Un trou noir tournant à la vitesse de la lumière a été mesuré par la Nasa au début du mois de juillet 2019. L’objet astronomique, un trou noir supermassif, tournait à la « vitesse maximale possible », soit la vitesse de la lumière (300 000 kilomètres par seconde). L’agence spatiale avait mesuré la vitesse de rotation de 4 autres trous noirs, qui tournaient eux aussi étonnamment rapidement.
Qu’est-ce qui tourne exactement ? Et qu’entend-on lorsque l’on dit qu’un trou noir tourne très vite ? La mesure prise par la Nasa est importante : l’obtenir n’était pas chose aisée. Voilà pourquoi les scientifiques ont pu s’étonner de l’impressionnante vitesse de rotation qui a été mesurée pour ces trous noirs supermassifs.
Un trou noir ne tourne pas forcément
Avant toute chose, qu’est-ce qu’un trou noir ? Malgré son nom, n’allez pas imaginer un espace vide. Un trou noir est une région de l’espace où le champ gravitationnel est si intense que toute matière qui y pénètre (même la lumière) ne peut plus en sortir. Autour du trou noir, la matière qu’il gobe se déplace en orbite. Elle est rassemblée dans ce qu’on appelle un disque d’accrétion. Ce disque peut tourner de différentes manières : dans le sens contraire à la rotation du trou noir (rotation rétrograde) ou dans le même sens (rotation prograde). Il est aussi possible que le trou noir ne tourne pas.
« On a démontré dans le courant des années 1960 que le champ gravitationnel d’un trou noir en rotation différait de celui d’un trou noir sans rotation », nous explique Alain Riazuelo, chargé de recherche au CNRS et astrophysicien à l’IAP (Institut d’astrophysique de Paris). Cette différence permet de faire la distinction entre ces deux types de trous noirs. « Par exemple, de la matière qui orbite autour d’un trou noir sans rotation atteint au maximum (c’est-à-dire au plus près du trou noir) la moitié de la vitesse de la lumière [ndlr : soit 150 000 km/s], poursuit l’expert. Autour d’un trou noir en rotation rapide, cette vitesse peut devenir très proche de la vitesse de la lumière [ndlr : 300 000 km/s]. »
Le chercheur nous explique que cela a aussi un impact sur l’altitude de la matière autour du trou noir : « elle est de 2 fois le rayon du trou noir s’il ne tourne pas sur lui-même, et très proche du trou noir s’il tourne vite », résume Alain Riazuelo. Le schéma de la Nasa, visible ci-dessus, permet aussi de s’en rendre compte.
Un trou noir qui tourne vite : qu’est-ce que ça veut dire ?
Ces distinctions faites, encore faut-il comprendre ce que cela signifie lorsque l’on dit qu’un trou noir tourne vite. Comme l’explique le chercheur, « un trou noir ne peut tourner arbitrairement sur lui-même » et il est possible de montrer pourquoi. Alain Riazuelo prend l’exemple d’une planète : « Si elle tourne trop vite, il arrive un moment où la force centrifuge [ndlr : lorsque le corps est en mouvement circulaire] à l’équateur est plus grande que le champ de gravité de la planète. Celle-ci perd donc de la matière. Comme c’est de la matière en rotation qui va donner naissance (et par la suite, alimenter) un trou noir en rotation, celui-ci sera doté d’une vitesse de rotation maximale, qui, de même que pour une planète, sera d’autant plus grande que le trou noir est petit. »
Pour un petit trou noir, cette vitesse de rotation sera de l’ordre d’une dizaine de milliers de fois par seconde. Pour un plus gros trou noir, comme M87* (celui qui a été observé par l’Event Horizon Telescope), cette vitesse serait au maximum d’un tour par semaine — et c’est loin d’être lent. « Ce chiffre peut sembler faible, mais rappelez-vous que ce trou noir fait 6,5 milliards de masses solaires et a un périmètre de l’ordre de 120 milliards de kilomètres, ce qui même à la vitesse de la lumière nécessite plusieurs jours pour être parcouru », nous éclaire l’astrophysicien.
Observer la rotation des trous noirs : un défi scientifique
Comment peut-on espérer observer cela ? Si la matière tourne autour du trou noir de façon perpendiculaire par rapport à son axe de rotation et dans le même sens de rotation que le trou noir, mesurer la vitesse de la matière doit permettre de connaître quelle est la rotation du trou noir, explique Alain Riazuelo. C’est loin d’être simple. « Ces mesures sont difficiles, car on voit dans un télescope l’effet cumulé de la matière loin du trou noir (où elle tourne lentement) et près (où elle atteint les valeurs énormes données ci-dessus) », note le scientifique. Il faut aussi composer avec le champ magnétique qui peut avoir « tendance à imposer une rotation plus rigide de la matière », plus lente (quand elle est proche du trou noir) ou plus rapide (quand elle est plus loin).
On comprend ainsi comment la Nasa est parvenue à estimer la vitesse de rotation de 5 trous noirs, qui partageaient effectivement ces points communs : un disque aligné sur leur plan équatorial et une rotation prograde — et pourquoi cela était complexe. Les mystères de ces objets célestes n’ont probablement pas fini de fasciner les scientifiques. Outre leur rotation, il y a un autre élément complexe à mesurer chez les trous noirs : leur température.
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