Beaucoup de fans de jeux vidéo nés dans les années 70 ou 80 sont forcément tombés amoureux de Doom, jeu de tir sorti en 1993 qui a révolutionné le genre et engendré nombre d’héritiers. Pendant longtemps, on a appelé les FPS des doom-like, en référence à l’un des pères fondateurs (c’est plus facile à dire que wolfenstein-like, l’autre ancêtre). Il n’est donc pas étonnant de voir débarquer, encore aujourd’hui, des jeux qui s’inspirent de l’œuvre culte de id Software. Prodeus en fait partie.
Comme tant d’autres, Prodeus est passé par une période d’accès anticipé pour peaufiner son contenu et être commercialisé dans la forme la plus décente qui soit. Disponible depuis septembre 2022 dans sa version finale (on le trouve aussi dans le Xbox Game Pass, au besoin), ce fast-FPS parvient à assumer sa proposition d’hommage pur et dur, sans tomber dans le pastiche hors sujet. Attention, il faut sans doute avoir joué aux premiers Doom pour que la magie opère. Ce qui revient à dire : être un peu âgé.
Du plaisir (très) coupable pour qui adore Doom
Être un hommage à Doom revient à respecter des codes qui continuent de fasciner, encore et encore. Ce n’est pas pour rien que des passionnés rivalisent d’ingéniosité pour l’installer sur de multiples appareils, accouchant de projets toujours plus improbables, voire loufoques (Doom sur une brique Lego, Doom sur un test de grossesse). Prodeus reprend logiquement plusieurs ingrédients à son compte : des niveaux un tantinet labyrinthiques, un casting varié d’ennemis, une ambiance à la frontière entre le gothique et l’horreur et, en chef de file, un feeling des armes grisant. Il y a même une visualisation du visage dans l’interface, et il change en fonction des dégâts reçus.
On soulignera d’abord le fait que les développeurs ont soigné la forme, en témoigne le travail colossal sur les animations. Prodeus se permet de mélanger des textures d’un autre temps avec des éléments plus modernes. Quand le héros recharge son arme, le découpage des mouvements est ciselé, ce qui renforce l’immersion. Sous ses airs de relique d’un autre temps, Prodeus sait ne pas tomber dans le trop vieillot. Ce constat est renforcé par des effets visuels — explosion, hémoglobine, particules — du plus bel effet. Le rendu est volontairement pixelisé, ce qui donne un cachet indéniable (dans les paramètres, on peut choisir de jouer avec une définition inférieure, pour s’y croire encore plus).
Si on peut mettre en avant le profond respect de Prodeus envers Doom, ce choix a quand même une incidence sur l’identité de l’univers. Il apparaît un peu trop générique car ressemblant à Doom — un piège que n’a pas su éviter Bounding Box Software. Prodeus aurait sans doute gagné à affirmer un peu plus sa personnalité, en se détachant davantage de son aïeul. C’est particulièrement vrai pour le bestiaire.
On croise finalement un peu trop les mêmes monstres, alors qu’il y a certainement matière à être plus inventif. Sur ce point, Prodeus n’est pas aidé non plus par son scénario risible, à peine matérialisé par quelques lignes de texte. Cette narration trop en retrait a forcément une incidence sur la direction globale. C’est le problème de l’hommage, et cette tendance à trop se raccrocher à des branches connues d’avance.
Vous vous souvenez quand il fallait être patient ?
Heureusement que Prodeus se rattrape par son gameplay hyper bien calibré, certes volontairement limité (par l’échelle des vieux FPS). On prend beaucoup de plaisir à annihiler tout ce qui se trouve sur notre chemin, faisant pleuvoir le sang au rythme d’une bande son énervée quand c’est nécessaire. On se prend forcément un petit coup de vieux quand on y joue, se remémorant ces moments d’enfance ou d’adolescence passés sur un PC qui mettait beaucoup de temps à s’allumer. Cette époque un peu insouciante, où on savait encore être patient, où on n’était pas dérangé d’attendre 5 minutes pour jouer à peine deux fois plus. Où on ne crachait pas sa frustration sur Twitter au moindre bug. C’était le bon temps, diront certains. On ne manquera pas de dire aux concernés d’essayer Doom Eternal, un vrai renouveau prouvant que la saga peut encore exister.
Sur le contenu, Prodeus est irréprochable. L’arsenal est classique, mais efficace : un fusil capable d’enflammer ses tirs, un autre à canon scié, un lance-roquette, un lance-grenade, une mitrailleuse gatling… Les moyens pour déchiqueter, littéralement, les adversaires ne manquent pas. Toutes les armes sont équipées d’un tir secondaire pour gagner en efficacité, sachant qu’on peut en acheter des nouvelles en passant par des boutiques. Une aubaine pour parsemer les dizaines de niveaux de petites salles secrètes à trouver — comme c’était déjà le cas dans Doom –, remplies d’une ressource servant de monnaie virtuelle. Sur la structure, Prodeus se distingue par un échiquier reliant les différents chapitres, entre autres défis annexes.
Outre la campagne principale qui nous fait voyager entre plusieurs dimensions et les multiples niveaux de difficulté (attention, les dernières missions sont corsées), Prodeus se paie le luxe de proposer plusieurs modes en ligne — toujours avec le classicisme pour philosophie. Mieux, il laisse à la communauté la liberté de concevoir des niveaux, au moyen d’un éditeur qui plaira aux plus créatifs. De A à Z, on sent que Bounding Box Software entretient l’amour du travail bien fait. La proposition ne parlera pas à tout le monde, certes, mais les férus de Doom ne pourront pas y rester insensibles.
Le verdict
Prodeus
Voir la ficheOn a aimé
- Visuellement, le mix vieux/moderne est top
- Le feeling des armes
- Contenu à la hauteur
On a moins aimé
- Il faut aimer les vieux Doom
- Aucun effort sur la narration
- Manque un peu d’identité
Prodeus est une madeleine de Proust, avec une saveur qui rappelle, comme prévu, les premiers épisodes de Doom. Il y a nécessairement une barrière à l’entrée : sans affect pour les FPS cultes de id Software, on n’est pas certain que la proposition vous parlera. Mais si vous avez passé votre enfance ou votre adolescence à tuer des ennemis sans trop réfléchir, alors cet hommage vaut le détour.
C’est d’autant plus vrai que les développeurs ont soigné la forme, avec un rendu mélangeant le vieux et le moderne. Le cachet est indéniable, le feeling est idéal et le contenu est vraiment appréciable. Il s’en remet un peu trop à ses acquis parfois, mais il fera dire aux plus nostalgiques : c’était quand même mieux avant.
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