Le temps semble s’écouler avec douceur ici. Léchés par des vagues turquoises, les pilotis d’un petit village de pêcheurs vibrent des va-et-vient légers d’habitants souriants, au milieu desquels se faufilent la jeune Lana et sa grande sœur. Leur rire est emporté par une brise rassurante dans laquelle s’entremêlent le murmure de la houle et le chant des mouettes, tandis qu’elles s’enfoncent peu à peu dans les terres, au cœur d’une forêt lumineuse jusqu’à atteindre une petite clairière surplombant un panorama à couper le souffle.
Les premières minutes de Planet of Lana ont un petit goût de bonheur simple, hors du temps, loin de tout souci… Mais voici que l’horizon est soudainement strié de panaches blanchâtres tombés du ciel, dans un vacarme assourdissant et terrifiant. Partout, d’étranges robots aux silhouettes organiques capturent, brûlent, détruisent. Impuissante, Lana voit sa sœur être emportée par l’un d’eux et se retrouve seule, courant à perdre haleine pour tenter de la rattraper, en vain…
Planet of Lana, c’est Limbo version Stabilo ?
Ainsi commence le périple de notre jeune fille, un voyage en scrolling horizontal presque pensé comme un plan séquence (à l’exception de quelques petits temps de chargement) qui va doucement se muer en une authentique épopée. Pour résumer grossièrement, Planet of Lana, c’est Limbo qui aurait regardé en boucle l’intégrale en DVD du studio Ghibli. Le jeu s’inscrit en effet dans la lignée prestigieuse des cinematic platformers contemporains et lance Lana dans un mélange de puzzles, de plateformes (mais assez peu, au final), d’exploration et de contemplation souvent mystérieuse. Sans oublier les morts cruelles à répétition. Comme son modèle noir et blanc de chez Playdead, Planet of Lana repose beaucoup sur une mécanique de die & retry, de petits tâtonnements et de grattages de tête face à des blocs à tirer, des interrupteurs à enclencher, des cordes à débloquer et des ennemis à éviter furtivement.
À vrai dire, pendant le premier tiers de l’aventure, le jeu semble un peu trop sagement réciter une partition déjà jouée par d’autres avant lui, efficacement, mais sans grande fulgurance. La maniabilité de notre héroïne est un peu pataude, le rythme des séquences de jeu manque de naturel… Ça fonctionne, mais on sent un jeu timide qui se repose essentiellement sur sa direction artistique saisissante et une ambiance sonore fabuleuse, que ce soit les bruitages qui nous immergent totalement dans l’action ou les musiques symphoniques de Takeshi Furukawa. Ces dernières sont somptueuses, notamment un passage où la voix de Siobhan Wilson — la plus belle voix du monde — file droit dans notre cœur pour le fendiller en mille morceaux.
L’éclosion tardive
Heureusement, peu à peu, Planet of Lana se libère, se laisse aller, s’épanouit. Tout d’abord, il peut compter sur l’implacable renfort de Mui, une espèce de chat-singe-susuwatari (ces petites boules de suie vues avec Chihiro et Totoro) absolument adorable qui sert d’acolyte à Lana et de fournisseur officiel de « awwww » pendant toute l’aventure. On peut lui donner quelques ordres basiques pour qu’il s’arrête ou nous rejoigne, active tel mécanisme, saute à tel endroit hors d’atteinte. Ainsi s’ouvre tout un tas de nouvelles possibilités dans la résolution des puzzles. Il faudra aussi veiller sur lui et, à notre tour, l’aider dans certaines situations — notre petit bonhomme n’aime pas du tout l’eau, par exemple. À terme, Lana sera également capable de prendre le contrôle de certaines machines et robots. Grâce à ces évolutions, le jeu se trouve pleinement armé pour développer des saynètes bien plus complexes et intéressantes.
La direction artistique fait aussi des siennes pour créer des scènes étourdissantes, des moments en suspens qui font frissonner et provoquent un léger entrebâillement de la bouche. Quelques petites séquences d’action haletantes viennent par ailleurs secouer le rythme de notre voyage pour lui insuffler une vivacité inattendue. Planet of Lana finit ainsi par dévoiler toute une palette de moments mémorables et d’outils qui lui servent à bâtir des scènes plus variées et intenses qu’on n’osait l’espérer au départ de notre voyage.
Il s’y met peut-être un peu tard, surtout pour une aventure qui n’excède pas la demi-douzaine d’heures en ligne droite. Ça peut sembler court, mais c’est globalement dans la norme pour le genre et ça permet surtout de trancher par rapport à des jeux en monde ouvert qui focalise toute l’attention (n’est-ce pas The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom ?). Pour un premier jeu, le studio suédois Wishfully dévoile en tout cas un savoir-faire épatant que l’on a hâte de voir s’exprimer à nouveau, cette fois en lâchant prise dès le début pour casser plus franchement les codes d’un genre qui n’attend que cela.
Le verdict
Planet of Lana
Voir la ficheOn a aimé
- L’imparable charme de la direction artistique
- Une bande-son magnifique
- De belles idées et quelques surprises
On a moins aimé
- Petit manque de souplesse dans les mouvements
- Gameplay pas très original
- Réveil un peu tardif
Planet of Lana peut faire un peu peur. Bien qu’efficace, il semblait marcher trop sagement dans les pas de Limbo en comptant sur sa direction artistique flamboyante et une petite dose de mignonnerie pour l’emporter. Heureusement, le jeu s’ouvre au fil des heures pour laisser parler sa créativité et se livre enfin pleinement en dévoilant des séquences tantôt paisibles et poétiques, tantôt nerveuses et complexes. Il sait ainsi graver quelques instants mémorables dans nos cœurs et y laisser le doux souvenir d’un voyage dans un pays des merveilles recélant bien des surprises.
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