Le Conseil National du Numérique a prévenu le ministère de l’intérieur que le blocage administratif des sites de propagande terroriste prévu dans le projet de loi anti-Djihad serait « techniquement inefficace », « inadapté », et pas assez protecteur des libertés de chacun.

Son avis sera-t-il entendu par le ministère de l’intérieur ? Le Conseil National du Numérique (CNNUm) a été saisi le 25 juin dernier de l’article 9 du projet de loi anti-terrorisme de Bernard Cazeneuve, qui prévoit de confier à l’administration le pouvoir d’élaborer des listes de sites à bloquer, sans contrôle judiciaire. Présenté par le gouvernement comme une mesure de protection des internautes (sic), ce blocage viserait les sites ayant des contenus qui ont pour effet de « de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire l’apologie de ces actes« . Mais l’avis communiqué mardi par le CNNUm est sans appel.

Le dispositif prévu par le projet de loi est jugé « techniquement inefficace » et « inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste« . Pour le CNNum, il « n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés« .

Ainsi le Conseil National du Numérique, dont l’avis est purement consultatif, ne comprend pas pourquoi le Gouvernement souhaite pouvoir ordonner lui-même aux FAI de bloquer des sites, sans passer par un juge, alors que « de l’avis de plusieurs professionnels de la lutte antiterroriste, ces sites de recrutement sont peu nombreux« , « entre une dizaine et une centaine » seulement, et que « la décision de les bloquer doit être mise en balance avec l’intérêt de les surveiller« .

« Le risque de surcharge des tribunaux parfois évoqué n’est pas caractérisé et il n’apparaît pas raisonnable de créer un dispositif spécifique contournant l’autorité judiciaire au profit de l’autorité administrative« , tranche le CNNum.

Des effets pervers du blocage

De plus, le Conseil met en garde contre les conséquences d’un blocage administratif, qui « présente le risque de pousser les réseaux terroristes à complexifier leurs techniques de clandestinité, en multipliant les couches de cryptage et en s’orientant vers des espaces moins visibles du réseau, renforçant la difficulté du travail des enquêteurs« . C’était ce qu’avait rappelé Manuel Valls lui-même lorsqu’il avait dit qu’il fallait que la surveillance prime sur le blocage.

Mais surtout sur le fond, le CNNum prévient que le blocage des sites « terroristes » pose un problème démocratique de qualification des contenus, qui « nécessitent une expertise et un contrôle attentifs afin de déterminer ce qui relève de la provocation au terrorisme et ce qui relève de l’opinion« .

« Contrairement aux dispositions relatives à la pédopornographie, il ressort des consultations effectuées par le Conseil que la qualification des notions de commission d’actes terroristes ou de leur apologie prête à des interprétations subjectives et emporte un risque réel de dérive vers le simple délit d’opinion« , s’inquiète le Conseil.

Celui-ci prévient aussi que pour être réellement efficace sans bloquer pour autant les contenus légaux, le dispositif blocage des contenus terroristes devrait « être capable d’analyser finement le contenu même de ces échanges personnels » et que « ces techniques d’inspection profonde relèveraient non seulement de la censure, mais aussi de l’atteinte à la vie privée et à la liberté de conscience, et seraient inadmissibles en tant que telles« .


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