« J’ai entendu ce genre de discours auparavant, mais je n’aurais jamais imaginé l’entendre ici, en Amérique. » Cette phrase, comme annonciatrice de l’époque moderne, provient d’un clip de 1943 réalisé par le Ministère de la Défense américain. En pleine guerre mondiale, le film dissuadait les Américains d’entretenir toute sympathie pour le nazisme allemand. Il refait surface aujourd’hui, après les attaques de Charlottesville.

Nous sommes en 1943, lorsque le Pentagone, sous sa forme ancienne du Département de la guerre des États-Unisfait réaliser un clip de propagande cherchant à lutter contre le nazisme.

Un clip de propagande de la Seconde Guerre mondiale

Depuis l’apparition du cinéma et sa démocratisation, les clips d’informations gouvernementaux sont devenus le nouveau médium du discours de l’État fédéral américain, notamment lorsqu’il s’agit de parler du Vieux Continent, plongé dans la Seconde Guerre mondiale. Les réalisateurs d’Hollywood sont alors payés par le gouvernement et travaillent des visions très patriotiques de l’information.

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Aujourd’hui, ces clips font partie de la mémoire de la guerre et d’Hollywood. Ils ont servi au développement de grandes fictions politiques étatsuniennes, mais également à l’émergence d’un genre documentaire dont Frank Capra est l’une des figures de proue avec ses Why we fight. « Don’t be a sucker » est à ce titre également intéressant pour son rôle politique : promouvoir les valeurs libérales des États-Unis et souligner les paradoxes du fascisme alors que la démocratie multiethnique américaine ne fait que naître.

 « J’ai entendu ce genre de discours auparavant, mais je n’aurais jamais imaginé l’entendre ici, en Amérique. »

Soixante-quinze années après, cette vidéo a repris de sa superbe en se transformant, ce week-end, en buzz à cause des attaques terroristes perpétrées par des néonazis à Charlottesville, Virginie.

https://twitter.com/OmanReagan/status/896563796071731201

Pédagogique, la vidéo tente de mettre en lumière les mécaniques rhétoriques et intellectuelles du nazisme européen. On y voit un homme politique glisser de la première personne du pluriel à la troisième personne. Le nous devient le ils. Le démagogue tente ainsi de discréditer l’Église catholique, les francs-maçons, les noirs qui prennent notre (retour de la première personne) travail, avant de conclure par : « Maintenant je vous le demande, si nous permettons ces choses, que va-t-il arriver aux Vrais Américains ? »

En fond, un homme apparaît avec un clair accent d’Europe de l’Est, il remarque alors en fixant le démagogue : « J’ai entendu ce genre de discours auparavant, mais je n’aurais jamais imaginé l’entendre ici, en Amérique. » Il explique être Hongrois et avoir vu où « ce genre de discours mènent, je l’ai vu à Berlin. Mais j’étais alors idiot, je pensais que les nazis étaient fous, stupides ou fanatiques. Malheureusement, ils ne l’étaient pas. Ils savaient qu’ils n’étaient pas assez forts pour conquérir un pays uni, alors ils ont divisé l’Allemagne en petits groupes. Ils utilisaient nos préjugés comme une arme pratique pour paralyser la nation. »

120 000 échos

Le clip devenu viral s’arrête là. Le film original est plus long et comprend 17 minutes de pédagogie antifasciste, servie par un cours d’histoire sur la prise du pouvoir par le parti nazi. Le document est intégralement disponible sur l’Internet Archive.

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75 années après, un samedi soir, Michael Oman-Reagan, anthropologiste, ne peut s’empêcher de comparer ce vieux clip dont il se souvient avec le tournant que prend « l’affaire Charlottesville ». Dans cette ville de Virginie où gisaient les victimes après une attaque de néonazie contre des antiracistes, les mots du démagogue résonnent ; on croit entendre Trump, l’air de l’époque nous revient, et on pense également à l’éclat de haine qui ravage James Fields, 20 ans, lorsqu’il appuie sur la pédale de sa voiture avant de foncer sur une foule.

Cet écho qui résonne de 1943 à aujourd’hui a percuté Oman-Reagan, mais aussi les 120 000 personnes qui partageront ensuite le clip qui ne cesse de tourner.

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