La Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), qui défend les intérêts des grandes maisons de disques en France, a réussi à faire chuter les plus gros serveurs français du réseau eDonkey. Sous pression, ChezToff, Breizh Punishers et Jibworld ont décidé de fermer. Explications.

Elles avaient prévenu. Les majors de l’industrie du disque ont pris acte de la quasi-impossibilité de poursuivre efficacement les P2Pistes français, et se sont attaquées pendant les fêtes de Noël aux serveurs eDonkey. Le 22 décembre, les administrateurs des serveurs ChezToff, Jibworld et Breizh Punishers ont ainsi reçu chez eux un courrier en recommandé adressé par la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP). Cette dernière, qui défend en France les intérêts de ses membres dont Universal, Sony-BMG, Warner et EMI, n’a pas encore porté plainte. Mais le bureau anti-piraterie de la SCPP intime aux administrateurs de filtrer les résultats de recherches envoyés aux utilisateurs.

« Nos services ont pu constater que vous aviez créé sur Internet un serveur dédié, indexant des milliers de fichiers partagés encodés notamment aux formats MP3 et WMA, stockés sur le disque dur des ordinateurs des utilisateurs connectés à votre système, et renvoyant les résultats des requêtes de recherches à des fins de téléchargement », peut-on lire dans la lettre (.pdf) dont Ratiatum a eu connaissance.

Curieusement, la demande ne s’appuie pas sur les nouvelles dispositions apportées par la loi DADVSI, mais sur l’article L213-1 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que « l’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme ».

« Nous vous mettons en conséquense en demeure de prendre les mesures techniques nécessaires afin de faire cesser le dommage résultant de la violation des droits des producteurs de phonogrammes et d’utiliser pour l’avenir votre connexion sur le réseau Internet à des fins stritement légales », continue la missive, qui prend ici une tournure paternaliste étrange.

C’est à notre connaissance la première fois qu’une demande de filtrage est ainsi formulée auprès d’un serveur eDonkey. L’administrateur de Razorback aurait aimé bénéficier du même traitement plutôt que de recevoir immédiatement une convocation au tribunal, précédée d’une mise sur écoute de 8 mois.

La SCPP veut un filtrage massif de tous les MP3

Mais la SCPP, pour des raisons qui restent encore très obscures, a refusé de communiquer aux administrateurs des serveurs eDonkey la liste des chansons qu’elle souhaitait voir bloquées. Pour continuer sans crainte de poursuites pénales et civiles, les administrateurs auraient donc eu comme seule possibilité de filtrer l’ensemble des fichiers MP3 et WMA, ce qui est évidemment inconcevable. Même si celle-ci semble avoir du mal à l’admettre, il existe de la musique en dehors de la SCPP, qui ne demande pas à être bloquée, et de plus en plus.

A respectivement 32 et 38 ans, les administrateurs de Toff et Breizh Punishers n’ont cependant pas envie d’entrer dans une guerre juridique avec la SCPP. Leurs serveurs étaient en ligne depuis au moins trois ans et c’est aussi pour eux l’occasion de tourner la page et surtout, de laisser le réseau eDonkey voler de ses propres ailes. Il est depuis déjà longtemps soutenu pour une très large part par le réseau décentralisé Kad, introduit par les développeurs d’eMule.

Et c’est bien là le drame pour l’industrie du disque, qui plante encore une épée dans l’eau. Une telle action aurait pu être plus efficace il y a deux ou trois ans, lorsque le réseau eDonkey était encore partagé entre le client officiel et eMule, et à une époque où la surcouche décentralisée Kad n’existait pas encore. Aujourd’hui, les serveurs n’ont plus aucun intérêt dans l’utilisation d’eMule et les fichiers MP3 continueront à s’échanger comme si rien ne s’était passé le 22 décembre.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !