Une ONG a appelé les sites et applications de rencontre à prendre des mesures plus importantes contre les prédateurs sexuels. Cela fait suite au procès d’un violeur en série qui utilisait Tinder.

Les sites et applications de rencontres font-ils suffisamment d’efforts pour combattre les violences sexuelles ? Le National Women’s Council of Ireland (NWCI), une ONG européenne de défense des droits des femmes, estime que non. Quelques heures après le procès d’un violeur qui utilisait Tinder pour rencontrer ses futures victimes, elle a appelé les responsables à « prendre leurs responsabilités », rapportait le Irish Times ce 24 juin. Une sénatrice a elle demandé à ce que les prédateurs soient bannis à vie.

Un procès qui ravive le débat

Le NWCI estime que « les femmes devraient pouvoir utiliser les applications de dating sans avoir à craindre pour leur sécurité ». Selon l’ONG, ce ne serait pas le cas actuellement.

L'employée recevait des messages virulents de son manager. // Source : Woc in tech

L'employée recevait des messages virulents de son manager.

Source : Woc in tech

Sa dirigeante, Orla O’Connor, a expliqué que les victimes avaient tendance à beaucoup se culpabiliser car c’est elles qui avaient choisi de s’inscrire sur une application. La seule responsabilité du crime repose pourtant, rappelle-t-elle, « sur les personnes incriminées et les responsables des applications ».

« Il est globalement difficile de parler d’un viol ou d’une agression sexuelle mais c’est parfois encore plus difficile lorsqu’il faut signaler quelqu’un que l’on a rencontré via une application de rencontre », précise Orla O’Connor.

Lundi 24 juin, un procès lié a eu lieu en Irlande : celui de Patrick Nevin. Il s’agit d’un violeur en série qui a été condamné à 12 ans de prison pour avoir abusé de trois femmes en l’espace de seulement 11 jours. Il les avait toutes rencontrées sur Tinder et avait été arrêté en 2014.

Harcèlement et insultes

Pour le NWCI, il y aurait de nombreux cas qui n’ont pas été médiatisés ou n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires. Les violences sexistes ou sexuelles sur les sites ou applications de rencontres ne sont en effet pas un sujet isolé, même s’il n’existe pas de données précises et récentes qui permettrait de mesurer son ampleur. Selon un rapport publié par le Pew Research Center en 2013, 42 % des femmes fréquentant ce type de plateformes ont été été contactées d’une manière qui les a fait se sentir « mal à l’aise ou harcelées » — contre 17 % pour les utilisateurs masculins.

Des comptes ont été créés sur les réseaux sociaux pour témoigner de ce phénomène inquiétant. C’est le cas de Bye Felipe, créé par l’autrice Alexandra Tweten. Il s’agit d’un recueil numérique de centaines de captures d’écran prises sur des applications de rencontres ou de messagerie. Ici, un homme envoie des avances répétées à une femme, qui explique ne pas être intéressée. Il réplique avec une insulte sexiste, avant de lui demander si elle ne voudrait pas être son amie.

Les cas d’agressions sexuelles et viols sont moins documentés. Noeline Blackwell, une femme à la tête d’un centre dédié aux victimes de violences sexuelles, espère que la parole se libérera à l’avenir. Elle dit recevoir de nombreuses victimes qui ne signalent pas l’incident à la police car elles se sentent « stupides » ou craignent de ne pas être prises au sérieux à cause du fait qu’elles étaient sur un site de rencontre. Pour elle aussi, les applications doivent prendre des mesures supplémentaires.

« Elles parlent toutes des beaux aspects [de la rencontre] mais n’évoquent pas les risques qui peuvent y être associés. Beaucoup de personnes ont des rendez-vous réussis mais ça n’enlève pas la notion de risque », a-t-elle dit.

Des précautions insuffisantes ?

La militante préconise d’abord l’ajout de conseils sur l’application, comme le fait de rappeler qu’un premier rendez-vous dans un lieu public peut être plus sûr en cas de problème. Certaines comme Tinder ont des listes de conseils mais elles ne s’affichent pas directement sur l’application.

La sénatrice irlandaise Catherine Noone a été plus loin en demandant à ce que tous les prédateurs soient bannis à vie des applications de rencontres. Selon elle, cela « tombe sous le sens ». Comme l’a remarqué la journaliste Judith Duportail, autrice d’un livre sur Tinder, « les applications bannissent déjà un certain nombre d’utilisateurs à leur discrétion, comme les [arnaqueurs] ». « [Elles] utilisent des techniques pour les retrouver lorsqu’ils changent de pseudo », précise-t-elle.

Les applications de rencontre ont toutes des outils destinés à signaler des propos ou personnes problématiques, plus ou moins complets ou faciles à trouver. En juillet 2018, Match Group (qui détient Tinder, OkCupid ou encore Match.com) avait annoncé la création d’un comité pour réfléchir à ces questions. Tinder expliquait avoir une « une politique de tolérance zéro » envers les utilisateurs problématiques. Il est simplement écrit dans ses conditions d’utilisation que les violences physiques sont prohibées et que Tinder peut supprimer le compte incriminé. L’utilisateur est alors invité à ne pas recréer de compte, mais il semblerait qu’il n’existe pas de système de reconnaissance d’adresse IP ou autre qui permette de l’en empêcher pour le moment.

Des applications comme la française Once mettent elles en avant des systèmes de notation des hommes (et uniquement des hommes). Meetic lui, a instauré un système de badge pour identifier les hommes « sérieux, gentlemen ». Ces outils sont destinés entre autres à lutter contre les comportements déplacés.


Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !