Le consortium scientifique international Global Carbon Project livre son rapport annuel sur les émissions de dioxyde de carbone. Leur augmentation constante est en baisse. Mais la bonne nouvelle est à remettre en perspective.

Depuis le 2 décembre dernier se tient à Madrid la COP25, conférence 2019 sur les politiques climatiques. Au même moment, le consortium scientifique international Global Carbon Project diffuse son rapport annuel sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Trois articles de recherche ont été diffusés ce mercredi 4 décembre, dans Nature Climate Change, Iopscience, Earth System Science Data. Cette étude globale est en demi-teinte : elle fait apparaître autant de positif que de négatif.

À l’occasion de la COP25, les Nations unies rappellent dans un rapport que « l’écart entre ce que nous devrions faire et ce que nous faisons réellement est plus important qu’il n’a jamais été ». Il est impératif, de réduire nos émissions à un taux de 7,6 % entre 2020 et 2030. L’étude menée par le Global Carbon Project confirme ce constat. Les chercheurs du consortium se penchent plus précisément sur le dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz à effet de serre représente 77 % des émissions totales émises par l’humanité. Contribuant activement au changement climatique, il provient de la combustion des énergies fossiles, de l’industrie de la cimenterie, de l’agriculture et de la déforestation par le feu.

Au lieu d'augmenter de 1,5 % comme en 2017 et de 2,1 % comme en 2018, les émissions de CO² ne devraient s'accroître que de 0,6 % en 2019. // Source : Pixabay

Au lieu d'augmenter de 1,5 % comme en 2017 et de 2,1 % comme en 2018, les émissions de CO² ne devraient s'accroître que de 0,6 % en 2019.

Source : Pixabay

Une augmentation en baisse, mais une augmentation quand même

L’état des lieux proposé par le Global Carbon Project est loin d’être déprimant et il peut même donner de l’espoir, mais l’interprétation des chiffres contient une petite subtilité à mettre en évidence. Si une baisse des émissions de CO2 est projetée pour l’année 2019, il s’agit d’une baisse… de l’augmentation. Au lieu d’augmenter de 1,5 % comme en 2017 et de 2,1 % comme en 2018, les émissions de CO2 ne devraient s’accroître que de 0,6 % en 2019. La Chine et l’Inde sont les deux principaux émetteurs, leurs chiffres sont en hausse, suivis par les États-Unis et l’Europe, qui enregistrent une légère baisse. La France s’en sort très bien (-4,2% entre 2017 et 2018).

La bonne nouvelle est importante, tant ces 0,6 % sont bien moindres que pour les années précédentes. Pour autant, les chiffres et les termes doivent être remis en perspective. On ne peut pas évoquer, en soi, une baisse des émissions : c’est un ralentissement de leur hausse constante. Le chiffre vient aussi confirmer cette hausse. La combustion d’énergies fossiles représentera, en 2019, une concentration en CO2 de 36,8 milliards de tonnes dans l’atmosphère terrestre… un record absolu. Au début des années 2000, l’augmentation des émissions représentait autour de 3 % par an, avant une stabilisation à moins de 1 % après 2010. Cette période encourageante a été douchée à partir de 2017 lorsque les émissions sont reparties de plus belle.

Les émissions sont 62 % plus hautes qu’en 1990

Le niveau actuel de pollution par le CO2 en milliard de tonnes est donc, quoi qu’il en soit, plus élevé qu’il ne l’était en 2015, date de l’Accord de Paris. Les émissions sont même 62 % plus hautes qu’elles ne l’étaient lors du tout premier rapport du Giec en 1990. À ce rythme, il ne sera toujours pas possible d’atteindre la limite des 1,5 degré établie par l’Accord de Paris. Relevons par ailleurs que le consortium ne se concentre que sur le CO2 et ne calcule pas non plus les émissions liées à l’importation énergétique.

Un recul du charbon… compensé par le gaz naturel

Le ralentissement de l’augmentation des émissions de CO2 s’explique par un recul de 0,9 % dans l’exploitation mondiale du charbon. Ce chiffre est la moyenne entre une baisse drastique de 10 % aux États-Unis et en Europe associée à une légère hausse en Inde (+2 %) et en Chine (+ 0,8 %). Là encore, la bonne nouvelle vient avec de sempiternelles limites. Les scientifiques du consortium pointent du doigt le facteur « Amazonie » : cette année, les déforestations ont atteint un pic, provoquant des incendies ravageurs et des tonnes de CO2 libérées dans l’atmosphère.

Carte des feus actifs détectés par la Nasa entre le 15 et le 22 août 2019. // Source : NASA Earth Observatory / Joshua Stevens

Carte des feus actifs détectés par la Nasa entre le 15 et le 22 août 2019.

Source : NASA Earth Observatory / Joshua Stevens

Par ailleurs, si moins de charbon est utilisé, en compensation l’exploitation augmente pour le pétrole et, surtout, le gaz naturel. « De tous les carburants fossiles, l’utilisation du gaz naturel est celle qui grandit le plus. L’exploitation du gaz naturel a augmenté de 2,6 % par an de 2013 à 2018 », précise l’étude parue dans Iopscience. Le gaz naturel représente 7,7 milliards de tonnes en 2019, une part importante des 37 milliards au total. De fait, pour les chercheurs, il est clair qu’en 2020 l’augmentation du CO2 va réaugmenter par rapport à cette année.

Il est urgent de redoubler d’efforts pour rester sous la barre des 2°

Pour le consortium, les résultats de cette étude annuelle permettent de conclure qu’en définitive les actions ne suivent pas assez l’Accord de Paris et les discours politiques. « Il est urgent de redoubler d’efforts pour rester sous la barre des ‘bien en dessous de 2° C’ fixé dans l’Accord de Paris », explique Philippe Ciais, chercheur au LSCE -Institut Pierre Simon Laplace, et cité dans le communiqué. En clair : plus on traîne pour prendre des mesures concrètes, plus le défi sera difficile à relever.

Ce constat rejoint celui de l’ONU : « Nous disposons de la technologie et de la science pour décarboner nos sources d’énergie, nos systèmes de transport et nos villes. Nous possédons les connaissances nécessaires pour mettre un terme à la déforestation et au reboisement à grande échelle. » Si toutes les mesures nécessaires sont faisables de nos jours, elles ont besoin d’engagements forts et respectés. En pleine COP25, espérons que le constat se transforme en prise de conscience puis en réalité effective.


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