Ces quatre romans parus en 2021 livrent des effluves boisées. La nature vient y nourrir une littérature écologique comme une littérature qui sonde notre âme, nos sentiments, nos relations.

L’odeur des conifères, les espaces sauvages, l’intimité d’une clairière, la forêt rassurante ou menaçante… les romans qui se situent en pleine nature ou qui parlent de la nature ont une atmosphère littéraire boisée, tantôt merveilleuse, tantôt lugubre ou mystérieuse. Voici quatre œuvres coup de cœur, parues en 2021, et très proches du nature writing. Pour que le monde sauvage s’invite au pied du sapin.

Lorsque le dernier arbre

Source : Albin Michel
Source : Albin Michel

Lorsque le dernier arbre est le roman virtuose de Michael Christie, parue dans la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel. L’auteur parvient à narrer une fresque familiale cohérente s’étendant sur quatre générations, de 1908 à 2038. Cette famille, du nom de Greenwood (« bois vert »), noue une relation profonde avec les arbres. Les forêts jouent un rôle déterminant dans la vie de chaque personnage, nourrissant des récits d’anticipation, des trajectoires relationnelles et des péripéties policières.

« Moi je rêve surtout d’arbres. » Michael Christie nous fait respirer des senteurs boisées du début à la fin, au fil d’une construction littéraire maîtrisée. Mais la fresque familiale cache aussi un roman important sur l’urgence écologiste.

Les dents de lait

Source : Gallmeister
Source : Gallmeister

« Cette canicule interminable me fait halluciner. » Le premier roman d’Helene Bukowski, paru chez Gallmeister, était l’une des merveilles de la rentrée littéraire 2021. Fable post-apocalyptique, Les dents de lait se situe dans une région décimée par le changement climatique. Sécheresse et brouillard y sont quasi permanents, peu d’animaux ont survécu. Skalde et sa mère tentent de survivre tant bien que mal, dans un petit village retranché — dont les habitants ont détruit le pont qui les reliait au reste du monde.

Dans ce roman à la poésie tragique, Helene Bukowski pose une atmosphère volontairement oppressante, à l’étrangeté surnaturelle. La nature est orageuse, le temps s’est arrêté, les animaux ont perdu leurs couleurs : le monde est éteint, la vie s’est tue. Mais cette irréalité monotone n’est pas dystopique, car la flamme de l’espoir surgit. « Les années passèrent et j’avais abandonné tout espoir de changement. Et là, j’ai trouvé l’enfant. » 

Les Dents de lait plaira particulièrement à celles et ceux qui ont déjà été séduits par le récit intimiste livré par Dans la forêt de Jean Hegland.

Seule en sa demeure

Source : L'Iconoclaste
Source : L’Iconoclaste

La littérature de Cécile Coulon est celle d’une plume naturellement poétique. On se délecte de chaque phrase. Cette poésie charnelle se touche, s’humecte, donne des frissons. Dans Seule en sa demeure, tout le talent de la romancière s’exprime à son plus haut niveau. Fin du XIXe siècle, Aimée, 18 ans, rejoint le domaine Marchère après un mariage arrangé avec Candre. Mais dans cette grande demeure, perdue en amont de la forêt d’Or, les non-dits et la solitude enferment peu à peu Aimée. Un récit à la croisée de Flaubert et Stephen King.

Ce qui marque la plume de Cécile Coulon, dans Seule en sa demeure, c’est son souffle sauvage. Ce serait une litote que de décrire la nature comme omniprésente dans le roman : le roman s’incarne tout entier dans la nature. « Le château se fondait dans la végétation, comme s’il était né de la forêt, protégé par elle sans qu’elle le dévore, habillé par ses feuilles et ses plantes grimpantes, bourdonnant d’abeilles, et pourtant étincelant et propre comme les costumes de Candre. »

Nature à double sens et à double tranchant : « La forêt l’étouffait, les fleurs l’agressaient ». La nature sauvage infiltre ses plantes grimpantes et ses cris d’oiseaux dans chaque recoin comme dans chaque métaphore. Ce faisant, Cécile Coulon sonde la nature humaine de ses personnages, la nature mémorielle des lieux, au fil d’un enchevêtrement littéraire brillant.

Dans l’État sauvage

Source : Gaïa éditions
Source : Gaïa éditions

Le futur imaginé par Diane Cook n’est pas très glorieux. La dévastation accrue du changement climatique a provoqué des effets dangereux pour la santé : l’air pollué, dans les villes, est devenu toxique. La fille de Bea, Agnès, en subi les conséquences. Elle souffre de troubles pulmonaires. La mère décide donc de participer à une expérience : rejoindre une communauté nomade dans l’État sauvage, une région à l’écosystème préservé… mais où la vie est brutale et sous le haut contrôle des rangers.

Dans l’État sauvage est un captivant roman écologique de survie, qui ne valorise pas la nature sauvage comme un environnement merveilleux, mais comme un domaine de confrontation au réel. Diane Cook ne décrit pas une nature hostile à proprement parler : c’est sa matérialité, brute, rocheuse, concrète, qui la rend menaçante. La relation mère-fille, entre Bea et Agnes, va devoir elle aussi survivre à sa propre réalité — en représentant tantôt un défi, tantôt un refuge.

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