L’emploi de données personnelles pour la publicité ciblée fait face à une opposition croissante. Facebook a déclaré dans ce cadre qu’il va réduire les critères sur lesquels les annonceurs peuvent cibler les internautes. Mais cette annonce cache des subtilités.

Dans la tourmente à la suite des révélations fracassantes de Frances Haugen, la lanceuse d’alerte qui s’est révélée au monde cet automne, Facebook et sa maison mère Meta tentent de limiter la casse. Après le changement de nom opéré fin octobre, l’entreprise s’efforce maintenant de rassurer les internautes au sujet de la publicité ciblée. Dans un billet de blog daté du 9 novembre, Meta affirme qu’à partir du 19 janvier 2022 elle ne permettra plus aux annonceurs de faire de la publicité ciblée en se servant de certaines données « sensibles ».

Cette catégorie inclut notamment tout ce qui relève de « la santé, l’origine ethnique, l’affiliation politique, la religion ou l’orientation sexuelle », explique Facebook. La promesse est de réduire la capacité des entreprises à proposer de la publicité aux internautes qui se basent sur ces critères sur Facebook et Instagram. Plus question, donc, de faire de la pub pour de la chimiothérapie ou pour la culture LGBT à des internautes ayant manifesté de l’intérêt pour ces sujets sur le réseau social. En théorie.

Cela signifie-t-il pour autant la fin de la pub ciblée sur ces sujets ? C’est (évidemment) plus compliqué que ça.

Qu’est-ce qui change chez Meta ?

Le changement annoncé par Facebook est moins révolutionnaire qu’il n’y parait. En effet, le site communautaire ne renonce pas à la publicité ciblée en général. Il va continuer à se servir de votre âge, de votre localisation géographique ou de votre genre pour vous afficher des annonces. Tout ce qui n’entre pas dans les données sensibles reste exploitable, car le modèle économique de Facebook consiste à vendre de la publicité. Elle ne peut en la matière aller trop loin, sauf à vouloir se mettre en danger.

En fait, l’entreprise explique dans son billet de blog que « les options de ciblage avancées que nous supprimons ne sont pas basées sur les caractéristiques physiques ou les attributs personnels des personnes, mais plutôt sur des éléments tels que les interactions des personnes avec le contenu de notre plateforme ». En clair, si vous faites partie d’un groupe dédié à un candidat politique ou à une cause militante, Facebook ne permettra plus aux annonceurs de se baser dessus.

Bien que la portée de la décision du réseau social reste modérée, il s’agit d’un revirement par rapport à sa politique jusqu’à présent en vigueur : celle-ci ne permettait certes pas de viser des catégories de populations en particulier, mais autorisait les régies pubs à cibler par exemple les femmes ayant aimé la page d’un bar lesbien. Le résultat était donc peu ou prou le même.

Facebook

Facebook va limiter l’utilisation de vos données dans le cadre de la publicité ciblée // Source : Facebook

Un ciblage publicitaire détourné

Autre limite : ce changement vise l’activité sur Facebook et Instagram seulement. Comme le dit Meta, les données issues des « audiences personnalisées créées à partir d’un site web » sont toujours exploitables. Cette option permet de «comparer les visiteurs de votre site web aux personnes sur Facebook ». Si vous visitez la page d’un site web dédié à un bar lesbien par exemple — et que ce site à un bouton Facebook qui permet d’identifier votre profil —, ce site pourra continuer à vous servir de la publicité ciblée sur le sujet.

En somme, les nouvelles règles ne permettent pas d’exploiter les données « sensibles » générées sur Facebook, mais l’activité en dehors du site reste utilisable. « Vous pouvez […] créer une audience composée de toutes les personnes ayant visité votre site web au cours des 30 jours précédents », explique l’entreprise sur sa page dédiée. La portée de la mesure est donc limitée.

Le fait est que cette annonce est loin d’être la première que Facebook formule. En 2017 déjà, Facebook annonçait bloquer l’utilisation de critères ethniques pour certaines publicités. Raté, quelques mois plus tard il était toujours possible de cibler certains groupes ethniques sur Facebook. En 2018, il était possible de cibler les utilisateurs croyant au « génocide blanc ». La même année Facebook supprimait déjà 5 000 critères de ciblage publicitaire fondé sur l’ethnie et la religion. L’annonce de Facebook de cette fin 2021 sent donc un peu la redite.

Rappelons qu’en France, l’utilisation de ces « données sensibles » est très strictement encadrée par la Cnil. Les futurs Digital Market Act et Digital Services Act discutés à Bruxelles vont aussi serrer la vis sur le suivi publicitaire. Dans ce contexte, Meta parait aussi chercher à faire bonne figure face à ces nouvelles régulations, tandis que Frances Haugen fait le tour des parlements pour dénoncer ses pratiques.

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