Just Cause 4 capitalise un peu trop sur les acquis de la franchise pour se muer en autre chose qu’un jeu où l’on se dépense sans trop réfléchir.

Trois ans et des poussières après Just Cause 3, Square Enix veut mettre des Just Cause 4 sous un maximum de sapins de Noël. À la manette, on retrouve toujours le studio Avalanche, lequel s’attache à conserver sa formule : proposer un vaste terrain de jeu avec un scénario timbre-poste prétexte à un défouloir sans queue ni tête.

Cette suite s’éloigne-t-elle un minimum de ces carcans pour faire plus que son prédécesseur ? Hélas non. Et on lui trouvera difficilement des circonstances atténuantes au regard de ce dont est capable la concurrence.

La dictature, c’est moche

La première impression est toujours importante. Et graphiquement, le jeu édité par Square Enix fait parfois peine à voir, en ce qu’il trahit très vite son manque de moyens. Les cinématiques sont compressées comme jamais, les textures bavent à outrance, les artifices permettant l’affichage en 4K se voient à des kilomètres (il suffit de regarder les feuillages), les bugs s’accumulent, le moteur physique ne suit pas toujours… Bref, Just Cause 4 n’invite jamais à l’extase visuelle et c’est à se demander s’il n’aurait pas mieux valu revoir les ambitions à la baisse pour proposer un rendu plus digeste. D’autant que le HDR ne fait pas honneur aux couleurs, déjà suffisamment saturées.

Fort heureusement, Just Cause 4 compense ces gros défauts par une belle diversité dans les paysages traversés. L’île de Solis, située dans l’Amérique du sud, regorge d’environnements tantôt paradisiaques, tantôt urbains, avec un beau travail sur la topologie pour offrir de la verticalité aux multiples déplacements (sur terre, dans les airs ou en mer). On aurait simplement aimé que les panoramas soient plus agréables à regarder pour prendre le temps de respirer dans un jeu où tout va très, très vite.

Just Cause 4 // Source : Square Enix

Just Cause 4

Source : Square Enix

Un scénario risible

On ne retiendra pas grand-chose de l’intrigue de Just Cause 4. Si ce point n’a jamais été très important aux yeux d’Avalanche, les scénaristes n’ont guère été plus inspirés pour ce quatrième épisode. Grosso modo, on incarne toujours Rico Rodriguez, alias l’homme qui passe son temps à renverser des dictatures. Ici, le méchant assoit sa tyrannie en contrôlant des effets météorologiques, sur fond de liens avec son paternel, lui-même chargé d’organiser la Résistance en détruisant tout sur son passage (c’est bien connu, autant combattre la violence par la violence).

Un contenu très générique

Cette histoire qui tient sur un post-it n’est pas vraiment aidée par la narration, qui navigue entre le sérieux des dialogues et le décalé des situations. Au moins accouche-t-elle d’une expérience articulée autour de régions à libérer pour faire avancer le front alimenté par des soldats qui osent le fluo pour combattre la Main Noire (beau symbole). Le schéma est toujours le même : on investit un lieu clé pour remplir une mission jusqu’à débloquer des opérations de grande envergure.

L’autre gros problème de Just Cause 4 tient justement dans les objectifs en eux-mêmes. Passée la découverte, on se rend vite compte qu’ils ne font que se répéter jusqu’à sonner creux. Sans inventivité, Avalanche se contente de faire tourner les tâches principales d’une zone à l’autre, ce qui n’aide pas à offrir une identité à un univers qui partait déjà avec un sérieux handicap identitaire. Et ce ne sont pas les quêtes annexes qui viendront sauver la mise : là encore, le contenu est très générique.

Just Cause 4 // Source : Square Enix

Just Cause 4

Source : Square Enix

L’anti-RDR 2

Du côté du gameplay, en revanche, Just Cause 4 tire clairement son épingle du jeu, au point qu’on pourrait l’ériger au statut d’anti-Red Dead Redemption 2. Si l’on ferme les yeux sur les graphismes et que l’on oublie que le titre n’a rien à raconter, alors il y a matière à s’amuser quelques heures sur l’île sud-américaine. Pour ce faire, les développeurs mettent à disposition des joueurs tout une palanquée d’outils à même de semer le chaos. À commencer par un grappin qui ne sert pas qu’à se déplacer très rapidement une fois associé au parachute et à la wingsuit (tant mieux, la conduite des véhicules est chaotique — surtout les avions)…

En effet, le grappin en question est un véritable engin infernal. Par rapport à Just Cause 3, Avalanche a peaufiné ses possibilités. On peut ainsi naviguer à volée entre trois configurations personnalisables en fonction de son imagination et de ce que l’on a pris soin de débloquer. Pêle-mêle, il est possible d’attacher des ballons à un véhicule pour qu’il s’envole, de flanquer des propulseurs à tout et n’importe quoi ou tout simplement faire s’écraser un hélicoptère en l’attachant au sol. Le potentiel YouTube de Just Cause 4 est infini et l’arsenal, varié et évolutif, apparaît comme une aubaine pour les plus créatifs des joueurs.

Un gameplay gâché par une forme négligée.

Toutefois, il apparaît dommage de limiter les opportunités de destruction à une poignée d’éléments. La règle est la même que dans Just Cause 3 : à quelques exceptions près, s’il n’est pas de couleur rouge, l’édifice restera intact même en vidant un chargeur entier de lance-roquette sur lui. Ce paradoxe vaut aussi pour la quasi-invulnérabilité de Rico, qui pourra encaisser un nombre incalculable de balles ou d’explosion avant de passer l’arme à gauche. À tel point qu’il est tout à fait envisageable de foncer vers un objectif (exemple : allumer un interrupteur) sans se soucier de l’armée qui veut nous en empêcher. Pour le challenge, on repassera.

Au fond, la seule qualité de Just Cause 4 réside dans sa propension à accoucher d’une expérience bac-à-sable, où certains s’amuseront à trouver des moyens zinzins pour détruire ce qu’ils sont autorisés à détruire, et pour tuer ce qu’ils sont autorisés à tuer. Il ne faut pas chercher un autre intérêt au jeu, qui se résume en ce gameplay gâché par une forme négligée.

Just Cause 4 est disponible sur PlayStation 4, Xbox One et PC.

Le verdict

Just Cause 4 est le symbole d’une licence qui refuse la remise en question, par peur de perdre son essence et son public. À l’arrivée, il n’est rien de plus qu’une pâle évolution de Just Cause 3, sans ajout réellement majeur pour justifier de changer de point de vue. 

Autrement dit, les adeptes de défouloirs foutraques sans queue ni tête auront bien quelques heures à perdre dans ce nouveau terrain de jeu qui ne permet pas tout non plus. Il leur faudra quand même fermer les yeux sur des qualités techniques d’un autre âge. Just Cause 4, ou la dictature des acquis. 


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