Les relations entre WikiLeaks et le New York Times sont au plus bas. Le premier a publié un faux éditorial qu'il a attribué au second, lui reprochant de ne pas publier d'articles sur le blocus financier dont il fait l'objet.

La presse américaine doit-elle prendre parti pour WikiLeaks, qui continue d'éprouver les plus grandes difficultés à financer ses activités ? C'est la question qui se pose indirectement dans la récente altercation entre le site lanceur d'alerte et l'un des quotidiens les plus lus de l'autre côté de l'Atlantique, le New York Times. En effet, WikiLeaks estime que les médias ne s'intéressent pas suffisamment à sa situation.

Déjà fort refroidies, les relations entre le New York Times et WikiLeaks se sont à nouveau dégradées cette semaine à la découverte d'un faux éditorial attribué à Bill Keller, l'ancien rédacteur en chef du journal américain. Titre "WikiLeaks, a Post Postscript", il s'en prend au blocus financier contre WikiLeaks et dénonce l'attitude des intermédiaires financiers américains et singe un véritable édito de Bill Keller, intitulé "WikiLeaks, a Postscript".

Pour tromper l'internaute, la maquette du quotidien a été entièrement copiée et un travail minutieux a été effectué pour que l'illusion soit parfaite : tous les liens hypertextes fonctionnent, les images s'affichent convenablement et les animations fonctionnent. Seule l'URL est différente (opinion-nytimes.com), puisqu'elle s'éloigne de celle du New York Times (nytimes.com/pages/opinion).

Sur Twitter, WikiLeaks a confirmé être derrière cette opération mais est toutefois resté vague, ne précisant pas si l'opération a été réalisée par les membres de WikiLeaks ou ses supporteurs. Dans un second temps, le site a attaqué la politique éditoriale du New York Times, reprochant aux journalistes de passer sous silence le blocus financier l'entourant. Avant de verser dans les insultes.

Les frictions entre le New York Times et WikiLeaks ne sont pas récentes. Début 2011, le journal avait publié un ouvrage dédié aux deux affaires qui ont propulsé le site sur le devant de la scène : Afghan War Diary et Iraq War Logs. La préface, signée par Bill Keller, s'est montrée assez critique à l'égard de Julian Assange, le fondateur et porte-parole du projet, comme le montre Arrêt sur Images.

Quelques mois auparavant, WikiLeaks aurait refusé de délivrer au New York Times les cables diplomatiques que le journal a finalement obtenu grâce au Guardian, parce que le journal 'aurait pas assez bien couvert les dernières fuites, et / ou parce qu'il a osé critiquer l'organisation et son charismatique leader. Or, le New York Times a justement fait un travail critique à l'égard de WikiLeaks, quitte à écorner l'image du site.

"La couverture faite par le journal de l'organisation et de son fondateur a été parfois férocement critique", avait rappelé il y a deux ans le site Journalism.co.uk. En plus d'un portrait au vitriol de fondateur du site, le quotidien s'en serait pris aux pratiques de WikiLeaks, reprochant à ce dernier de publier des documents militaires sans expurger des données sensibles.

Comme nous l'écrivions alors, WikiLeaks veut contrôler la communication, aussi bien sur le fond avec la couverture des documents qu'il publie que sur la manière dont les journalistes parlent de WikiLeaks ou de son fondateur. Rendre les journaux dépendants des données qu'il leur délivre en avant-première est un moyen assez malsain de parvenir à cette fin…

Le site lanceur d'alerte prend un risque en cherchant à orienter la politique éditoriale des quotidiens avec lesquels il traite. Non seulement le site risque de perdre ses relais médiatiques dans la presse, mais en plus ceux acceptant de travailler de concert avec le site lanceur d'alerte pourraient se montrer plus méfiants et moins enclins à relayer les fuites de WikiLeaks.


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