8 candidats, 8 étages, et des sommes d’argent qui ne cessent d’augmenter à mesure que les heures défilent : bienvenue dans The 8 Show, le nouveau drama coréen disponible sur Netflix. Déjà en tête du top 10 de la plateforme, la série s’est imposée comme une expérience anti-capitaliste aux accents gores, dans les pas de Squid Game.
Dans les deux cas, les joueurs de ces deux drôles d’émissions reçoivent la promesse d’une immense fortune, seulement à certaines conditions. Mais au-delà d’un postulat de départ proche, ces deux œuvres coréennes se ressemblent-elles vraiment ?
Attention : spoilers à venir sur la saison 1 de The 8 Show.
Des escaliers familiers
Des anonymes criblés de dettes participent à un jeu d’argent pour enfin espérer mener une vie meilleure : les protagonistes de The 8 Show et de Squid Game partagent assurément les mêmes doutes et envies, jusqu’aux penchants malsains qui se dévoilent au fur et à mesure des épisodes. Un costume est également fourni à ces candidats, désormais désignés par des numéros : entièrement blanc pour le premier ou survêtement vert pour le second.
Et lorsqu’ils découvrent les « plateaux » de leurs télé-réalités respectives, ils font face à des jeux pour enfants, mais surtout à des escaliers presque infinis. Entre les marches aux couleurs pastels de Squid Game et l’ascension vertigineuse à travers les différents étages de The 8 Show, il n’y a en effet qu’un pas.
Deux jeux, deux salles, deux ambiances
Mais la comparaison entre les deux dramas coréens disponibles sur Netflix s’arrête presque ici. D’abord, il faut rappeler que Squid Game bénéficie d’un scénario original, tandis que The 8 Show est l’adaptation d’un webtoon très populaire en Corée : Money Game. La question de la simple copie ne se pose donc pas et aucune série n’a plagié l’autre.
Dès son premier épisode, The 8 Show prend également une tournure très différente de son aînée : l’introduction nous immerge dans un format carré façon film muet, avec des dialogues qui s’affichent à l’écran. Contrairement à Squid Game, l’ambiance est ici presque légère, constamment burlesque. Une esthétique singulière, qui n’est pas sans rappeler l’originalité parfois déroutante des dystopies de Black Mirror.
Dans The 8 Show, les règles du jeu sont également drastiquement différentes de celles de Squid Game, jeu de massacre façon Battle Royale, annoncé dès le début. Ici, pas question de mourir : si l’un des candidats passe l’arme à gauche, la télé-réalité prend immédiatement fin. Les participants sont même incités à « veiller à la sécurité de tous ». Cela n’empêchera évidemment pas des candidats comme 6ème et 8ème étage de torturer jusqu’au bout leurs coéquipiers, sans jamais les faire trépasser.
Les pauvres vs le capitalisme
Si Squid Game promet la richesse éternelle à l’âme chanceuse du gagnant, The 8 Show propose un fonctionnement plus vicieux. Les 8 candidats ont ainsi tous accès à une somme d’argent qui augmente à chaque minute, à une chambre et à un étage bien à eux, ainsi qu’à de la nourriture gratuite. Pour tout le reste, comme des toilettes ou un lit, il faudra dépenser un prix exorbitant.
Si les participants ont d’abord l’illusion d’être dans le même bateau, ils réalisent bien vite qu’une hiérarchie a été mise en place par le hasard : 8ème étage bénéficie ainsi d’une pièce largement plus grande et, surtout, d’une fortune qui grimpe bien plus vite que celle des paliers inférieurs. Elle est également la première à recevoir l’intégralité des repas, détenant le pouvoir sur cet aspect vital, et décidant à sa guise d’en faire profiter les autres, ou non.
The 8 Show prend ainsi l’expression « le temps, c’est de l’argent » au pied de la lettre, en y ajoutant une bonne dose d’inégalité à la manière du film La Plateforme, dans lequel une dalle transporte de la nourriture d’étage en étage, en favorisant les premiers servis. Dans cette télé-réalité où tout semble factice, y compris la piscine de la place centrale du jeu, les inégalités sociales du monde réel capitaliste, elles, sont bien concrètes et reproduites à l’extrême.
Et là encore, une différence de taille s’impose avec Squid Game, dans laquelle les ultra riches étaient clairement identifiés comme les créateurs et les consommateurs de cette télé-réalité macabre : dans The 8 Show, les joueurs (et les spectateurs de la série) ne sauront jamais qui regarde et finance leurs aventures. Ils vont alors rapidement comprendre que l’enfer, c’est évidemment le capitalisme, mais surtout les autres.
Le divertissement, c’est de l’argent
Il faut l’avouer : on commence les premiers épisodes de The 8 Show avec un optimisme naïf. Dans un premier temps, les 8 candidats collaborent ainsi entre eux, décidant de se répartir les tâches dans une sorte de mini-société égalitaire. Leur objectif : faire grimper le compteur du temps, qui gagne de précieuses heures à chaque fois que les joueurs proposent du contenu divertissant. Et comme le temps, c’est de l’argent, il faut évidemment que ce décompte dure le plus longtemps possible.
Dans l’épisode 3, on assiste ainsi à une mise en abyme des discussions qui pourraient avoir lieu à… Netflix. Comment divertir un public et capter son attention ? Chaque protagoniste doit-il faire preuve d’un talent particulier pour prouver sa valeur au reste du monde ? Des questionnements clés dans un système capitaliste où le temps de cerveau disponible se transforme en pactole et où le développement personnel est roi.
« Ici, je ne me considère pas humaine »
Mais dès l’épisode 4, les 8 personnages de la série opèrent un glissement progressif vers la violence. Dans Squid Game, les sinistres jeux étaient prédéfinis, et des soldats roses guidaient les participants vers leur victoire sanglante. The 8 Show prend un autre virage : laisser les candidats se déchirer entre eux, sans aucune intervention extérieure.
Dans l’épisode 7, le personnage de 4ème étage déclare ainsi : « Ici, je ne me considère pas humaine, je suis juste une joueuse. Un être humain doit avoir de l’humanité, mais un joueur doit juste bien jouer. » On assiste alors à une sorte de cirque glauque, à une expérience sociale à la manière de celle de Milgram, qui cherchait à déterminer à quel point l’humain pouvait commettre des actes moralement condamnables, en obéissant à des ordres précis, dans les années 1960.
Sauf qu’ici, les consignes n’existent pas. Rapidement, les paliers supérieurs, et particulièrement 6ème et 8ème étage, montrent leur vrai visage et utilisent à son maximum cet espace sans aucune limite. À partir de l’épisode 5, la série utilise alors le gore, à ses curseurs maximums, pour faire passer son message (âmes sensibles, s’abstenir). On regrette que The 8 Show ait pris ce tournant un brin gratuit, d’autant que l’on comprenait très bien l’inhumanité du capitalisme avant de voir des effusions de sang envahir notre écran.
Aller plus haut
Mais les questionnements du drama coréen n’en perdent pas moins en puissance. Si l’on ne connaît pas leur identité, les créateurs et les spectateurs de la télé-réalité possèdent manifestement un goût pour la torture psychologique ou physique, en ajoutant toujours plus d’heures au compteur, à mesure que les candidats font l’objet d’expériences inhumaines de la part de 8ème étage. Un point commun avec Squid Game, malgré un propos politique légèrement différent. Là où la première critiquait ouvertement les ultra-riches, The 8 Show, elle, s’intéresse davantage à l’organisation d’une civilisation et aux instants où tout dérape.
À travers le bouleversant personnage de 1er étage, qui offre un ultime numéro d’équilibriste tragique dans le dernier épisode de la saison, la série pointe du doigt une illusion essentielle au bon fonctionnement du capitalisme : l’espoir de s’élever « plus haut » dans la société. Chacun à leur façon, les 8 candidats de la télé-réalité nourrissaient ainsi cette envie de ne plus être un paria aux yeux des autres.
Au-delà des sommes d’argents vertigineuses à gagner, c’est bien la perspective de changer de statut social, pour accéder à une classe supérieure, qui motive les personnages de la série. Et The 8 Show prend un malin plaisir à leur rappeler, et à nous aussi, que malgré tous les efforts du monde, le capitalisme gagnera toujours, comme l’a d’ailleurs prouvé l’existence de Squid Game : Le Défi. Vous reprendrez bien une dose de pessimisme ?
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !