Le parti Reconquête, créé par Éric Zemmour, a lancé ChatZ. Il s’agit d’un chatbot chargé de répondre aux questions des internautes sur le programme du polémiste d’extrême droite. Mais, il s’agit surtout un coup marketing et d’un nouveau signe de l’obsession de l’extrême droite pour les IA.

Il y avait ChatGPT, Bard, LegiGPT et plein d’autres copies du chatbot d’OpenAI. Il y a désormais ChatZ, la version d’extrême droite d’Éric Zemmour de l’intelligence artificielle. C’est Samuel Lafont, en charge des questions numériques pour Reconquête, le parti politique de l’ancien journaliste, qui a annoncé l’arrivée du chatbot dans un tweet le 17 mai 2023.

ChatZ est présenté comme un « militant virtuel Reconquête », et « vous propose d’interagir avec un militant virtuel Reconquête pour mieux connaître le programme du parti d’Éric Zemmour ». Dans les faits, cette « IA » n’en est pas réellement une. Il s’agit avant tout d’un assistant qui permet de répondre à certaines questions sur le programme du parti — et d’un outil redoutable de communication.

Un chatbot qui répète le discours d’Éric Zemmour

Numerama a testé ChatZ. On se rend rapidement compte qu’il ne s’agit pas d’un vrai chatbot, tel que l’on peut le concevoir avec Bard ou ChatGPT : ChatZ ne sait répondre à rien d’autre qu’à des questions sur le programme d’Éric Zemmour. ChatZ est lent et n’a été développé que pour expliquer le programme d’Éric Zemmour, afin de parler de lui en des termes élogieux et de répéter sa vision de la société.

Les idées de Reconquête sont présentées comme une « lutte pour la liberté d’expression » et pour la « protection des Français » : la défense des droits des personnes LGBTQ+ est une « propagande idéologique », l’immigration a « des conséquences dramatiques pour la France », et ainsi de suite.

Un exemple de conversation avec ChatZ // Source : Capture d'écran Numerama
Un exemple de conversation avec ChatZ. // Source : Capture d’écran Numerama

Quant aux condamnations d’Éric Zemmour par la justice, il s’agirait d’« accusations […] infondées », qui « relèvent de la diffamation ». Ce n’est pas surprenant : le chatbot a été entrainé sur les textes d’Éric Zemmour. Il ne sait que répéter son discours et son point de vue. L’utilisation de ce chatbot est dénuée intérêt, hormis la volonté de faire le buzz. Or, c’est exactement la stratégie de Reconquête.

L’obsession de Reconquête pour les nouvelles technologies

Ce n’est pas la première fois que Reconquête et Samuel Lafont cherchent à faire ainsi le buzz sur internet. En 2021 et en 2022, en amont de l’élection présidentielle, une campagne de Reconquête sur les réseaux sociaux avait fait polémique, et plusieurs sites de pétition avaient été lancés pour recueillir des adresses mail et des données personnelles d’internautes. Un faux quiz, censé aider à choisir un candidat, avait été discrètement publié par Reconquête et avantageait secrètement Éric Zemmour. Enfin, le site parodique « Vite Mon Prénom » avait également fait parler de lui, en cachant son lien avec le politique.

La stratégie numérique du parti a toujours été celle-ci. Surfer sur un sujet d’actualité, ici l’intelligence artificielle, et en publier un « ChatGPT » à la Éric Zemmour, est dans la continuité de ces précédents exemples.

Éric Zemmour // Source : Nino Barbey pour Numerama
Éric Zemmour. // Source : Nino Barbey pour Numerama

Il est tout de même intéressant de voir que le retour médiatique du parti d’Éric Zemmour se fait avec l’intelligence artificielle. Depuis sa défaite à l’élection présidentielle et aux élections législatives, le polémiste et son parti se faisaient rares dans les médias. La tenue en 2024 des élections européennes pourrait expliquer ce retour, mais ChatZ est surtout révélateur de la fascination de l’extrême droite pour l’IA.

Comme le relevait Libération dès le 22 avril, l’intelligence artificielle est « la nouvelle passion de » l’extrême droite, aussi bien du côté du Rassemblement National de Marine Le Pen que de Reconquête. Les partis voient dans la technologie un « nouveau grand remplacement » [issu de la théorie du complot du grand remplacement, ndlr] des humains par l’IA, craignent une supposée influence « woke » des chatbots, mais sont aussi fascinés par leur potentiel. Comme notre journaliste Lucie Ronfaut le rappelait dans sa newsletter Règle 30, « il existe une vraie porosité entre l’extrême droite et l’industrie du numérique ».

Il ne faut pas non plus oublier que les technologies de surveillance de la population ont toujours intéressé les différents partis d’ultradroite du monde, notamment en Italie. L’intérêt de l’extrême droite pour les nouvelles technologies « n’est donc pas seulement de l’opportunisme marketing. C’est un projet politique », comme me concluait Lucie Ronfaut. En France, Reconquête est le premier exemple de l’arrivée de l’extrême droite dans l’intelligence artificielle.

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