Le gouvernement annonce que la vente en ligne des produits à base de nicotine, qui servent au traitement de la dépendance tabagique, est suspendue. La presse a évoqué de possibles effets bénéfiques de la nicotine dans la lutte contre le coronavirus.

Vous l’avez peut-être appris en lisant la presse : la nicotine jouerait un rôle protecteur face au virus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19. Selon les observations sur le terrain, les fumeurs sont peu représentés parmi les malades. Une constatation qui a été faite aussi en France. En l’espèce, la nicotine influerait un récepteur cellulaire, ACE2, de sorte qu’il serait moins accessible au virus — c’est en effet sur ce récepteur que le SARS-CoV-2 s’accroche pour infecter les cellules.

Ces constats restent toutefois très fragiles, faute de données assez nombreuses, et surtout à manier avec précaution. D’abord, parce qu’il faut rappeler que le tabac tue, et il tue bien plus que le coronavirus, et ensuite parce qu’il faut se garder d’engendrer un nouveau phénomène médiatique semblable à celui de la chloroquine, avec un débat qui a quitté le terrain de la science pour se placer sur celui de l’opinion.

Ce sont dans ces circonstances que le gouvernement a décidé de publier un nouvel arrêté au Journal officiel, le 24 avril, pour suspendre la vente en ligne des spécialités contenant de la nicotine et utilisées dans le traitement de la dépendance tabagique. Ces produits restent toutefois disponibles dans les pharmacies, mais avec une limitation d’un achat équivalent à un traitement d’un mois pour une personne.

Sur quelques sites de vente pharmaceutique que nous avons consultés ce 24 avril, de nombreux stocks des patchs de nicotine étaient en effet marqués comme « indisponibles » ou « épuisés ». D’autres étaient toutefois encore accessibles.

Capture d'écran d'un site de vente de patchs

Capture d'écran d'un site de vente de patchs

« Prévenir les risques sanitaires liés à une consommation excessive »

L’arrêté ne détaille pas la nature des spécialités nicotiniques, mais cela couvre entre autres les patchs à coller sur la peau, les chewing-gums, les inhalateurs ou encore les pastilles et les comprimés à ingérer ou à suçoter. Le cas des cigarettes électroniques est a priori hors champ, dans la mesure où la vente de ces appareils est plus souple, avec notamment des sites et des magasins spécialisés.

Dans son exposé des motifs, le gouvernement explique qu’il s’agit de « prévenir les risques sanitaires liés à une consommation excessive », mais aussi d’éviter « un mésusage lié à la médiatisation d’une éventuelle action protectrice de la nicotine contre le covid-19 ». De plus, il s’agit de ne pas provoquer de ruptures d’approvisionnement au détriment des personnes en cours de sevrage tabagique.

La médiatisation de cette piste médicale risquerait de provoquer une frénésie d’achat irraisonnée — on l’a bien vu avec du papier toilette –, en ignorant des contre-indications éventuelles, sa situation médicale la posologie. Des dérives ont pu être constatées avec la chloroquine et l’hydroxychloroquine, avec des décès potentiels liés à de l’automédication. Pas question, donc, de reproduire ce scénario.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement prend un arrêté de cette nature. En mars, la vente en ligne de certains médicaments (composés de paracétamol, d’ibuprofène et d’acide acétylsalicylique, exclusivement) a été suspendue jusqu’à la fin mai pour « prévenir une consommation excessive ». Là encore, ces spécialités peuvent toujours être achetées en pharmacie.

Concernant les substituts nicotiniques, il sera inutile de tenter de tricher en écumant les officines pour faire le plein : l’arrêté précise que « le nombre de boîtes dispensées est inscrit au dossier pharmaceutique, que le patient ait ou non présenté une ordonnance médicale ». Ce dossier liste les médicaments délivrés au cours des quatre derniers mois. Il s’impose à tous les bénéficiaires de l’assurance maladie.

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