L’accident survenu au cosmodrome de Baïkonour apparaît plus grave qu’une avarie industrielle. Il pourrait mettre la Russie dans une vraie impasse stratégique pour un moment. En effet, le pays n’a pas 36 options de repli en matière d’accès autonome à la Station spatiale internationale.

Le décollage de la mission russe Soyouz MS-28 vers la Station spatiale internationale (ISS), le 27 novembre 2025, s’est-il fait au prix de la perte de la capacité d’envoyer des humains dans l’espace, pour la Russie ? C’est toute la question qui entoure la situation encore floue du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan.

Peu de temps après l’envol de l’équipage (les Russes Sergueï Koud-Svertchkov et Sergueï Mikaïev et l’Américain Christopher Williams), une anomalie a été repérée sous le pas de tir. Une structure située juste en dessous s’est effondrée, et a glissé jusqu’au fond de la tranchée, là où sont dirigées les flammes de la fusée lors du départ.

Roscosmos, l’agence spatiale russe, a reconnu à demi-mot l’incident. « Des dommages ont été constatés sur plusieurs éléments de la rampe de lancement », a-t-elle fini par écrire le 28 novembre sur Telegram. « L’état du complexe de lancement est actuellement en cours d’évaluation. » Mais depuis cette prise de parole, plus rien.

Baïkonour
Avant / après (on distingue qu’une structure a chuté au fond de la tranchée. // Source : Nexta TV

La durée de l’indisponibilité du site de lancement à Baïkonour est difficile à évaluer, mais certaines estimations suggèrent que l’incident pourrait poser des problèmes à Moscou jusqu’à fin 2027, voire 2028. Or, si des réparations durent aussi longtemps, la Russie dispose-t-elle d’autres options pour faire des lancements vers l’espace ?

La Russie dispose d’autres cosmodromes sur son territoire, mais tous ne sont pas certifiés pour les vols habités. En réalité, Baïkonour est la seule option, côté russe, pour envoyer du personnel dans l’espace. Toutes les autres installations, comme Vostotchny (Extrême-Orient, près de la Chine) ou Plessetsk (nord, près de la Finlande), ne sont pas taillées pour ça.

Quelles options pour la Russie après l’incident à Baïkonour ?

Option 1 : cosmodrome de Vostotchny

Selon NASAspaceflight, le 30 novembre, Vostotchny pourrait être envisageable pour faire des lancements de vaisseaux inhabités, afin de convoyer du fret grâce aux capsules Progress. Cependant, précise notre confrère, il y a un cap à passer de la théorie à la pratique, avec la nécessité de faire des aménagements logistiques assez lourds, pour tout acheminer sur place.

En revanche, une utilisation dans l’optique d’un vol habité est impossible à court terme.

La tour de service mobile présente sur place n’est pas conçue pour accueillir le système de sauvetage d’urgence au sommet de la fusée Soyouz. De plus, les environs (montagnes, forêts, océan Pacifique) ne sont pas des zones de retombée commodes en cas d’éjection d’urgence. Moins, en tout cas, que les steppes kazakhes.

Vostotchny
Vostotchny. // Source : Владислав Ларкин

Option 2 : cosmodrome de Plessetsk

Cette piste apparaît encore plus défavorable, du fait de la localisation de ce site. Plessetsk est bien plus au nord, à une latitude jugée incompatible avec une mission vers l’ISS. Cette option pourrait impliquer une consommation accrue de carburant, ce qui se répercuterait défavorablement sur la charge utile transportable.

Option 3 : aire de lancement Gagarine (Baïkonour)

Pas de tir historique de Baïkonour, le site 1 est celui par lequel Youri Gagarine a fait le tout premier vol spatial habité de l’histoire. Il serait une solution séduisante et symbolique. Mais le site n’est plus opérationnel depuis 2019 et est devenu un musée. Peut-être faudrait-il le cannibaliser pour rétablir l’autre site, mais c’est très incertain.

Cosmodrome Baïkonour Soyouz
Baïkonour. // Source : Bill Ingalls

Option 4 : le centre spatial guyanais, près de Kourou

C’est une voie extrêmement incertaine, car la guerre d’agression que Moscou a lancée contre l’Ukraine a éloigné diplomatiquement la Russie des Occidentaux — et singulièrement des Européens. Et d’ailleurs, c’est l’agence spatiale russe qui a annoncé en février 2022 sa décision de cesser de faire décoller des fusées Soyouz depuis la Guyane française.

À quelles suites s’attendre ?

À brève échéance, il est prévu que le prochain vol opéré par les Russes vers l’ISS doit être un ravitaillement avec un cargo Progress (MS-33). Celui-ci est attendu vers la fin décembre 2025. Mais son départ depuis le site 31 (celui qui a été endommagé) apparaît forcément très incertain. Quant au prochain vol habité, il est prévu pour juin 2026, toujours depuis Baïkonour.

Pour des raisons géopolitiques évidentes, et en raison du bellicisme continu de Moscou, la perspective de voir la Russie tenter un rapprochement avec les capitales européennes pour accéder au centre spatial guyanais semble très improbable. Et les autres options paraissent hors de propos à court et moyen terme. Moscou apparaît le dos au mur.

Comme un renversement de l’histoire, le transport des cosmonautes russes semble désormais être complètement dans les mains des Américains — une situation que Washington a bien connue de 2011 à 2020, période durant laquelle la navette spatiale américaine a été retirée, et SpaceX n’avait pas encore élaboré sa solution maison de transport (Crew Dragon).

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