L’augmentation des températures provoque des évolutions de la morphologie chez certains animaux. C’est un indicateur trop « sous-estimé » de l’impact du dérèglement climatique, selon les auteurs de cette étude.

Le dérèglement climatique a des effets directs qui peuvent observés et mesurés, tels que l’élévation du niveau de la mer ou le réchauffement du globe. Des événements peuvent aussi l’illustrer : par exemple, de la pluie a pour la première fois été détectée au plus haut sommet du Groenland, et une vague de chaleur historique a touché l’Amérique du Nord en 2021. À ces conséquences climatiques, il faut ajouter un impact sur la biodiversité : les animaux subissent le changement climatique. Et cela peut avoir un effet physique, à proprement parler, sur eux.

Dans une étude publiée le mardi 7 septembre 2021, une équipe de cinq scientifiques s’est penchée sur les « morphologies changeantes des animaux en réponse au changement climatique ». Quels sont les changements les plus significatifs repérés dans ce travail de recherche ?

Le corps évolue en réponse aux températures plus chaudes

Les auteurs se sont plus particulièrement intéressés à certains organes appelés appendices. Ces derniers « jouent un rôle important, mais sous-estimé, dans la thermorégulation animale » : dans le corps, ce sont des sites où la chaleur est transformée et, ce faisant, ils contribuent à réguler la température globale. Ces appendices font partie de la morphologie animale, c’est-à-dire de la forme du corps. Or, les auteurs rappellent dès l’introduction de leur étude qu’il existe des « clines géographiques » basés sur ces différences physiques. Un « cline » est une divergence évolutive de la morphologie, au sein d’une espèce ou d’une sous-espèce.

Ces clines peuvent apparaître en fonction des climats : dans les latitudes inférieures où le climat est plus chaud, les appendices sont plus grands ; et donc inversement, dans des climats plus froids, les appendices sont plus courts. Cela a du sens : ces appendices, que sont par exemple les becs des oiseaux ou encore les oreilles des mammifères, servent entre autres à « dissiper l’excès de chaleur corporelle ». Un bec plus grand pour un oiseau vivant dans un climat sert à faciliter un échange de chaleur plus efficace ; mais si le climat est plus froid, il y a moins besoin de fluidifier cet échange de chaleur.

Repérer de telles évolutions pourrait donc être un bon indicateur du réchauffement planétaire et de son impact sur les êtres vivants.

Comme vous le constatez sur cet image, les appendices comme le bec concentrent et répartissent davantage de chaleur. // Source : Trends in Ecology & Evolution.

Comme vous le constatez sur cet image, les appendices comme le bec concentrent et répartissent davantage de chaleur.

Source : Trends in Ecology & Evolution.

À partir de ce constat, les auteurs de cette étude ont analysé toutes les publications déjà diffusées à ce sujet (c’est ce qu’on appelle une « méta-analyse » : une étude scrutant l’état de la recherche). Après examen de toutes ces études, les auteurs en arrivent à une conclusion : «Nous constatons qu’il existe de nombreuses preuves de ‘changement de forme’ (modification de la taille des appendices) chez les endothermes [animaux qui produisent de la chaleur interne] en réponse au changement climatique et au réchauffement climatique qui lui est associé. »

Les auteurs de l’étude donnent des exemples, en repérant notamment que « des réponses morphologiques fortes au réchauffement climatique récent ont été enregistrées chez les oiseaux ». Et en effet, la surface du bec des perroquets australiens a augmenté, en moyenne, de 4 à 10 % depuis 1871. Il en va de même pour le junco aux yeux noirs, en Amérique du Nord. Cela provient de la pression exercée par les vagues de chaleur : « Nous avons trouvé des preuves claires que les oiseaux ayant un bec plus petit ont moins de chances de survivre à des étés plus chauds », écrivent les auteurs dans un commentaire de leur étude.

Le constat s’applique aussi aux mammifères. « Les musaraignes et les chauves-souris ont augmenté la taille relative de leurs oreilles, de leur queue, de leurs pattes et de leurs ailes, au fil du réchauffement. »

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle. Il s’agit d’abord d’un constat : oui, les animaux évoluent en raison du changement climatique. Ce sont des adaptations morphologiques provoquées par le réchauffement. Mais reste à savoir si ces adaptations seront bénéfiques ou non, ce qui peut varier d’une espèce à l’autre. Qui plus est, dans les cas où elles peuvent être bénéfiques, se pose la question de la rapidité du processus : le dérèglement pourrait bien aller plus vite que l’évolution adaptative, freinant même la capacité d’adaptation de ces espèces qui répondent plutôt rapidement au changement.

Par ailleurs, les auteurs de cette étude rappellent que toutes les espèces ne connaissent pas des adaptations. « Tandis que notre recherche montre que certains animaux s’adaptent au changement climatique, beaucoup ne pourront pas. Par exemple, certains oiseaux doivent suivre un régime alimentaire particulier, ce qui les empêche de modifier la forme de leur bec. D’autres animaux ne seront peut-être tout simplement pas capables d’évoluer à temps. »

Ce type de recherches aide à améliorer l’évaluation de l’impact du changement climatique, mais peuvent aussi favoriser les efforts de conservation en permettant de prioriser les espèces les plus en danger d’extinction faute d’adaptation.


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