Mise à jour, publiée le 4 mai :
Comme annoncé à Numerama, The Phone a mis à jour son site avec de vraies photos du produit. Les rendus 3D ont disparu et sont remplacés par des photos du produit qui sortira dans quelques mois.
Article original, publié le 29 avril :
Sur le principe, il est difficile de dire du mal du projet The Phone. Initié par Maïlys Cantzler, une mère de famille inquiète du temps que passent les adolescents sur leurs smartphones, « The Phone » vise à réduire la dépendance au numérique, avec un appareil volontairement limité dans ses fonctionnalités. Il propose une alternative sexy aux « dumb phone », les téléphones avec un clavier numérique à l’image du Nokia 3310.
Le problème de The Phone, comme l’ont signalé plusieurs internautes sur Twitter, est que la manière dont la marque communique soulève de nombreuses interrogations. Plusieurs médias ont consacré un article à la startup sans l’interroger sur le produit, qui cache pourtant énormément de choses. Parmi les problèmes soulevés : le site de The Phone, sa page Facebook et les articles de presse ne montrent jamais le même téléphone.
Un iPhone, un Wiko ou un terminal Android… À quoi ressemble vraiment The Phone ?
Il suffit de se rendre sur le site de The Phone pour se poser des questions. En page d’accueil, un iPhone XR de 2018, avec le logo de la startup au milieu de l’écran. D’autres images, qui ont aussi tout d’un montage, montrent un dos sans appareil photo, des trous sur les coins pour accrocher un tour de cou et une face avant identique à celle de l’iPhone. (On peut même apercevoir le port Lightning d’Apple sur une photo où un iPhone est caché dans une coque).
Sur sa page Facebook, la startup montre un design différent, avec de grosses bordures en haut et en bas.
Encore plus étonnant, dans un article paru dans le Parisien, Maïlys Cantzler montre ce qui ressemblerait en fait à un smartphone de la marque Wiko. Oubliez les coins pour accrocher un tour de cou, place à un design beaucoup plus banal, avec une encoche en forme de goutte d’eau.
Mais ce n’est pas tout. La barre de statut, en haut de l’écran, est celle d’Android, avec des notifications de connexion Google et… le logo du Wi-Fi. Cela signifierait, s’il s’agit effectivement du The Phone, que le fameux téléphone sans « aucun accès à Internet » est connecté à Internet et qu’il a accès aux services Google.
Pour en savoir plus, Numerama a contacté l’entreprise française.
La vérité sur The Phone, avec les vraies caractéristiques techniques
Numerama s’est entretenu par téléphone avec Marius Colomb, un des cofondateurs de l’entreprise. Il nous rassure immédiatement sur le projet : The Phone existe bel et bien. En revanche, aucune des photos publiée dans la presse ne montre aujourd’hui le vrai produit. « Il s’agit d’une application, pour présenter le concept à la presse ». Seuls cinq prototypes sont en France aujourd’hui.
À quoi va ressembler The Phone ? De retour de Shenzhen, en Chine, Marius Colomb a envoyé à Numerama les premières photos authentiques du téléphone, qui prend l’apparence d’un terminal Android assez classique. Pour cause, il s’agit bien d’un appareil Android.
Coque en plastique, bordures en haut en bas, appareil photo masqué plutôt que retiré… The Phone est conforme à ce que l’on peut imaginer d’un smartphone Android chinois d’entrée de gamme. Le cofondateur de l’entreprise promet que le site sera mis à jour dans les prochaines heures, avec les véritables images du produit.
Dans un autre document envoyé à Numerama, The Phone révèle les caractéristiques techniques détaillées de son appareil. Sous Android 11, The Phone utilisera une surcouche développée en interne avec seulement quatre applications (téléphone, SMS, réglages et contacts). Il s’agit d’une surcouche Android installée en usine, qui serait impossible à désinstaller selon la marque. Pour s’en assurer, The Phone compte retirer matériellement la puce Wi-Fi et Bluetooth de ses smartphones, pour les limiter à la 3G, sans accès possible à Internet. De quoi empêcher l’ado geek d’installer une autre surcouche ou le Play Store… mais avec un risque d’obsolescence au moment où la 3G sera débranchée.
Sous ses entrailles, The Phone est un terminal très limité, avec une puce Unisoc que l’on trouve habituellement dans des appareils chinois à 100 euros (rien d’étonnant donc). Il embarque 2 Go de mémoire vive, 16 Go de stockage (extensible par Micro SD, mais quel intérêt ?) et un écran LCD 480p, qui sera sans doute un peu pixelisé. Sa batterie de 2 500 mAh est petite, mais il devrait tenir longtemps grâce à ses fonctions limitées.
Bref, The Phone existe et n’a vraiment pas accès à Internet. Ce sont les produits montrés par la marque sur son site qui n’existent pas.
The Phone peut-il rencontrer le succès ?
Sans Internet, The Phone risque de se confronter à plusieurs obstacles, comme le fait que les SMS sont de moins en moins utilisés par les jeunes. Sans WhatsApp, Snapchat, Messenger ou encore les RCS (les remplaçants des SMS par Internet), The Phone perd en intérêt. La plupart des « dumb phone » avec un clavier numérique, sous KaiOS, disposent d’Internet pour les applications de messagerie. C’est le minimum en 2024, mais la marque assume ce choix de déconnexion.
Sans rentrer dans le débat « Internet est-il vraiment nocif pour un adolescent ? », The Phone a aussi un autre adversaire : les autres marques de téléphones.
L’erreur des parents est de laisser à leurs enfants/adolescents un téléphone débridé, avec un accès à tout Internet, aux magasins d’applications et aux réseaux sociaux. Chez Google et Apple, des réglages permettent pourtant de brider un smartphone pour le limiter à des applications définies par les parents, avec un quota d’heures maximales par jour. La première chose à faire est de ne pas prêter son compte adulte à son enfant, mais de lui créer un compte enfant, avec des restrictions d’emblée.
« Nous avions aussi pensé à développer une application de contrôle parental », explique Marius Colomb à Numerama, mais « il y a des vidéos sur YouTube pour les contourner ». Avec son téléphone sans puce Wi-Fi, The Phone espère irrévocablement régler le problème. Il est techniquement possible d’installer des applications manuellement sur Android, mais la marque limite l’intérêt (TikTok sans Internet, c’est bof).
D’ici cet été, The Phone espère importer 50 000 téléphones et convaincre les municipalités d’équiper les collégiens de son produit anti-dépendance numérique. L’initiative est intéressante, mais répond-elle vraiment aux besoins des jeunes et de leurs parents ?
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