A l’instar des animaux qui sont désormais protégés par la loi contre les abus dont ils pourraient être victimes, les robots pourraient un jour bénéficier d’une reconnaissance juridique de leurs droits sociaux. Une manière, paradoxalement, de s’assurer que l’homme reste humain.

Dans le chapitre 8 de l’Evangile selon Matthieu figure un passage qui choquerait aujourd’hui plus d’un bon chrétien. Il est nous est en effet démontré le peu de considération qu’avait Jésus pour les animaux (en l’espèce des porcs), à qui il ne jugeait pas utile d’épargner la noyade :

Mt 8:28- Quand il fut arrivé sur l’autre rive, au pays des Gadaréniens, deux démoniaques, sortant des tombeaux, vinrent à sa rencontre, des êtres si sauvages que nul ne se sentait de force à passer par ce chemin.

Mt 8:29- Les voilà qui se mirent à crier :  » Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ?  »

Mt 8:30- Or il y avait, à une certaine distance, un gros troupeau de porcs en train de paître.

Mt 8:31- Et les démons suppliaient Jésus :  » Si tu nous expulses, envoie-nous dans ce troupeau de porcs.  » –

Mt 8:32-  » Allez « , leur dit-il. Sortant alors, ils s’en allèrent dans les porcs, et voilà que tout le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer et périt dans les eaux.

Ce passage biblique nous rappelle que l’Homme a longtemps considéré l’animal comme une chose indigne de protection. Il a fallu attendre le 18ème siècle pour que la réflexion commence à évoluer, sous l’influence notamment de Jean-Jacques Rousseau ou du philosophe anglais Jeremy Bentham.

« Le jour viendra où le reste de la création animale acquerra ces droits qui n’auraient jamais dû leur être refusés« , avait-il écrit, à une époque où l’idée d’accorder des droits aux animaux paraissait totalement illuminée. Ce n’est qu’en 1850 qu’une loi est adoptée en France pour condamner les mauvais traitements sur animaux domestiques.

Auparavant, Saint Thomas d’Aquin puis Locke et Kant avaient développé une théorie. S’il fallait protéger les animaux des sévices commis par l’homme, c’était uniquement pour « s’assurer que des habitudes de cruauté ne s’insinuent dans notre traitement envers les êtres humains« , raconte Wikipedia dans un article sur le droit des animaux.

Or c’est justement en reprenant cette théorie qu’une chercheuse du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), Kate Darling, estime qu’il sera indispensable un jour d’accorder des droits sociaux aux robots.

Dans son étude (.pdf), reprise par ComputerWorld, Darling explique que les hommes commencent déjà à regarder certains de leurs robots avec anthropomorphisme, et qu’ils accordent donc une valeur quasi humaine à leurs compagnons. Or, « ignorer sur le plan législatif que les gens ont des sentiments forts sur un sujet peut conduire à du mécontentement et même à un manque de conformité avec la loi à mesure que les gens essayent de de faire « justice » de leurs propres mains« . Reconnaître un statut social du robot serait donc une manière de conserver une société civilisée.

Plus les robots nous rendront des services dans notre vie personnelle quotidienne (songez à un Siri incarné dans un humanoïde, capable de répondre à toutes nos questions, de passer l’aspirateur, de tondre la pelouse,…), plus ils nous ressembleront, plus la question des sentiments humains à leur égard se posera avec insistance :

Par ailleurs, Kate Darling reprend la vision kantienne de la nécessité de protéger l’animal, et la transpose aux robots. « Nos actions à l’encontre des non-humains reflètent notre moralité – si nous traitons les animaux de façon inhumaine, nous devenons des personnes inhumaines » (un thème souvent traité par la science-fiction, par exemple dans le District 9 produit par Peter Jackson).

« Celui qui abat son chien parce qu’il ne lui est plus d’aucune utilité et ne lui rapporte même pas ce qu’il faut pour le nourrir, n’enfreint pas en vérité le devoir qu’il a envers son chien, puisque celui-ci est incapable de jugement, mais il commet un acte qui heurte en lui le sentiment d’humanité et l’affabilité bienveillante, auxquels il lui faut pourtant donner suite, en vertu des devoirs qu’il a envers l’humanité« , écrivait Kant. « On peut déjà juger du coeur d’un homme au traitement qu’il réserve aux animaux.« 

Demain se poseront aussi des questions que l’on imagine encore peu, sur le rapport des hommes aux robots. Par exemple, peut-on violer un robot, ou être condamné pour avoir eu une relation sexuelle avec un robot prostituée ?

La question est tout à fait sérieuse ; des chercheurs spécialisés dans les activités touristiques ont prédit que d’ici 2050, des robots seront proposés en location dans des cyberbordels de luxe, pour remplacer les prostituées. Ils cumuleraient les avantages : hygiène garantie, pas de transmission de maladies sexuellement transmissibles, performance garantie, obéissance remarquable, absence de culpabilité du client qui « exploite » la prostituée… et légalité.

A condition que « faire l’amour » avec un robot reste légal, au contraire des animaux pour qui il existe désormais des lois contre la zoophilie. Bientôt des lois contre la robophilie ?

Et peut-être un jour les robots demanderont-ils eux-mêmes la reconnaissance des humains ? Les amateurs reconnaîtront cette scène finale de Blade Runner, dans lequel les robots humanoïdes sont programmés pour mourir et se battent pour survivre :

https://youtube.com/watch?v=a_saUN4j7Gw

(illustration : Chilloutpoint)

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