Comment se déroule un test antigénique ? Quelle est la différence avec un test PCR ? Où pourra-t-on trouver des tests antigéniques ? On fait le point.

Les laboratoires d’analyse médicale sont saturés par l’afflux de patients, tant et si bien que les délais sont considérablement rallongés. La priorisation des cas symptomatiques du coronavirus et des cas contacts n’a encore que faiblement soulagé les laboratoires. Pour fluidifier le processus, l’attention est tout autant portée sur des alternatives aux tests RT-PCR. Les tests antigéniques ont reçu un avis favorable de la part de la Haute Autorité Santé, avis mis en ligne le 25 septembre 2020.

File d'attente pour des tests PCR dans un laboratoire de Montreuil. // Source : Numerama / Marcus D.B.

File d'attente pour des tests PCR dans un laboratoire de Montreuil.

Source : Numerama / Marcus D.B.

La HAS se dit favorable « à leur utilisation et leur remboursement par l’assurance maladie », à la condition que ce soit en utilisation diagnostique, c’est-à-dire chez les patients symptomatiques. L’autorité pose également des conditions dans la fiabilité des tests antigéniques. Car si cette méthode de dépistage est effectivement beaucoup plus rapide que les RT-PCR, elle est toutefois beaucoup moins fiable.

Que sait-on aujourd’hui des tests antigéniques, de leur fonctionnement et de la façon dont ils vont être distribués ? Pour répondre à ces questions, Numerama a pu s’entretenir avec Michel Guyon, directeur de la distribution au sein de la branche diagnostique de l’entreprise pharmaceutique Roche, leaders du secteur. Les tests antigéniques qu’elle a développés font partie de ceux commandés — en quantité encore modeste — par le gouvernement.

Comment se passe un test antigénique

Entre un test PCR et un test antigénique, le moment du prélèvement « est exactement la même chose pour le patient », relève Michel Guyon. Cela signifie qu’en cas de test antigénique, comme pour le PCR, le prélèvement se fait à l’aide d’un écouvillon — le grand coton-tige très fin — au fond de la cavité nasale. C’est la suite du processus qui change, puisque le dépistage aux antigènes est immunochromatographique. Les plusieurs heures nécessaires au résultat d’un test PCR sont remplacées par un résultat obtenu en 15 à 30 minutes.

« Dans la technique PCR, on va au plus profond du virus : on va chercher son matériel génétique, c’est-à-dire son ARN. Dans les tests antigéniques, en revanche, on va chercher les protéines de structure du virus, en surface », nous explique Michel Guyon. La première protéine recherchée est la protéine S (Spike), en forme de pointe, celle qui permet au virus d’attaquer les cellules. La seconde est la protéine N, issue de la nucléocapside du coronavirus, qui entoure son génome.

« Il  y a un principe de clé/serrure »

Dans les secondes qui suivent le prélèvement avec l’écouvillon, l’échantillon récupéré est mis au contact d’une substance d’extraction, appelée tampon. Au sein du tube, le liquide est donc composé de deux « milieux » : ce qui vous a été prélevé et le tampon d’extraction. Une pipette permet de mélanger le tout, puis les éléments utiles du prélèvement vont remonter vers le haut grâce à la réaction chimique provoquée par le fameux tampon. Avec la pipette, le haut du tube est récupéré, afin de déposer trois petites gouttes sur la plaquette du test (elle ressemble aux tests de grossesse ou au tests sérologiques rapides).

Document représentant les étapes du test antigénique, issu d'un document de Roche.

Document représentant les étapes du test antigénique, issu d'un document de Roche.

« Ce dispositif contient des anticorps. Il  y a un principe de clé/serrure : quand le bon anticorps est au contact du bon antigène, ils vont créer un complexe. C’est ce qu’on va mesurer », explique Michel Guyon. Les trois petites gouttes issues du prélèvement vont migrer dans le dispositif jusqu’à rencontrer les anticorps. Si le prélèvement contient bien les antigènes S et N du coronavirus, le complexe chimique généré au contact des anticorps va provoquer l’apparition d’une bande colorée. Une bande de contrôle permet de vérifier que le test a bien fonctionné : elle n’affichera toujours, et si ce n’est pas le cas, cela signifie qu’il y a eu un problème dans le processus.

Sont-ils fiables ?

Un test antigénique n’est pas aussi fiable qu’un test PCR. « La technique des tests antigéniques est moins sensible par définition, car rechercher des protéines de surface est moins sensible que de rechercher du matériel génétique. Durant la PCR, on va au plus profond de ce qu’on peut faire en termes de recherche de charge virale », détaille Michel Guyon. C’est aussi pour cela que la HAS demande un niveau de fiabilité minimum. Par ailleurs, faire confirmer un test antigénique positif par un test de référence (un dépistage PCR) est une obligation légale, comme nous le confirme Michel Guyon. En cas de test négatif, ce n’est toutefois pas une obligation.

Les tests antigéniques sont par ailleurs plus efficaces que les tests salivaires. Ces derniers, réalisés dans la bouche, sont certes plus confortables, mais, même si la recherche progresse, leur sensibilité est faible : 50 à 60 %. « Et il faut que ce soit fait dans les meilleures conditions possibles : le matin, à jeun, sans s’être lavé les dents. ­» Pour comparaison, la Haute Autorité de Santé a recommandé que soient utilisés seulement des tests antigéniques d’une sensibilité égale ou supérieure à 80 % et une spécificité de 99 %. Roche nous a précisé que leurs tests antigéniques sont quant à eux à 96,2 % de sensibilité et 99,68 % de spécificité.

Comment vont être distribués les tests antigénqiues ?

C’est le 21 septembre dernier que Roche a mis sur le marché son test antigénique, ayant reçu à cette date la certification CE — leur principal concurrent, Abbott, a aussi reçu cette certification le même mois. Pour l’instant, les quantités distribuées restent faibles, mais théoriquement, « Roche est capable de fournir jusqu’à trois millions de tests par mois depuis octobre », nous indique Michel Guyon.

Ces tests sont essentiellement destinés aux personnes symptomatiques, afin de réaliser un screening préalable et donc d’alléger le nombre de personnes allant se faire tester en laboratoire de proximité. Michel Guyon suggère que cela pourrait aussi s’appliquer prochainement aux cas contacts asymptomatiques, le kit distribué par Roche ayant « été testé à cet effet ». Ce n’est toutefois pas encore la recommandation officielle dans l’immédiat. Par ailleurs, ils ne sont pas encore remboursés comme les PCR, « mais c’est probablement en cours de réflexion ».

Voici à quoi ressemble un kit de test antigénique. // Source : Roche

Voici à quoi ressemble un kit de test antigénique.

Source : Roche

Alors, où pourra-t-on trouver ces tests ? Dans quelles circonstances seront-ils administrés ? Le gouvernement français a décidé de ne plus classer les tests antigéniques en tant qu’examen de biologie médicale. Ils sont dorénavant des TROD : tests rapides d’orientation diagnostique. Ils ne sont donc plus obligatoirement soumis au contrôle et à la validation d’un biologiste médical, ils peuvent aussi être réalisés dans des cabinets de médecine générale ou des pharmacies. Roche nous précise également avoir eu des demandes de la part d’entreprises comme AirFrance ou ClubMed, qui mettent en place des stratégies internes de dépistage.

« La problématique, c’est comment faire les prélèvements dans des conditions de sécurité microbiologiques »

Le fait que le dépistage n’ait pas lieu au sein d’un laboratoire d’analyse médicale n’est pas sans poser de grandes questions logistiques. « La problématique, c’est comment faire les prélèvements dans des conditions de sécurité microbiologiques ? », questionne Michel Guyon. Cela signifie qu’une pharmacie, par exemple, devra disposer d’un lieu bien établi où réaliser le test, malgré l’éventuelle présence de clients alentours. « Est-ce que les pharmaciens peuvent avoir cette place dans leur officine pour faire cela dans de bonnes conditions ? Ce sera la question, et s’ils s’organisent dans ce sens-là, cela pourrait se faire, oui », note Michel Guyon. Contacté par Numerama, l’Ordre des Pharmaciens n’a pas souhaité commenter les formations qui allaient être mises en place, la mise à disposition dans les pharmacies ne faisant pas encore l’objet de directives gouvernementales spécifiques.

Si les tests antigéniques nous apparaissent bien rodés en tant que dispositifs scientifiques, et plus prometteurs que les tests salivaires à l’heure actuelle, le flou perdure encore sur la façon dont cette stratégie va se mettre en place au quotidien. D’autant que la mise à disposition des tests antigéniques sera probablement différente d’une région à une autre : l’État français a acheté les tests antigéniques pour les répartir auprès des ARS (agences régionales de santé), qui auront autorité pour les répartir en fonction des demandes de CHU et autres collectivités.

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