Malgré son prix très élevé (1 099 euros), le Huawei Pura 80 Pro souffre de nombreuses restrictions en Europe à cause de la décision de Donald Trump d’inscrire le constructeur sur liste noire commerciale en 2019. En l’état, il est difficile de le recommander autrement que pour son incroyable appareil photo de nuit (mais, sur ce terrain, la concurrence avance).

6 ans après son bannissement par les États-Unis, Huawei est encore très loin de sa position d’ex-numéro 1 mondial du smartphone.

Le géant chinois a gagné en indépendance, a repris des parts de marché en Asie et sait désormais graver ses propres puces grâce au fondeur SMIC, mais ses efforts pour améliorer l’expérience utilisateur dans le monde occidental restent insuffisants pour complètement remplacer Google et ses services, préinstallés par défaut sur tous les smartphones Android (et disponibles facilement sur iOS). Ses parts de marché en France sont aujourd’hui dérisoires : Huawei s’est reconverti dans les montres connectées, les tablettes et les écouteurs, mais arrive loin derrière Samsung, Apple, Xiaomi ou Motorola avec ses smartphones Pura (ex-P) et Mate.

Lancé fin octobre 2025 en France, le Pura 80 Pro illustre bien le paradoxe Huawei. Il est sur le papier irréprochable, avec une grande qualité de finition, un très bel écran bord à bord, une autonomie de deux jours et un module caméra d’enfer… mais n’a pas accès à la 5G, ne supporte pas nativement les services Google, force à installer des logiciels plus ou moins légaux pour télécharger des applications, ne gère pas les messages RCS et ne peut pas accéder à certains sites, notamment à cause de sa très mauvaise gestion des clés d’accès. Il se destine aujourd’hui à un public bien averti, plus du tout au plus grand nombre (alors que ses prédécesseurs, comme le P20 Pro ou le P30 Pro, étaient les meilleurs smartphones de leur époque).

Configurer un smartphone Huawei en 2025 est toujours très frustrant

En Europe, Huawei continue d’utiliser une version open source d’Android, basée sur Android 12 (2021), sur ses smartphones. La configuration de l’appareil neuf vire néanmoins vite au casse-tête : sans services Google, il n’y a pas de possibilité de connecter son compte pour transférer toutes les données d’un précédent smartphone. La seule solution est d’utiliser l’application Phone Clone, préinstallée sur les Huawei, pour copier le contenu d’un autre appareil Android (c’est aussi possible depuis iOS, mais sans ses applications). La démarche est assez simple à suivre, même si de nombreux logiciels ne seront pas copiés (tous les Google, notamment).

Sans Phone Clone, bon courage pour récupérer ses données sur un smartphone Huawei. Utiliser un ancien Android est indispensable.
Sans Phone Clone, bon courage pour récupérer ses données sur un smartphone Huawei. Utiliser un ancien Android est indispensable. // Source : Captures Numerama

Phone Clone apparaît comme un indispensable : sans lui, vous ne pourrez pas installer la plupart de vos applications. Le magasin officiel de Huawei, l’AppGallery, peine toujours à proposer les logiciels les plus utilisés (et regorge de publicités, qui sont aussi proposées à la configuration de l’appareil et sur l’écran d’accueil).

L’autre alternative officielle proposée par Huawei s’appelle Petal Search : il s’agit d’un moteur de recherche alternatif capable de trouver des applications sur des sites d’APK, avec une installation manuelle app par app, là encore avec beaucoup de publicités. Le problème est qu’il n’y a pas de mise à jour automatique derrière, ce qui rend la solution peu viable. Certains logiciels ne sont d’ailleurs pas proposés, tandis que ceux que l’on installe manuellement prennent beaucoup de temps à s’installer, avec plusieurs étapes manuelles à chaque fois.

Huawei, est-ce bien sérieux de proposer autant de publicités dès la configuration du téléphone ? À plus de 1000 euros ?
Huawei, est-ce bien sérieux de proposer autant de publicités dès la configuration du téléphone ? À plus de 1 000 euros ? // Source : Captures Numerama

La vraie solution pour remplacer Google s’appelle « Aurora Store ». Ce magasin alternatif, à la limite de la légalité, doit être installé manuellement (Huawei ne le précharge sans doute pas pour des raisons légales). Il permet de cloner l’interface du Play Store en mimant une connexion sur les serveurs de Google, grâce à votre compte. L’Aurora Store crée un intermédiaire entre Google et votre Huawei, pour télécharger des applications et vous les envoyer.

Sur l’Aurora Store, on peut télécharger les mêmes applications que sur n’importe quel smartphone Android, mises à jour comprises. Mais, attention, Google peut techniquement bloquer son utilisation à tout moment.

Grâce à l'Aurora Store, un smartphone Huawei se fait passer pour un terminal certifié auprès des serveurs de Google. Votre compte est utilisé, à vos risques et périls.
Grâce à l’Aurora Store, un smartphone Huawei se fait passer pour un terminal certifié auprès des serveurs de Google. Votre compte est utilisé, à vos risques et périls. // Source : Captures Numerama

Autre bidouille plus ou moins légale (rien ne l’interdit, mais les règles de Google sont sans doute contournées) : les services microG, préinstallés sur l’appareil. Encore une fois, il s’agit d’une copie des services Google, en se faisant passer pour un appareil autorisé auprès des serveurs de Google. La ruse fonctionne : en se connectant à microG, on peut lancer Google Maps, Google Chrome ou YouTube, avec quelques microbugs (Google Maps exige une mise à jour des services Google, ce qui est impossible). Huawei a bien amélioré la situation en quelques années, mais il serait faux de prétendre que tout est revenu à la normale. Il n’y a que les vrais anti-Google et services américains qui devraient se régaler avec l’expérience Huawei (ou GrapheneOS, l’Android sans Google).

Pas de 5G, des bugs et des bidouilles parfois fatiguantes

Parmi les points de blocage principaux : les messages RCS, remplaçants des SMS, non supportés par l’application de messagerie de Huawei (et l’application Google Messages, même en trichant, ne reconnaît pas le Pura 80 Pro. On reste bloqué en « Connexion »).

L'écran bord à bord du Huawei Pura 80 Pro est un des plus beaux du marché. Les bordures sont symétriques et incurvées sur les quatre bords.
L’écran bord à bord du Huawei Pura 80 Pro est un des plus beaux du marché. Les bordures sont symétriques et incurvées sur les quatre bords. // Source : Numerama

Autre problème important : la gestion des clés d’accès (passkeys), les remplaçants des mots de passe, est catastrophique chez Huawei. Après une semaine de test du smartphone, nous n’avons toujours pas réussi à nous connecter à Twitter/X, que ce soit depuis l’application ou depuis le site. La vérification finale du passkey finit toujours par bloquer : il faut utiliser un autre appareil pour accéder à ses comptes les plus protégés (on entre dans une boucle infernale avec des étapes qui se répètent à l’infini). À noter qu’il est impossible de configurer le gestionnaire de mots de passe de Google, même avec les microG, ce qui force à taper ses mots de passe à la main.

La gestion des eSIM est aussi capricieuse : il n’y a aucun outil de transfert intégré, il faut forcément passer par le site de son opérateur. Huawei ne supporte d’ailleurs pas la 5G : ses puces sont privées du réseau de dernière génération, à cause des États-Unis. Il faut se contenter d’une 4G parfois très bonne, mais parfois capricieuse, avec des déconnexions regrettables. Côté Wi-Fi : oubliez la bande des 6 GHz, il faut se contenter d’un Wi-Fi 7 bi-bandes.

Un drame en trois actes : dès qu'un passkey est sollicité, Huawei affiche ces menus qui manquent de clarté et ne gèrent pas l'authentification avec un autre appareil. Le résultat est systématiquement un échec.
Un drame en 3 actes : dès qu’un passkey est sollicité, Huawei affiche ces menus qui manquent de clarté et ne gèrent pas l’authentification avec un autre appareil. Le résultat est systématiquement un échec. // Source : Captures Numerama

Enfin, nous avons remarqué plusieurs bugs dans certaines applications, comme Instagram, qui gèrent très mal l’emplacement du clavier Huawei. On ajoute aussi que la recharge rapide 100 W du téléphone est propriétaire : avec un chargeur universel capable de monter jusqu’à 150 W, on peine à dépasser les 10 W de sortie. La recharge peut être très lente (2 heures pour passer de 20 % à 80 % selon nos mesures), tandis que la recharge sans-fil est compliquée par l’imposant module caméra du téléphone, qui ajoute beaucoup d’épaisseur.

Single-core / CPUMulti-core / CPUGPU
Huawei Pura 80 Pro1 2684 4614 359 (Vulkan)
iPhone 17 Pro Max3 6719 47345 563 (Metal)
Galaxy S25 Ultra2 8539 44523 844 (Vulkan)
Mesures réalisées avec Geekbench 6

En ce qui concerne les performances brutes, ce qui veut tout et rien dire (l’expérience utilisateur est le plus important), la puce Kirin 9020 gravée par SMIC, malgré ses progrès, arrive toujours loin derrière les puces Apple et Qualcomm récentes. Elle est équivalente à la puce d’un Galaxy S21/S22 pour le CPU et à un Pixel 7 pour le GPU.

Côté IA, rien n’est aujourd’hui prévu en France. Les Pura 80 Pro ne sont pas taillés pour faire tourner des petits LLM en local, contrairement à leurs rivaux. L’assistant vocal par défaut, Celia, reste incapable de répondre à la moindre question (littéralement, il dit constamment qu’il « n’a pas compris ce que vous venez de dire »).

Le capteur de 1 pouce fait la différence : la nuit, l’appareil photo du Pura 80 Pro est très fort

Justement, parlons photo. Sur cet aspect, il serait difficile de dire du mal du Huawei Pura 80 Pro (d’autant plus qu’il n’est même pas le meilleur de la gamme : le Pura 80 Ultra à 1 499 euros le surpasse). Le pari de Huawei est purement matériel, le téléphone embarque :

  • Un capteur géant (1 pouce) dédié à l’appareil photo principal. Sa taille lui permet de capter beaucoup plus de lumière, et donc d’exceller de nuit. Il s’agit d’un capteur de 50 Mpix avec une ouverture variable entre f/1.6 et f/4.0) : on le voit se refermer quand on joue avec les paramètres pro.
  • Un appareil photo ultra grand-angle relié à un capteur de 40 Mpix (ouverture f/2.2).
  • Un capteur de 48 Mpix avec un zoom optique x4, capable de monter jusqu’à x100 (f/2.1). C’est original : il supporte aussi un mode macro.
Le module caméra XXL du Huawei Pura 80 Pro.
Le module caméra XXL du Huawei Pura 80 Pro. // Source : Numerama

Une fois n’est pas coutume : le plus intéressant d’entre eux est le capteur principal. Si on ne s’amuse pas vraiment à jouer manuellement avec son ouverture (le téléphone le fait tout seul), les photos qu’il réalise, notamment en basses lumières, sont tout bonnement spectaculaires. Il semble évident qu’Apple, Samsung ou Google finiront par adopter les grands capteurs : Huawei a de l’avance.

La qualité des photos de nuit sur le Huawei Pura 80 Pro est tout bonnement irréprochable : le téléphone ne se fait piéger par aucun point lumineux, tout est parfait.
La qualité des photos de nuit sur le Huawei Pura 80 Pro est tout bonnement irréprochable : le téléphone ne se fait piéger par aucun point lumineux, tout est parfait. // Source : Numerama
Dans cette configuration, toute la scène paraît lumineuse. Le téléphone réussit un miracle en captation de lumière.
Dans cette configuration, toute la scène paraît lumineuse. Le téléphone réussit un miracle en captation de lumière. // Source : Numerama
Vue principale Zoom x10

Le zoom et l’ultra grand-angle, pour le coup, sont très bons mais ne surpassent pas vraiment les concurrents (avec un gros bug sur le prévisualiseur du zoom, qui ne montre pas ce que l’on filme). Le Huawei Pura 80 Pro est surtout un smartphone que l’on apprécie pour sa capacité à remplacer un appareil photo compact : pas le plus polyvalent des smartphones-photo. Le propriétaire d’un Pixel 10 Pro ou d’un iPhone 17 Pro Max n’a pas de très grosses raisons d’être jaloux, à part pour les photos de nuit. On n’oublie pas non plus ses concurrents chinois, comme le Vivo X200 Pro/Ultra, qui pour le coup n’ont rien à lui envier.

Le verdict

Malgré son incroyable qualité photo, le Huawei Pura 80 Pro est un smartphone très difficile à recommander. Si l’on ne peut que saluer la résilience technologique de Huawei qui, 6 ans après son bannissement, parvient encore à livrer un matériel somptueux, une autonomie solide et a considérablement amélioré son logiciel, le gouffre avec la concurrence est aujourd’hui trop profond. À 1 099 euros, l’absence de 5G et les frictions quotidiennes, des bugs d’affichage à la gestion des clés d’accès (passkeys) gâchent une expérience matérielle pourtant pensée pour être irréprochable. En l’état, ce Pura 80 Pro ne peut s’adresser qu’à une niche d’utilisateurs très avertis, militants de la « dégooglisation » ou passionnés de bidouille. Pour le reste du monde, les contraintes sont encore trop problématiques.
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