Emmanuel Macron considère que le plan Très Haut Débit actuel n’est pas réaliste en l’état. Si on veut raccorder tout le pays d’ici 2022, il faut réduire le rôle de la fibre optique et mettre davantage l’accent sur d’autres solutions, comme la 4G

« Il ne faut pas mentir aux gens ». En déplacement à Verneuil-sur-Vienne dans le cadre de sa visite au lycée agricole des Vaseix, Emmanuel Macron est revenu sur un aspect de l’aménagement du territoire, à savoir l’arrivée du très haut débit dans les régions les plus reculées. Pour le président de la République, il faut faire preuve de lucidité : la fibre optique ne pourra pas être déployée sur tout le territoire.

Un rapport de la Cour des comptes consacré au plan « France Très Haut Débit » a jugé très sévèrement la stratégie actuelle. Il considère notamment que les évaluations faites par le gouvernement Hollande pour raccorder la totalité des Français ne sont absolument pas réalistes. Ce n’est pas 20 milliards d’euros que le plan coûtera à la nation mais 34,9 milliards, soit 75 % de plus.

« On ne la mettra pas partout jusqu’au dernier kilomètre dans le dernier hameau », a ainsi averti le chef de l’État. En tout cas, il est illusoire d’espérer son installation dans les délais estimés par les précédents gouvernements, à savoir 2022. Pour raccorder tout le territoire en fibre , à supposer que cela en vaille la peine, « il faudra des années, parfois des décennies », a-t-il prophétisé.

Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron abandonne le plan très haut débit ? Non, mais il juge qu’il faut remettre en question le poids que la fibre optique occupe actuellement dans la stratégie de déploiement des nouveaux réseaux de télécommunications. « Une solution mixte où on marie la fibre et les innovations technologiques qui permettent d’avoir la 4G à bon niveau partout », est donc préférable à ses yeux.

Formalisé en 2013 par le gouvernement de François Hollande, le plan France Très Haut Débit, qui s’appuie sur un projet évoqué par Nicolas Sarkozy en 2010, fixe à 2022 l’échéance pour atteindre la barre des 100 % de foyers en très haut débit. L’essentiel (80 %) est censé être couvert en fibre optique tandis que le reste doit s’appuyer sur d’autres technologies, comme le câble coaxial et le DSL sur cuivre.

antenne4G

Si modification du plan il y a, il va falloir que les opérateurs allègent leurs efforts sur la fibre optique dans les zones peu denses mais cravachent davantage dans la 4G. Or, force est de constater, selon les mesures régulières effectuées par l’Arcep — l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes –, que les quatre principaux acteurs se focalisent surtout sur les villes.

En avril, Orange, Bouygues, SFR et Free Mobile couvraient respectivement 55, 58, 59 et 45 % du territoire mais 89, 88, 88 et 80 % de la population. « Aucun ne couvre à ce jour plus des deux tiers du territoire avec cette technologie : l’Arcep veillera donc à ce que les opérateurs maintiennent leurs efforts afin que la 4G bénéficie au plus grand nombre sur l’ensemble du territoire », avait réagi l’institution.

Aucun opérateur ne couvre à ce jour plus des deux tiers du territoire avec la 4G

Dans le cadre de l’attribution des licences 4G, le régulateur des télécoms a établi des obligations que les opérateurs doivent respecter. Ainsi, ils doivent atteindre certains paliers en matière de couverture du territoire, notamment dans les zones peu denses, à certaines dates. Or, le président, en évoquant une « accessibilité complète sous deux ans »  en 3G et 4G, ouvre la voie à un durcissement du cadre actuel.

Conformément aux seuils fixés par la Commission européenne dans le cadre de son agenda pour l’Europe à l’horizon 2020, l’Arcep ne considère plus que le très haut débit dans le fixe démarre à partir d’un débit descendant supérieur ou égal à 50 Mbit/s. En France, la démarcation entre haut et très haut débit se fait désormais à partir de 30 Mbit/s. Il s’agit évidemment d’une ligne de séparation arbitraire.

Très haut débit ou bon haut débit ?

Mais pour la Cour des comptes, ce seuil n’est pas nécessaire à atteindre partout. Dans son rapport, elle juge que tout le monde n’a pas besoin d’avoir une telle vitesse pour profiter de la très grande majorité de ce qu’a à offrir Internet. Pour le grand public, une connexion à 10 Mbit/s est déjà plus que satisfaisante. En clair, il vaut mieux baisser certaines prétentions mais assurer plus vite le déploiement d’un meilleur débit.

« Seul un développement significatif d’usages grand public fortement consommateurs de bande passante justifierait un déploiement rapide et généralisé du très haut débit pour tous. En effet, l’atteinte d’un bon haut débit pour tous (de l’ordre de 10 Mbit/s) permet de satisfaire l’essentiel des besoins des particuliers compte tenu du manque de visibilité actuelle sur les futures applications », écrit-elle.

La fibre magique

La remise en cause de la place de la fibre dans le plan ne signifie pas qu’il faille tout arrêter dans ce secteur. C’est tout le contraire, à l’image de ce décret concernant la loi Macron qui précise les obligations d’installation de la fibre en cas de rénovation d’un immeuble. À ce sujet, le cap des 2,5 millions d’abonnements à la fibre a failli être franchi au premier trimestre. Ces logements représentent 30 % des foyers éligibles.

Si vous voulez connaître le niveau des débits près de chez vous, sachez que l’observatoire de la mission Très Haut Débit fournit une carte permettant de visualiser les débits théoriques des différents réseaux filaires auxquels vous êtes éligible (DSL sur cuivre, câble coaxial et fibre optique). Seul petit bémol dans ce service : les débits ascendants ne sont pas représentés sur la carte.

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