Du carbone radioactif a été retrouvé dans de minuscules crustacés, qui vivent à plus de 6 kilomètres de profondeur dans le Pacifique. Des scientifiques ont fait le lien avec des essais de bombe atomique qui ont lieu il y a plusieurs décennies.

Des tests de bombe atomique réalisés au siècle dernier ont laissé des traces dans les profondeurs de l’océan. Une étude, présentée le 8 mai 2019 et publiée dans la revue Geophysical Research Letters, montre que du carbone radioactif a été retrouvé dans de petits crustacés du Pacifique.

Les scientifiques ont analysé des amphibodes, des crustacés marins ressemblant à de minuscules crevettes, récoltés en 2017. Les animaux vivent dans la zone hadale, des fosses sous-marines dont la profondeur est supérieure à 6 kilomètres. C’est l’un « des endroits les plus reculés et les moins explorés de notre planète », écrivent les spécialistes. Pourtant, du carbone radioactif a réussi à pénétrer jusque dans la faune qui vit dans cette zone.

Du carbone 14 dans ces crustacés : de quoi s’agit-il ?

La production du carbone 14, ou 14C, est favorisée dans l’atmosphère par le rayonnement cosmique, lui même formé par des particules chargées. En présence de dioxyde de carbone, il peut entrer dans des animaux ou des végétaux. Selon l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire, le carbone 14 intégré dans des « composants cellulaires » comme l’ADN peut entraîner des « ruptures moléculaires ». Elles peuvent elles-mêmes provoquer la mort des cellules ou « des mutations potentiellement héréditaires ».

Il est d’ailleurs utilisé comme outil de datation, car son activité continue après la mort d’un organisme végétal ou animal. Le carbone 14 peut aider à connaître la date de mort d’organismes âgés de dizaines de milliers d’années.

L’étude assure que « la pollution anthropique [ndlr : provoquée par les humains] peut atteindre rapidement la tranchée la plus profonde de l’océan par l’intermédiaire de la chaîne alimentaire ». Grâce à la méthode de datation, les scientifiques ajoutent que les crustacés semblent également s’être adaptés à un « environnement rude et appauvri » car leurs tissus se sont peu renouvelés. La durée de vie de ces amphipodes est supérieure à 10 ans, ce qui est jugé particulièrement long.

Des tests pendant la Guerre froide

Pour les chercheurs, ces traces de carbone 14 sont clairement liées à des tests de bombe atomique. Ces essais menés entre 1945 et 1963, dans le contexte de la Guerre froide, ont multiplié par deux les niveaux de carbone 14 dans l’atmosphère (celui-ci a ensuite chuté avec la fin des essais). Le 14C a pénétré dans les eaux de surface, avant d’être amené au fond des océans via la chaine alimentaire. Ce processus est plus rapide que si le carbone 14 avait été simplement déplacé par l’eau.

La pollution provoquée par les essais de bombe atomique s’est rapidement répandue au fond de l’océan, ce qui montre l’impact des activités humaines même à de telles profondeurs. Contrairement à la surface, où les déchets d’origine humaine peuvent être ramassés par des bateaux, nettoyer le fond pollué des océans semble une entreprise encore plus délicate.


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