Si vous ouvrez Netflix et que vous cliquez sur la série Love, Death + Robots, l’algorithme lancera automatiquement un épisode parmi les 18 courts-métrages que compte la première saison de cette série animée. Mais cet épisode ne sera pas forcément le même que celui de votre voisin, votre partenaire ou votre collègue de bureau.
Pour la première fois, la plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) a testé l’affichage d’épisodes d’une série dans un ordre différent en fonction des profils des utilisateurs. Netflix l’a confirmé dans un tweet : il existe quatre ordres différents d’épisodes.

L'ordre des épisodes "Love, Death and Robots" sur notre compte Netflix
Source : Numerama
Une sélection en fonction de vos pratiques de visionnage
« La version que vous voyez n’a rien à voir avec votre genre, ethnie ou orientation sexuelle — ce sont d’ailleurs des informations que nous n’avons pas » a toutefois insisté la multinationale aux 139 millions d’abonnés payants. C’est la question qu’avait pourtant soulevée Lukas Thoms, un militant américain pour les droits des personnes LGBT+, le 19 mars dernier.
Ce dernier a remarqué que l’ordre des épisodes de Love, Death + Robots était différent sur son profil (celui d’un homme gay) que sur les profils de son ami hétérosexuel. Il en a déduit, un peu hâtivement, que l’ordre avait été choisi en fonction de son orientation sexuelle — car le premier épisode qu’il avait, intitulé l’Avantage de Sonnie, contient une relation lesbienne.
Or Netflix s’est toujours défendu de classer ses abonnés selon des caractéristiques telles que leur genre, leur couleur de peau, religion ou orientation sexuelle. En revanche, la plateforme sait tout des pratiques de consommation de ses abonnés. Par exemple, si vous avez binge-watché l’intégralité de la catégorie « drames LGBT », l’algorithme aura compris que vous vous intéressez particulièrement à ces sujets. Et donc sera susceptible de mettre en avant un contenu plus qu’un autre.
We've never had a show like Love, Death & Robots before so we're trying something completely new: presenting four different episode orders. The version you're shown has nothing to do with gender, ethnicity, or sexual identity — info we don't even have in the first place.
— Netflix US (@netflix) March 19, 2019
Il convient de souligner qu’après avoir discuté avec une source proche de Netflix, Lukas Thoms a confirmé que Netflix aurait simplement eu recours à des tests aléatoires, même pas basés sur les pratiques de consommation des spectateurs et spectatrices.
A final update: a friend I trust at Netflix looked into this, and apparently the episode ordering is just a 100% random A/B test that doesn't involve any ML. Identity-based recommendations are still a good discussion to have, in this case it was just random!
— Lukas Thoms (@LukasThoms) March 19, 2019
Ce n’est pas la première fois que Netflix est accusé de ce genre de dérives. En octobre 2018, des utilisateurs noirs (qui regardaient des contenus avec des personnes noires) avaient remarqué que les vignettes des films et séries choisies par l’IA de la plateforme mettaient souvent en avant des personnages noirs, même si ceux-ci n’occupaient qu’un rôle minime dans l’œuvre en question. Certains avaient reproché à Netflix cette fonctionnalité de les induire en erreur sur l’intrigue réelle du film ou de la série en question.
Une expérience différente pour chaque utilisateur ?
Nous avons fait le test au sein de la rédaction de Numerama : nous n’avons pas tous eu le même ordre d’épisodes de Love, Death + Robots. Sur la forme, cette pratique peut sembler anodine car la série est constituée d’épisodes unitaires qui n’ont aucun lien les uns avec les autres (à part peut-être dans la redondance des scènes de violence et de sexe gratuites). Mais sur le fond, cette pratique pose des questions sur la manière dont les spectateurs appréhendent les œuvres.
Une série comme Black Mirror, par exemple, est aussi constituée d’épisodes qui ne sont pas reliés entre eux, et pourtant ses créateurs les ont agencés dans un ordre bien précis. Il s’agit d’une décision artistique qui a peut-être un sens pour les artistes qui en sont à l’origine. Or elle serait vidée de son intérêt si Netflix les agençaient simplement de la manière qui plaira le plus à ses abonnés… Reste à voir si la saison 5 de Black Mirror sera concernée par ces tests.
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