Dans une étude, des chercheurs brésiliens et français montrent que les incendies en Amazonie accélèrent la fonte des glaciers dans les Andes, pourtant éloignés de 1 000 kilomètres.

En août 2019, l’Amazonie était en proie à d’impressionnants incendies. Cette année, le nombre et l’intensité des feux ont largement augmenté dans la forêt la plus grande du monde, selon la Nasa. Mais le phénomène a commencé il y a déjà quelques années. Une équipe de chercheurs brésiliens et français vient de publier, le 28 novembre dernier, une étude sur les conséquences globales des feux en Amazonie, sur de longues distances. Ils publient leurs résultats dans Nature Scientific Reports et les conclusions sont accablantes.

Lors des incendies de cet été, nous avions interrogé un écologue au sujet des conséquences de tels incendies à court et long terme sur la planète. S’il rappelait les risques d’une biodiversité irrécupérable, Philippe Grandcolas confirmait également un impact potentiel à l’échelle planétaire entière. L’Amazonie est le plus grand massif forestier mondial et, à ce titre, elle est un immense piège à carbone. Lorsqu’elle brûle, du carbone est libéré, « ce qui contribue à l’effet de serre et donc au réchauffement climatique ».

La forêt amazonienne fait 5 millions de km² et abrite un quart des espèces mondiales autant qu'une riche diversité de flore. // Source : Flickr/CC/Neil Palmer-CIAT

La forêt amazonienne fait 5 millions de km² et abrite un quart des espèces mondiales autant qu'une riche diversité de flore.

Source : Flickr/CC/Neil Palmer-CIAT

L’étude publiée dans Scientific Reports en novembre va dans le sens d’un impact généralisé. En opérant une analyse quantitative, les chercheurs ont examiné la contribution des changements d’utilisation et de couverture des terres boisées sur la fonte des glaciers. Parmi ces changements, ils ont pris en compte les feux en Amazonie. « Nous démontrons, pour la première fois, que la biomasse qui se consume en Amazonie émet une contribution massive de carbone suie (ndlr : « Black Carbon (BC) ») touchant les glaciers tropicaux dans les Andes », annoncent les chercheurs dès l’introduction.

Le coupable est essentiellement le carbone suie

À partir des données atmosphériques provenant à la fois des feux et de la fonte des glaces, cette étude confirme que les feux en Amazonie ont de graves conséquences sur certains glaciers. En l’occurrence, ils se sont concentrés sur ceux présents dans les Andes, à 1 000 kilomètres de l’Amazonie. À partir de données datant de 2000 à 2016, et en se concentrant sur les années 2007 et 2010, ils ont pu identifier et chiffrer cet impact.

Les feux sont les plus fréquents d’août à octobre. C’est justement à cette même période que les vents se dirigent en direction des Andes, transportant le carbone suie et la poussière issus de la biomasse en train de brûler. Dans ce contexte, le carbone suie est un coupable direct de la fonte des glaces. Cette particule absorbe la lumière et, ce faisant, elle réduit considérablement la capacité réfléchissante de la neige sur laquelle elle se dépose. Les glaciers sont alors bien plus soumis à la chaleur du soleil, ce qui a pour effet de les faire fondre davantage.  Les chercheurs expliquent que le carbone suie, couplé à la poussière, provoque une augmentation de 6 % par an de la fonte des glaciers andins. Lorsque les concentrations de ces particules sont les plus hautes, alors la fonte peut être portée à 12-14 %.

Cette étude apporte de nouveaux éléments concrets et majeurs sur les conséquences, à l’échelle planétaire, des graves incendies en Amazonie. Elle pointe du doigt les effets du carbone suie et permet de rappeler que, sur Terre, les régions sont indéniablement connectées entre elles, ne serait-ce que par la circulation atmosphérique.

Philippe Grandcolas nous expliquait que l’Amazonie avait un rôle essentiel dans les ressources en eau, augmentant le danger des incendies. Le travail des chercheurs publié dans Scientific Reports montre que ce danger peut également être indirect, car de nombreuses communautés humaines comptent sur les glaciers des Andes pour leur approvisionnement en eau. Sans eux, les périodes de sécheresse pourraient devenir de plus en plus ingérables, d’autant qu’elles s’aggravent elles aussi — la Bolivie avait déclaré l’état d’urgence en 2016.

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