Dans une série de tweets, l’économiste Gabriel Zucman s’en prend à l’actionnariat qu’il ne juge pas lié à la bonne santé d’une entreprise. Un de ses exemples peut surprendre : Zucman cite Apple et Steve Jobs, qui aurait inventé l’iPhone en détenant 0 % d’Apple. C’est faux, et en totale contradiction avec les méthodes de rémunération de la Silicon Valley.

Depuis plusieurs semaines, Gabriel Zucman et sa désormais célèbre taxe Zucman sont au cœur des débats. Il ne se passe pas un jour sans que l’auteur du livre Les milliardaires ne paient pas d’impôt sur le revenu et nous allons y mettre fin soit l’invité des télévisions et des radios, pour discuter de son projet d’impôt plancher sur le patrimoine des grandes fortunes. La taxe Zucman est très controversée et cet article ne vise pas à revenir sur l’ensemble de sa proposition — nous ne sommes pas de la presse éco.

Ce qui nous intéresse sur Numerama est un tweet publié par Gabriel Zucman le 28 octobre à 17h09, où l’économiste se sert de l’exemple de Steve Jobs pour expliquer que l’on peut innover sans détenir des actions. Le problème est que Steve Jobs refusait justement de recevoir une rémunération fixe : sa fortune s’est construite sur des actions Apple.

Le tweet erroné de Gabriel Zucman sur Steve Jobs.
Le tweet erroné de Gabriel Zucman sur Steve Jobs. // Source : X

Dans les grandes boîtes comme Apple, les employés sont payés avec des actions

Dans son thread, Gabriel Zucman explique à Maud Bregeon, porte-parole du Gouvernement, pourquoi son impôt plancher ne mettrait pas en danger l’économie française. L’économiste présente une action comme « un bout de papier qui donne à son détenteur le droit de percevoir les bénéfices d’une entreprise », une définition déjà très simplifiée en elle-même, et réfute l’idée selon laquelle taxer les grosses détentions actionnariales « abimerait nos entreprises ». Gabriel Zucman fustige la vision des milliardaires qui refuseraient de se séparer de quelques actions pour payer un impôt.

Dans la suite de sa démonstration, Gabriel Zucman choisit un exemple : Steve Jobs. Le cocréateur d’Apple « possédait 0 % d’Apple quand il est revenu en prendre les rênes en 1997. Pourtant, cela ne l’a pas empêché de la sauver de la faillite et de lancer l’iPhone. La concentration des actions n’est pas la condition de l’innovation et de la productivité, bien au contraire », peut-on lire.

Steve Jobs (2007) // Source : David Paul Morris
Steve Jobs en 2007, avec l’iPhone. // Source : David Paul Morris

Il y a néanmoins un gros problème ; cet exemple est totalement faux.

Steve Jobs, contrairement à ce que raconte Gabriel Zucman, était connu pour refuser d’être payé. Sa biographie officielle, par Walter Isaacson, raconte que l’ex-directeur général d’Apple recevait 1 dollar par an, mais compensait ce salaire par une détention importante d’actions, ainsi que par l’attribution régulière de stock options. C’est un contre-son-camp total pour l’économiste : si Steve Jobs n’avait pas été performant chez Apple, alors sa fortune n’aurait pas augmenté. Ce système de rémunération aurait aussi empêché Steve Jobs d’avoir les fonds pour payer la taxe Zucman : il aurait dû vendre des actions pour payer l’impôt.

Toujours sur X, l’économiste Sylvain Catherine s’en est aussi pris à l’exemple de Gabriel Zucman, qui n’a pas été corrigé. « Steve Jobs était compensé intégralement en stock options en 1997, auxquelles s’ajoutaient 10 millions d’actions à partir de 2003 ($ 75 millions de valeur à l’époque) », publie-t-il. Il rappelle également que l’iPhone est sorti en 2007, dix ans après la vente de NeXT à Apple, et que Steve Jobs avait entre temps gagné de nombreuses actions.

Document à l'appui, Sylvain Catherine montre que l'exemple de Steve Jobs est mal choisi.
Document à l’appui, Sylvain Catherine montre que l’exemple de Steve Jobs est mal choisi. // Source : X

Une stock option est un droit offert aux employés d’acheter ultérieurement une action à un prix fixé à l’avance. Il s’agit d’un mécanisme souvent utilisé pour fidéliser les salariés ou les dirigeants en leur permettant de bénéficier de la croissance future de l’entreprise.

Prenons l’exemple d’une stock option à 100 dollars : si l’entreprise progresse grâce à l’employé, et que l’action monte à 150 dollars, alors l’employé pourra en acheter à un tarif négocié à l’avance, et donc voir sa fortune augmenter automatiquement. Dans le cas où l’action diminue, alors il pourra renoncer à l’achat. Ce mécanisme est grandement utilisé par les GAFAM aujourd’hui, notamment dans la Silicon Valley, pour recruter les talents. Une partie est fixe, l’autre est en stock options et en actions.

Steve Jobs, avec son système de rémunération, dépendait totalement de la bonne santé financière d’Apple. Sans actions, il n’aurait rien touché. Bref, Gabriel Zucman a choisi un très mauvais exemple pour défendre sa taxe.

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