La nouvelle compilation hebdomadaire des dérives de la propriété intellectuelle est là, toujours préparée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, spécialistes de la question du copyright.

Cette semaine, le Copyright Madness revient une entreprise qui pense qu’un mot anglais lui appartient, tandis qu’une autre revendique un droit de propriété sur le mot tuteur. Et enfin, Foxconn a l’air de se ficher de Microsoft. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Charité. L’an dernier, l’auteur et académicien Erik Orsenna a été chargé par le gouvernement de faire un tour de France des bibliothèques afin de réaliser un état des lieux des établissements de lecture publique et de produire une note visant à aider Matignon dans l’élaboration d’un programme d’accompagnement en faveur des bibliothèques. Le rapport issu de ce road trip a longtemps été attendu, notamment par les professionnels du secteur et soulevait des interrogations. Qui finance les vacances d’Erik ? Le ministère de la Culture a assuré que les frais de cette mission étaient largement assurés par l’éditeur de l’auteur, car celui-ci en profitait pour faire la promotion de son dernier ouvrage pendant sa tournée des bibliothèques. De rebondissement en rebondissement, on apprend que ce rapport, qui est une commande politique, va être publié par son éditeur et commercialisé au prix de 14 euros. Mais comme le rapport a été rédigé grâce aux entretiens réalisés avec des associations de professionnels des bibliothécaires, ces derniers vont recevoir un  « don qui correspondra à l’intégralité de l’échelle des droits des auteurs ». Mais, et c’est là que la magie opère, on ne sait pas à quelle association le don sera accordé. Le droit d’auteur, c’est à géométrie variable…

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Une bibliothèque. // Source : Draelab

Embouteillage. Aux États-Unis, les auteurs qui veulent protéger leurs oeuvres doivent faire enregistrer leurs créations auprès du Bureau américain des droits d’auteur contrairement à la France où la mise en forme suffit à protéger une œuvre à condition qu’elle soit originale et porte l’empreinte de son auteur. Seulement, certains futurs titulaires de droits avaient la gâchette facile et n’hésitaient pas à attaquer pour violation de copyright avant même que le Bureau n’ait validé l’enregistrement. La conséquence de cette situation produit des dérives car des demandes infondées sont déposées en justice pour obtenir réparation. Pour tenter de limiter les procédures abusives, la Cour suprême américaine a pris la décision de ne plus autoriser les actions en justice en cas de violation tant que l’enregistrement n’ait pas finalisé. Évidemment cela va provoquer un ralentissement et un traitement plus long des affaires. Mais avec un peu de chance, cela réduira les actions en justice totalement délirantes.

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La Cour suprême.

Source : Visual Hunt

Trademark Madness

Cancre. En matière de propriété intellectuelle, il y a les bons élèves et les mauvais élèves. Le site de cours en ligne TutorABC fait partie de la seconde catégorie. On apprend que cette entreprise taïwanaise a réussi à faire enregistrer la marque Tutor auprès du Bureau taïwanais de la propriété intellectuelle, qui lui a accordé des droits exclusifs sur le mot « tutor ». Autrement dit, un terme générique fréquemment employé dans le cadre de l’enseignement. Grâce à ce privilège, TutorABC est allé à la chasse contre toutes les écoles qui utilisent le terme tutor ». La pêche a été fructueuse car 16 écoles anglaises se retrouvent poursuivies en justice par TutorABC pour avoir commis cet acte de contrefaçon ignoble. Fort heureusement, les écoles inquiétées semblent ne pas se laisser faire et ont organisé une conférence de presse pour dénoncer ce racket qui repose sur l’appropriation abusive d’un mot courant. TutorABC a réagi en expliquant que ce coup médiatique était insupportable et que ce n’est qu’une stratégie pour influencer la justice.

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Une salle de classe.

Source : Alan Levine

Développement durable. L’entreprise australienne Telstra est spécialisée dans la téléphonie fixe et mobile, ainsi que dans les réseaux de communications. En 2013, elle a lancé sa filiale Belong qui propose des offres haut débit à prix discount. La filiale prospère et compte de plus en plus d’abonnés. Tout va pour le mieux pour cette société jusqu’au jour où apparaît l’entreprise BelongEnergy. Cette dernière n’est pas dans le secteur des télécoms mais dans celui de l’énergie solaire. Autrement dit deux secteurs qui ne sont pas en concurrence. Mais Telstra ne tolère pas qu’une autre entreprise puisse utiliser le mot « belong ». Elle a donc intenté une action en justice contre BelongEnergy pour contrefaçon. Encore une fois, on assiste à une tentative d’appropriation abusive d’un mot courant et c’est d’autant plus consternant quand on traduit le mot « belong ». Les mots appartiennent à tous !

Carl Attard

Des panneaux solaires. // Source : Carl Attard

Patent Madness

Bon sens. Foxconn est célèbre pour être l’entreprise qui fabrique les iPhone d’Apple. L’entreprise travaille également avec d’autres géants de l’informatique, comme Microsoft. Or, la firme américaine est en colère contre FIH Mobile, une filiale de Foxconn. Celle-ci utilise des technologies brevetées par Microsoft dans les produits qu’elle commercialise mais sans avoir obtenu de licence pour les réutiliser. Une plainte a été déposée. Foxconn rejette cette accusation, car il n’est pas nécessaire de payer une nouvelle redevance à partir du moment où elle est déjà sous contrat avec Microsoft. Quelque part, c’est assez logique comme raisonnement, mais Microsoft a le sentiment d’être pris pour un pigeon…

Un campus de Microsoft // Source : Microsoft

Un campus de Microsoft

Source : Microsoft

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à celles et ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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