Après le succès de la mission DART de la Nasa partie s’écraser contre un astéroïde, la Chine a annoncé qu’elle allait tenter la même expérience. Une mission qui peut faire penser à une simple copie, mais qui pourrait nous en apprendre beaucoup sur ces roches et la manière de s’en protéger.

Après l’original, voici le remake. L’agence spatiale chinoise a annoncé avoir trouvé la cible de sa future mission : un astéroïde appelé 2019 VL5, qu’elle va aller percuter avec un vaisseau dans l’espoir de le faire dévier de sa trajectoire. Un scénario déjà bien connu, puisqu’il s’agit de celui de DART, une mission de la Nasa qui a percuté l’astéroïde Dimorphos le 26 septembre 2022, ce qui a provoqué un changement de trajectoire de l’astre.

Un exploit jamais égalé pour l’instant, et la Chine compte bien être le deuxième pays à le réaliser. La mission, déjà évoquée brièvement il y a quelques années, a été officiellement présentée début avril à Vienne, lors de la 8ème conférence de l’académie internationale d’astronautique consacrée à la défense planétaire. On y apprend quelques détails, notamment le fait que le vaisseau censé percuter l’astéroïde ne partira pas seul. Il sera accompagné d’un orbiteur qui arrivera sur place quelque temps avant, en prenant une trajectoire différente, ce qui lui laissera le temps de faire quelques relevés topographiques et d’observer le choc.

Pour Patrick Michel, coordinateur sur la mission DART, il y a, là aussi, un air de déjà-vu : « C’est exactement le concept de Don Quichotte, se rappelle l’astrophysicien français. C’était la première piste pour DART avec un orbiteur témoin arrivé en avance, mais ça avait été abandonné faute de budget. » Finalement, la Nasa avait développé la sonde seule, tandis que l’ESA s’occupait d’Héra chargée de faire les observations. Mais, Héra ayant connu quelques retards, elle ne devrait décoller qu’en 2024, et ira donc voir les dégâts provoqués par DART quatre ans après le choc.

Mission similaire, mais cible différente

Pour résumer, la Chine pourrait réussir là où l’Europe et les États-Unis ont échoué, en revenant au projet originel, qui a engendré DART à la suite d’une certaine fébrilité budgétaire. Cela dit, la mission pourrait aussi apporter des résultats différents et une meilleure connaissance des astéroïdes. « Sur ça, il est assez difficile de se faire une idée, reconnaît Patrick Michel, car nous avons peu de détails techniques sur la sonde elle-même. En revanche, la cible choisie est bien différente de Dimorphos. »

2019 VL5 ne mesure qu’une trentaine de mètres de diamètre, ce qui est près de trois fois moins que Dimorphos. Il a une période orbitale qui le fait passer près de la Terre tous les ans environ. L’astéroïde sera justement visible à la fin de l’année 2023, ce qui serait l’occasion de l’observer pour préparer au mieux sa mission.

Dernière image de Dimorphos par DART. // Source : NASA/Johns Hopkins APL (photo recadrée)
Dernière image de Dimorphos par DART. // Source : NASA/Johns Hopkins APL (photo recadrée)

« C’est intéressant d’avoir un corps si petit, affirme Patrick Michel, car nous ne savons pas vraiment comment il réagira. Le risque serait justement de le faire exploser en mille morceaux ! » Au moment de la conception de DART, il semblait très improbable de détruire un astéroïde avec un seul impact. Mais, depuis, les études ont évolué, et il s’est avéré que ces roches formées par des agrégats étaient relativement fragiles. Si Dimorphos n’a pas été détruit, ce pourrait être le cas pour 2019 VL5, mois massif.

Autre différence : la période de rotation. Dimorphos tournait très lentement sur lui-même. Avec un astéroïde faisant la toupie (ce qui est bien souvent le cas), les effets d’un impact seront clairement différents, et sont d’ailleurs difficiles à reproduire en laboratoire où à l’aide de simulations informatiques.

Face au risque, ne pas dépendre d’une seule nation

Mais, pour l’instant, difficile d’en savoir plus sur ce que cette mission chinoise nous apprendra sur les astéroïdes, car Beijing est resté extrêmement discret sur la question. « Nous avons un groupe de travail à l’ONU dédié à la défense planétaire, raconte Patrick Michel. Et, les Chinois auraient dû nous présenter la mission, mais ils ont annulé. C’est dommage, car c’est exactement le genre de sujet où nous avons besoin du maximum de cerveaux pour réfléchir et mettre en commun. »

Le décollage de la fusée. // Source : Capture d'écran YouTube SciNews
Le décollage d’une fusée chinoise, Long March 5B. // Source : Capture d’écran YouTube SciNews

L’astrophysicien ne sous-entend pas que la Chine fait bande à part avec cette mission qui n’est ni secrète, ni cachée. Mais, concrètement, si la Chine collabore régulièrement avec de nombreuses puissances internationales (dont la France) dans le domaine du spatial, elle reste plutôt mystérieuse sur cette mission en particulier.

« Il y a aussi sans doute une composante géopolitique, nuance Patrick Michel, une volonté de faire mieux que les rivaux, mais c’est de bonne guerre ! Et pour ce type de projet, je suis très content qu’ils le fassent. Même si ça signifie qu’ils nous coiffent au poteau en réalisant ce dont nous rêvions avec le projet Don Quichotte. »

Et pour cause, la défense planétaire est une discipline dans laquelle de nombreuses nations cherchent à s’allier pour contrer une menace d’astéroïde pour le jour où celle-ci se réaliserait. « Si ce jour arrive, résume Patrick Michel, nous serons bien contents d’avoir plusieurs agences spatiales à pouvoir y faire face ! Être trop dépendant d’une seule nation, même si les États-Unis sont nos alliés, c’est dangereux, et il faut que d’autres acquièrent ce savoir-faire. »

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