Pendant quelques mois, l’Europe n’aura plus la capacité d’envoyer des charges lourdes loin dans l’espace. La faute à un nouveau report du vol inaugural d’Ariane 6.

C’est un coup dur pour l’Europe spatiale et ses ambitions d’indépendance. L’Agence spatiale européenne (Esa) a acté le report du vol inaugural d’Ariane 6, désormais attendu quelque part au quatrième trimestre 2023. Ce nouveau décalage entraine de fait un retard de trois ans pour la nouvelle fusée européenne, censée être opérationnelle depuis 2020.

La mauvaise nouvelle a été annoncée dans un briefing le 19 octobre par Josef Aschbacher, directeur général de l’Esa, aux côtés des responsables de l’agence spatiale française (Philippe Baptiste du Cnes), d’Arianespace (Stéphane Israël), d’ArianeGroup (André-Hubert Roussel) et de directeur du transport spatial à l’Esa (Daniel Neuenschwander).

Ariane 6
Un nouveau retard pour Ariane 6 signifierait un report en 2024. // Source : ESA/CNES/Arianespace

Les reports de programmes ne sont bien sûr pas rares dans le secteur spatial. Le télescope spatial américain James Webb peut en témoigner. Mais si la succession des retards est une chose, leurs conséquences sur la politique spatiale européenne en sont une autre. Or, ce nouvel ajournement tombe au plus mal, car il occasionne un trou capacitaire pour l’Europe.

Ariane 6 doit succéder à Ariane 5 en 2023. Or, le dernier vol opérationnel d’Ariane 5 est planifié pour avril 2023. Il s’agira de lancer la mission d’exploration spatiale JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer) de l’Agence spatiale européenne. Et avant cela, il est prévu une autre mission pour déployer les satellites Eutelsat 10B (télécoms) et Syracuse 4B (communications militaires).

Une autonomie spatiale provisoirement diminuée

Avec le renvoi à plus tard des débuts d’Ariane 6, l’Europe a donc une période d’au moins six mois sans aucun lanceur lourd maison. Il ne lui est plus possible de faire appel à la Russie et sa fusée moyenne Soyouz, compte tenu de la guerre en Ukraine. Elle ne peut pas non plus faire appel à la toute jeune Vega C, qui a réussi son tout premier vol en juillet, car elle est réservée aux vols légers.

Ariane 5 a une capacité unique, parmi les lanceurs européens : envoyer des charges lourdes sur des orbites éloignées, dont celle dite de transfert géostationnaire, qui permet de positionner des satellites sur une orbite géostationnaire, dont l’altitude est très exactement de 35 786 kilomètres. Ariane 6 aura aussi cette faculté, une fois qu’elle sera prête.

La Falcon Heavy. // Source : Flickr/CC/Official SpaceX Photos (photo recadrée)
Va-t-il falloir faire appelle à la Falcon Heavy de SpaceX ? // Source : SpaceX

L’Europe a donc face à elle une période incertaine de six à neuf mois sans outil à sa disposition. Durant cette fenêtre, il lui faudra soit reporter de quelques mois certains vols, soit faire appel à des prestataires extra-européens, en Asie ou en Amérique du Nord. Il pourrait s’agir aux USA de SpaceX (avec Falcon 9 / Falcon Heavy) et ULA (avec Delta IV), et par ailleurs de l’Inde ou du Japon.

Le recours à une Ariane 5 n’est pas non plus envisageable, d’une part parce que le lanceur n’est pas réutilisable, d’autre part, parce que le dernier lot de dix fusées a été validé en 2018. Ces dix devaient servir à une transition en douceur avec Ariane 6, sans savoir à l’époque que ce programme allait être reporté à plusieurs reprises. Désormais, il n’y a plus de transition douce du tout

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