Google aurait-il pu espérer une meilleure issue dans le procès antitrust qui le visait ? Le géant du web s’en tire extrêmement bien : il n’aura pas besoin de vendre son navigateur Chrome ni de céder son système d’exploitation Android. Par ailleurs, les accords conclus avec Apple et Mozilla pour faire de Google le moteur de recherche par défaut sur iOS et Firefox sont maintenus.
Plus de démantèlement en vue, donc, mais des efforts accrus à faire du côté de la transparence : il faudra partager des données et des informations au sujet de ses produits, au nom d’une saine concurrence. Les exigences d’exclusivité dans les partenariats conclus n’auront plus lieu d’être. Mais il faut s’attendre à ce que Google combatte tout cela en appel.
Une issue qui évite à Mozilla de trancher une question difficile
En attendant, la tournure des évènements apparaît indirectement salutaire pour Mozilla, l’éditeur du navigateur web Firefox. Si le statu quo est maintenu tel quel par la justice américaine, cela lui évite de trancher une question terrible : quel avenir sans la perfusion financière de Google ? Une condamnation de l’accord en vigueur aurait lourdement rebattu les cartes.
Le constat est fait depuis longtemps : la fondation Mozilla, qui supervise le développement de Firefox, repose énormément sur le deal signé avec Google, qui fait de ce dernier le moteur de recherche par défaut du navigateur libre. En échange de cette visibilité, Mozilla récupère chaque année des centaines de millions de dollars.

Ainsi, dans le rapport annuel de Mozilla pour l’année 2023, les royalties atteignaient presque 495 millions de dollars, sur un total de 653 millions (soit environ 76 %). En 2022, c’était 510 millions sur un total de 593 millions (près de 86 %). Ces montants viennent de l’intégration par défaut ou en option de moteurs de recherche dans Firefox
« Mozilla perçoit généralement des redevances correspondant à un certain pourcentage des revenus générés par ses partenaires grâce à leurs moteurs de recherche intégrés au navigateur web Firefox », est-il indiqué. Le nom de Google (ni celui de sa maison-mère Alphabet) n’apparaît pas, mais c’est bien lui qui passe surtout à la caisse.
C’est pour cette raison que les hypothèses d’un démantèlement de Google pour casser son monopole et mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles étaient aussi perçues comme un péril existentiel pour Firefox et Mozilla. Les autres sources de revenus (comme les abonnements au VPN ou les pubs sur la page d’accueil) sont plus modestes.
La fin de l’accord aurait pu menacer Firefox et tuer encore plus de projets
L’amputation des trois quarts de son budget annuel n’aurait peut-être pas tué Firefox, en raison de sa nature de logiciel libre, mais il aurait peut-être lourdement handicapé son développement. Cela aurait aussi entraîné, très vraisemblablement, une cascade de conséquences néfastes sur des projets périphériques, qu’il aurait probablement fallu abandonner.
Une perspective d’autant plus crédible que Mozilla réduit déjà la voilure sur certains programmes et projets : Pocket (pour enregistrer des articles à lire plus tard), Send (pour envoyer des fichiers), Notes (pour écrire des mémos synchronisés), Lockwise (gestionnaire de mots de passe), mais également WebThings, Fakespot ou encore Orbit.

La perte de centaines de millions de dollars en cas de dénonciation du deal Mozilla-Google aurait donc attaqué directement l’os, et contraint de lâcher d’autres initiatives. D’ailleurs, dans un commentaire ce printemps, Mozilla avait glissé qu’il fallait faire attention à la façon de sanctionner Google, car en raison d’effets néfastes potentiels sur le web.
« Sans ces revenus, Mozilla et d’autres petits navigateurs indépendants pourraient être contraints de réduire leurs activités », avait mis en garde Mozilla, citant Gecko, son moteur de rendu web pour Firefox, qui est « le seul moteur de navigateur encore en lice face à Chromium de Google et WebKit d’Apple. »
Un statu quo qui arrange aussi Google
Ainsi, l’issue de cette affaire apparaît de nature à épargner Mozilla, qui ne va pas fort aujourd’hui. Le poids de Firefox de chuté sans discontinuer depuis les années 2010 — époque où le logiciel pouvait crâner avec 30 % de parts de marché. Aujourd’hui, il se situe à 2,26 %, derrière Google Chrome (69,26 %), Safari (15 %) et Edge (5 %).
Mais indirectement, le verdict arrange aussi Google.
Outre le fait que celui lui évite de perdre Chrome et Android, deux produits très stratégiques, la persistance des deals en cours, même révisés en partie, vont permettre de continuer à garder Firefox sous perfusion. Et, de fait, offrir à Google la possibilité de brandir son existence, parmi d’autres navigateurs, et suggérer que cette histoire de monopole est exagérée.
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