Blizzard a particulièrement réussi le lancement de la 8e extension de son jeu mythique World of Warcraft. Peu de bugs, un raid réussi, une ambiance appréciée par une majorité de sa communauté. En 16 ans d’histoire, le plus célèbre des MMO n’a jamais été aussi accueillant pour les nouveaux joueurs, et parvient encore à se relancer. Ce travail réussi a d’ailleurs été récompensé par des ventes record.
Mais dans ce tableau idyllique, un détail nous tracasse. Un petit détail, sans conséquence sur la progression dans l’histoire ni sur les performances des joueurs. Mais un détail qui a marqué un changement dans notre façon d’explorer l’univers de WoW : il n’y a pas de lit en Ombreterre, le royaume des morts. Pas de lit, ni de hamac, ni de matelas, ni de canapé, ni de tente, ni de cagette, comme on peut en trouver aux quatre coins d’Azeroth. Au mieux, un tapis ou un banc en pierre permet aux personnages de s’allonger. Au pire, c’est à même le sol dur et froid qu’il leur faut dormir.
Pourquoi nous tenons aux lits dans World of Warcraft
Pourquoi avoir des lits en Azeroth est-il important, vous vous demandez ? Se déconnecter dans un couchage ne rapporte aucun bonus et seule la présence du personnage dans une « zone de repos » (une auberge, une caserne, une tente…) rapporte des avantages : un bonus d’expérience intéressant mais inutile une fois le niveau maximal atteint, et la possibilité de déconnecter 20 secondes plus tôt. Sauf que certains joueurs, les rôlistes, incarnent leurs personnages : quand ils font parler leur personnage en jeu, ils s’assurent que leurs propos et actions soient cohérents avec les traits et l’histoire de leur personnage, et non avec leur propre caractère. Il devient dès lors logique, si l’on suit cette façon de jouer, d’aller coucher son personnage lors d’une déconnexion nocturne.
Sans être rôlistes à proprement parler, nous avons commencé un beau jour à placer nos personnages dans les couchages avant de nous déconnecter du jeu. Quitte à aller dans des zones de repos, autant aller jusqu’au bout, non ? Et de zone en zone, de personnage en personnage, une petite tradition est née, immortalisée par une capture d’écran à chaque déconnexion.
Grâce à cette habitude de jeu plutôt étrange et certainement futile, nous avons trouvé un moyen de (re)découvrir World of Warcraft. Très vite, l’expérience s’est transformée dans une chasse aux meilleurs lieux pour déconnecter nos personnages. Avec une dizaine de continents et des centaines d’auberges à explorer, ainsi que des milliers de kilomètres de terres virtuelles à parcourir, World of Warcraft propose un terrain de jeu unique dans l’histoire du jeu vidéo. Du bateau gobelin des Milles-Pointes aux palais des elfes en passant par les lits superposés de Draenor, le monde de la fabrique de la guerre regorge de couchages différents.
Avez-vous déjà vu la maison aux chiens de Boralus ?
La direction artistique, le soin apporté au détail et la cohérence de l’univers sont autant d’ingrédients qui ont contribué au succès écrasant du MMO. Les développeurs prennent le temps d’ajouter des objets, des personnages et des détails originaux dans presque chaque recoin de leur univers. Ici une poupée avec une histoire, là une référence à la pop culture, plus loin un clin d’œil d’un développeur à un autre. Mais trop souvent, ces détails sont relégués au second plan par les joueurs, plus occupés à performer dans les différents segments compétitifs, quitte à oublier la magie du monde créé par Blizzard.
Prenez par exemple une des capitales de la précédente extension, Boralus, qui est l’une des plus grandes réussites du jeu (si votre objectif est de vous coucher en vous déconnectant). Ce port de pirates se compose de dizaines de maisons qui abritent bars, commerces et autres habitations. À l’étage des bâtisses, on trouve des lits, et divers tableaux. En explorant chaque maison, nous sommes tombés sur une chambre dans laquelle des ivrognes dorment à même le sol ; une autre où de nombreux chiens (dont un corgi !) courent dans tous les sens ; un étage où deux marins jouent à Hearthstone ; ou encore une cave où un pentagramme est dessiné au sol. Des détails cachés, que seule une infime partie des millions de joueurs verront, mais qui font de World of Warcraft un jeu à part.
Qui peut expliquer l’absence de lits ?
Quelle ne fut donc pas notre surprise, lorsqu’arrivés à Oribos, la capitale centrale de l’Ombreterre, nous n’avons trouvé aucun lit. Tout au plus, la ville de l’autre monde propose un banc en pierre pour s’assoir devant une scène de concert type jazz-lounge-ascendant-musique-d’ascenseur, et des tapis où circulent les clients d’un bar. Une évidence pointait à l’horizon et a été confirmée à mesure que nous découvrions le contenu de la nouvelle extension : quelle que soit la zone, du froid Bastion au château de Revendreth, l’Ombreterre n’a pas prévu de couchage.
Impossible que ce détail relève de la coïncidence. Les développeurs auraient-ils vraiment supprimé tous les supports sur lesquels nos personnages pourraient dormir ? Journalistes avant d’être joueurs, nous avons bien sûr demandé aux équipes de Blizzard s’il y avait une raison à cet « oubli », mais nous n’avons pas reçu de réponse. Nous nous sommes donc tournés vers les forums de joueurs, et notamment Reddit. Après tout, peut-être avons-nous manqué une ligne de dialogue ou une référence cachée qui explique cette étrangeté.
La réponse unanime des fans du jeu est presque décevante : les morts ne dorment pas, pourquoi auraient-ils des lits ? Il est vrai que dans l’histoire du jeu, l’incursion des personnages joueurs mortels dans le royaume des morts fait figure d’exception. Les personnages non joueurs des zones insistent sur ce point, et nous attribuent même un titre pour marquer cette différence.
Ce serait donc la seule explication ? Les développeurs ont pensé à retirer tous les lits, mais ne feraient aucune allusion au mal de dos et aux mauvaises nuits des personnages joueurs ? En attendant de lever le mystère, nous n’avons pas, de notre côté, trouvé de remplaçante à cette belle tradition.
Et depuis mi-novembre nos personnages ne dorment pas dans de bonnes conditions. Merci 2020.
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