Ca n’est pas vraiment une nouvelle, puisqu’on le sait déjà depuis le mois d’avril. Disons qu’il s’agit plutôt d’une confirmation qui pourrait donner encore plus de grain à moudre à François Bayrou lorsqu’il dénonce la proximité du pouvoir avec les puissances d’argent, et qu’il prédit que « un jour dans ce pays il y aura une révolte civique« .

Dans son édition de mercredi, le Canard Enchaîné confirme que l’Elysée a cédé au lobbyisme des trois opérateurs mobiles et en particulier de Martin Bouygues, ami personnel du chef de l’Etat, pour rejeter l’entrée de Free sur le marché de la téléphonie mobile. Comme nous l’indiquions en avril, alors que tout a été préparé pour permettre au groupe Iliad d’acquérir la quatrième licence 3G, Nicolas Sarkozy a bloqué la procédure et demandé à ce que l’on étudie un nouveau scénario, qui verrait la licence divisée en blocs.

Or selon le journal satirique, « les fréquences disponibles – 15 mégahertzs actuellement – seraient tronçonnées en trois lots accordés à des bénéficiaires choisis, notamment, en fonction de leur solidité financière et de l’étendue de leur réseau« . « Suivez mon regard« , poursuit le journal, qui regarde bien évidemment les trois opérateurs en place : Orange, Bouygues Télécom et SFR. Au mieux, si Free obtient quelques miettes, il sera dépendant d’accords de licence avec les autres opérateurs pour faire fonctionner son réseau sur tout le territoire, et donc de leurs tarifs. De cette manière, il est certain que Free ne pourra pas casser les prix comme il le souhaite, ce qui aurait été profitable aux consommateurs français qui ne voient pas les tarifs évoluer vers le bas.

Le Canard Enchaîné cite Martin Bouygues dans le texte, lorsqu’il explique par une métaphore pleine d’amour à un haut fonctionnaire de Bercy pourquoi il faut conserver le triopole actuel, malgré les ententes évidentes sur les prix : « Je me suis acheté un château, ce n’est pas pour laisser les romanichels venir sur les pelouses« . Les Roms apprécieront. Free aussi.

L’opérateur semble en tout cas avoir fait une croix sur le dossier, si l’on en juge par la sortie véhémente de Xavier Niel, l’actionnaire majoritaire d’Iliad. Les trois opérateurs mobiles historiques ont accepté de se faire ponctionner 0,9 % pour financer France Télévisions en échange de l’assurance que Free ne débarque pas sur le marché, mais Free rejettera fermement cette taxe s’il n’a rien à y gagner. Et Xavier Niel ajoute d’ores et déjà dans son chariot médiatique son opposition toute nouvelle à la loi Hadopi, qu’il n’entend plus laisser passer comme une lettre à la Poste.

Les consommateurs sont en train de trouver dans ces cuisines politico-financières un allier de circonstance dans la lutte contre tous les dossiers ouverts par le gouvernement ces derniers mois, en faveur d’un contrôle le plus étroit possible d’Internet et de l’information. Entre Free et l’Elysée, c’est désormais un mano a mano, et c’est à qui cèdera le premier.


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