Une étude s’est penchée sur plus de 20 000 rapports de rêve, afin de confirmer l’hypothèse d’une continuité entre les rêves et la réalité vécue au quotidien.

Quelle est la signification de nos rêves ? À quoi nous servent-ils ? Le royaume des songes est rempli d’énigmes que les scientifiques essayent de percer. C’est le cas d’une étude de grande ampleur publiée ce 26 août 2020, pendant laquelle trois « sleep scientists » se sont penchés sur pas moins de 24 000 rapports de rêves.

Leur objectif était de mettre à l’épreuve l’hypothèse de la continuité entre les rêves et la réalité, pour l’étayer scientifiquement. « Nous avons trouvé des preuves en faveur d’une continuité entre les rêves et ce qui arrive dans la vie de tous les jours », écrivent les trois chercheurs, et cela marche dans les deux sens : ce qu’il se passe au quotidien a un impact sur le contenu des rêves, lequel a un impact sur notre capacité à résoudre des problèmes dans la vraie vie.

Les rêves peuvent être une version déformée de choses très concrètes de notre réalité; // Source : Pixabay

Les rêves peuvent être une version déformée de choses très concrètes de notre réalité;

Source : Pixabay

Comment analyser les rêves ?

Analyser nos songes est un processus long et compliqué. L’un des seuls moyens de le faire est à partir des fameux « rapports de rêves ». Ces derniers ne sont pas forcément standardisés, même s’il existe des modèles, comme le système Hall/Van de Castle (les rêves y sont découpés en personnages, interactions sociales, activités, succès et échecs, émotions, objets…).

Les auteurs de l’étude parue ce 26 août ont donc opté pour une solution algorithmique. Et pour ce faire, ils se sont reposés sur la plus grande base de données open source à ce sujet : DreamBank. Des dizaines de milliers de rapports de rêves y sont répertoriés. Pour l’étude algorithmique de ces rapports, les auteurs ont créé leur propre modèle, qui est une simplification du système Hall/Van de Castle. Cela découpe le contenu des rêves en trois concepts :

  • Personnages ;
  • Interactions sociales ;
  • Émotions.

« Ces trois dimensions sont considérées comme les plus importantes pour aider à l’interprétation des rêves, car elles définissent l’épine dorsale de l’intrigue d’un rêve : qui était présent, quelles actions ont été réalisées et quelles émotions ont été exprimées », détaillent les chercheurs.

Les marqueurs de la continuité

Durant leur analyse, les chercheurs ont identifié ce qu’ils appellent des « marqueurs statistiques » d’une continuité entre la réalité et les rêves, apportant la première confirmation à grande échelle de la théorie. Cette continuité peut vous apparaître comme une évidence, car peut-être avez-vous vécu régulièrement ce type de connexions, mais d’un point de vue scientifique, des preuves statistiques sont importantes pour constituer un corpus de connaissances plus ou moins établies.

« Nous avons constaté que la plupart des rapports sur les rêves étaient en fait une continuation de ce que nos rêveurs étaient susceptibles de vivre dans la vie réelle », expliquent les auteurs. Ces derniers ont d’ailleurs mis en place le site « Dreamcatcher » (en anglais), où il est possible de comparer le profil de vie de participants avec le contenu détaillé de leurs rêves.

« Ces tableaux, magnifiquement conçus, traitaient de mes erreurs dans la vie. Il y en avait beaucoup. »

Dans les rêves d’une femme artiste-peintre, par exemple, les songes se portent sur des concepts esthétiques, très spécifiques : « Je concevais un rapport annuel, mais il couvrait de nombreuses années de ma vie. Les titres étaient rouges, bleus et jaunes dans le Trade Gothic Bold Italic, 72 pt. Ces tableaux, magnifiquement conçus, traitaient de mes erreurs dans la vie. Il y en avait beaucoup. » ; « J’étais à l’école d’art et entre les cours, M. Custode dessinait de mémoire Jackie — notre modèle. (…) Il dessinait au crayon et à la craie, et je préférais le travail de l’esquisse plutôt que le dessin fini. Il avait dessiné Jackie et son ombre, et il avait pris des notes sur la proportion des ombres par rapport à la taille réelle et à l’angle du soleil. »

La continuité entre les rêves et la réalité semble même contenir des marqueurs sociaux, et genrés. Dans leurs rêves, les femmes ont un comportement moins agressif que les hommes, relèvent les auteurs, qui expliquent cette différence par le fait que la société perpétue l’idée que les hommes doivent moins exprimer leurs émotions au quotidien, ce qui génère plus de stress et un moindre bien-être — des facteurs d’agressivité dans les rêves.

Pour les auteurs de l’étude, cette connexion très forte entre les rêves et la réalité pourrait être une opportunité pour relier ces deux mondes, grâce aux technologies. « Nos résultats suggèrent qu’il est possible de quantifier des aspects importants des rêves, ce qui permet de construire des technologies qui comblent le fossé actuel entre la vie réelle et le rêve », écrivent-ils, avant d’annoncer en fin d’étude leur volonté de développer une app scientifique permettant d’y enregistrer le contenu des rêves.

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