C'est un combat sans fin dans lequel s'est engagé Wikipédia. L'encyclopédie, à mesure qu'elle a gagné en visibilité sur la toile, a attiré l'attention de tiers soucieux d'avoir une bonne réputation en ligne, même sur Wikipédia. Des agences de relations publiques se sont spécialisées dans les éditions rémunérées, gâchant ainsi l'expérience de l'encyclopédie. Mais Wikipédia ne se laisse pas faire.

Depuis 2001, Wikipédia se développe de façon collaborative. Chacun peut apporter sa pierre à l'édifice, soit en enrichissant l'encyclopédie elle-même (création d'un nouvel article, ajout de nouvelles informations, relecture), soit en participant à des missions périphériques comme la lutte contre le vandalisme. Cette construction commune est la force de Wikipédia, mais c'est aussi sa faiblesse.

Grâce à ce travail collaboratif, Wikipédia a été adapté en 287 langues et certaines versions (neuf en tout) ont dépassé le cap du million d'articles. Quelle autre encyclopédie peut se targuer d'un tel contenu ? Aucune. Mais cette ouverture constitue également une faiblesse, car toutes les contributions ne sont pas effectuées dans un but désintéressé. Elles servent parfois des intérêts très précis.

Deux enquêtes, l'une conduite par Motherboard l'autre par Daily Dot, publiées au début du mois ont mis en lumière une pratique méconnue : celle d'agences de relations publiques qui interviennent sur l'encyclopédie pour le compte d'autres entreprises. L'objectif ? Améliorer leur réputation, créer une page dédiée ou, pourquoi pas, affecter l'image de marque d'un concurrent.

En la matière, l'agence Wiki-PR ne cache pas son objectif : il s'agit de gérer positivement l'identité numérique d'une société ou d'une personne mentionnée sur Wikipédia. Les interventions, tarifées, sont multiples : création et édition d'une page, traduction dans une autre langue, gestion de crise. Wiki-PR dit être à la tête d'une équipe de 45 intervenants servant 12 000 clients (nombre impossible à vérifier).

Plus inquiétant, Wiki-PR compterait dans ses rangs des "administrateurs" de l'encyclopédie. Autrement dit, des internautes qui bénéficient de pouvoirs étendus . La version française en compte par exemple 180. Cependant, ce statut peut être perdu si une faute lourde est avérée. Comme des interventions rémunérées sur Wikipédia pour le compte d'un tiers, par exemple

L'encyclopédie, évidemment, ne se laisse pas faire. Les participants s'efforcent de détecter les contributions malhonnêtes et de neutraliser les comptes impliqués, si nécessaire. En septembre dernier, 323 profils ont été repérés et selon la directrice de la fondation Wikimedia, Sue Gartner, plus de 250 d'entre eux ont été bloqués ou bannis pour avoir enfreint les principes de Wikipédia.

Du coup, ceux qui font appel à Wiki-PR ou à n'importe quel autre service du même acabit perdent parfois de l'argent lorsque la combine est découverte. C'est le cas d'un particulier qui, voulant une page à son nom, a versé 1500 dollars à Wiki-PR. Celui-ci a bien fait son travail, mais la page a été supprimée deux semaines après. Une nouvelle page a été créée, en beaucoup plus courte, mais sans parvenir à échapper à la vigilance des autres contributeurs.

"Les contributeurs de la version anglaise de Wikipédia enquêtent actuellement sur des allégations de modifications suspectes", écrit Sue Gartner. "Les éditions rémunérées ont été un sujet de discorde au sein de Wikipédia depuis des années, en particulier lorsque les modifications des articles sont de nature promotionnelle". Pour Sue Gartner, c'est très clair : ces pratiques "violent les principes fondamentaux qui ont rendu Wikipédia si précieux pour de nombreuses personnes".

Pas question de laisser ces éditions en place, même si les contributeurs honnêtes de l'encyclopédie sont condamnés à intervenir a posteriori.


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