La quantité de plastique déversée dans l’environnement s’apprête à tripler d’ici 2040, comme le conclut une solide étude parue dans Science ce 23 juillet 2020. Puisque l’humanité déverse déjà 10 millions de tonnes chaque année dans les écosystèmes, ce chiffre pourrait atteindre 30 millions au fil des vingt prochaines années. Pour illustrer, cela reviendrait à déposer 50 kilos de plastique sur chaque mètre carré de chaque côte du monde. Mais derrière la mauvaise nouvelle, il s’en cache aussi une bonne : d’après les calculs des auteurs, il est possible de réduire de 7 à 80 % cet impact, en fonction de différents scénarios dans les mesures adoptées.
La pollution plastique est un désastre écologique, dont les effets néfastes sur la faune et la flore sont largement prouvés. Comme le relèvent les chercheurs, au moins 700 espèces marines, 50 espèces d’eau douce et beaucoup d’espèces terrestres sont connues pour ingérer ou s’entraver dans du macroplastique. Quant au microplastique, il est également absorbé par de nombreuses espèces. À cet impact sur la biodiversité, il faut ajouter que la pollution plastique est dangereuse pour la santé humaine. Enfin, quant à la production même du plastique, elle est génératrice de gaz à effet de serre.
« Le problème de la pollution plastique des océans a été créé à l’échelle d’une vie, et nous avons des raisons de croire qu’il peut être résolu en une génération, voire plus tôt. Mais une telle solution exige des dirigeants politiques, des décideurs, des cadres d’entreprises et des investisseurs qu’ils passent d’un changement progressif à un changement systémique », estiment les auteurs.
Le scénario alternatif : un changement complet du système
Les chercheurs n’omettent pas les actions déjà lancées pour lutter contre la pollution plastique, comme par exemple l’adoption prochaine d’une interdiction du plastique à usage unique par l’Union européenne. Pour autant, toutes les mesures actuelles prises par les gouvernements et les industries ne réduiront que de 7 % le volume annuel de plastique rejeté dans la nature. Raison pour laquelle les scientifiques évoquent l’urgence d’un changement systémique, plutôt qu’un changement progressif.
Les scientifiques ont alors bâti un scénario alternatif, basé sur un changement de fond dans le système. Voici les nouvelles pratiques qu’ils évoquent au sein de ce scénario :
- Réduire la croissance de la production de plastique : il faut « éliminer l’utilisation de plastique évitable et développer les systèmes de réutilisation et de recharge » ;
- Remplacer le plastique par des alternatives : pour certains produits et emballages, « le plastique peut être remplacé par des alternatives telles que le papier ou des matériaux compostables » ;
- Améliorer le taux de collecte des déchets ;
- Améliorer le recyclage lui-même : pour les plastiques « qui ne peuvent pas encore être réduits », il faut les fabriquer de façon à ce qu’ils puissent être recyclés efficacement, tout comme il faut améliorer les techniques de recyclage mécanique ;
- Développer la conversion du plastique en plastique : « Les progrès de la conversion chimique du plastique en plastique pourrait nous permettre de recycler le plastique qui ne peut être recyclé mécaniquement » ;
- Réduire voire arrêter les exportations de déchets plastiques : « Les pays devraient assumer la responsabilité des déchets qu’ils produisent et mettre fin aux exportations mondiales de déchets plastiques ».
Cela fait évidemment beaucoup de mesures, induisant des changements coûteux et profonds, mais nécessaires, car les chercheurs insistent sur le fait qu’il n’y a pas qu’une seule solution pour éviter la catastrophe. C’est seulement dans un scénario combinant toutes ces mesures que les émissions de déchets plastique dans l’environnement pourront être réduites de 78 %, d’après les estimations de ces scientifiques.
Une ambition largement atteignable techniquement, dès aujourd’hui. « Bien que les technologies existent pour relever ce défi, l’infrastructure, les politiques, les processus commerciaux et le financement ne sont pas en place pour permettre leur déploiement rapide », déplorent les auteurs. Si cela nécessite un investissement massif de la part de toute la communauté internationale, les bénéfices seraient in fine incomparables : ce sont près de 70 milliards de dollars qui pourraient être gagnés, tout en créant au moins 700 000 emplois et en freinant le changement climatique et la destruction de la biodiversité.
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