade de la France vers la violation des libertés au nom de la sécurité n’est sans doute pas prête de s’inverser.


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