Allez-vous matcher avec Alain Juppé ? C’est la question que pose Tinder à ses jeunes utilisateurs français. Après les États-Unis, c’est au tour de la France de recevoir la formule de comparateur des programmes sur l’application de rencontres.

L’implication de Tinder dans le vote des jeunes suit une tendance qui a accompagnée la campagne présidentielle américaine de 2016. Nous voyons quasiment tous les réseaux sociaux se prendre de passion pour la politique, cherchant à impliquer ses utilisateurs et les pousser aux votes. Facebook aurait ainsi convaincu des millions d’américains de s’inscrire aux listes électorales et Twitter s’imagine être l’interface privilégiée des discussions politiques. Tinder n’est pas en reste dans cette course à la politique.

Derrière la stratégie politique de Tinder, il y a un homme, Matt David, vice-président aux relations publiques. En juin dernier, il rejoignait le Match Group, la holding derrière Tinder, après une longue carrière en politique dans le camp républicain. Il a en effet pris part aux quatre dernières présidentielles américaines, jouant un rôle dans la campagne du Président Bush, dans celle de McCain, dans celle du gouverneur Huntsman et  dans celle de Kasich en 2016. Numerama l’a rencontré pour comprendre les coulisses de swipe les primaires et l’implication de Tinder en politique.

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Dès la primaire démocrate, les militants de Bernie Sanders jouaient de la plateforme de rencontres pour tenter de séduire des jeunes à aller voter pour le candidat à la primaire démocrate, et même Cameron s’est rendu lui-même sur le réseau pour tenter d’y sauver son remain  durant réferendum de Brexit.

Swipe les primaires

Numerama avait déjà révélé que la France était la prochaine étape du plan de Tinder pour impliquer ses utilisateurs dans les élections. Aujourd’hui, la stratégie du nouveau géant de la rencontre prend forme. Et l’application de dating la plus importante de France dévoile une première édition de sa formule swipe the vote à la sauce française.

Il n’y a aucun hasard de calendrier dans ce choix de l’hexagone comme pays pour son swipe the vote. En effet, Matt David explique : « La France est notre second marché européen pour Tinder. Nous avons connu une croissance rapide en France l’année dernière. Près de 85 % de croissance d’une année à l’autre. Et nous avons une base d’utilisateurs très engagée en France avec plus de 45 millions de swipes par jour. C’est donc très naturel pour nous de répliquer swipe the vote en France. »

Pour ses premiers pas dans la Ve République, le réseau du match a visé les prochaines primaires de la droite (« et du centre ») afin d’inviter ses utilisateurs à se prendre d’affection pour les enjeux de la campagne et le rendez-vous électoral. Swipe les primaires est à l’instar de la version américaine un comparateur bref et dynamique des programmes des candidats : après avoir répondu à 12 questions, Tinder vous rapproche d’un des candidats.

Les 12 questions de swipe les primaires

Les 12 questions de swipe les primaires

Parmi ces questions que nous dévoilons, les grands sujets des débats qui opposent les candidats sont abordés. Avec des questions originales et ingénieusement tournées pour les millennials, et souvent des choix de réponses très réducteurs. Tinder n’entend pas être exhaustif, mais éveiller l’intérêt de ses utilisateurs. « Nous nous sommes liés avec Voxe [Voxe.org, une organisation promouvant la civic-tech] afin d’écrire les questions destinées à la primaire de la droite. » affirme M. David.

Si tous les réseaux sociaux et entreprises de la tech s’éveillent à la politique et à la lutte contre l’abstention, c’est selon Matt David d’abord une question de corps électoral. En effet, ces élections sont souvent celles du premier vote du millennial. M. David complète : « Ce sera la première élection à laquelle presque tous les millennials voteront. Et leur vote sera un des plus larges corps électoral. Or les millennials étant notre principale base d’utilisateurs, nous souhaitions faire tout notre possible pour non seulement les éduquer sur les questions politiques et les candidats, mais également pour les encourager à aller voter. »

Ce sera la première élection à laquelle presque tous les millennials voteront

Et malgré le biais strictement technique de cette incitation à voter, les entreprises ne jouant pas un rôle d’influence sur les candidatures pour le moment, les résultats de ces initiatives se font ressentir aux États-Unis. Pour Matt David, il y a là une logique de communication que tous les candidats n’ont pas encore tous compris.

Il dit à propos de la manière dont un candidat devrait parler aux millennials : « Je ne sais pas s’il y a un langage à adopter en particulier plutôt que des interfaces avec lesquelles vous pouvez les [les jeunes] impliquer, en regardant leurs habitudes. Il ajoute : Je pense que la chose la plus importante à retenir si vous voulez parler aux millennials, c’est de les aborder là où ils veulent l’être. Et l’un de ces endroits est assurément les réseaux sociaux et l’autre sont les applications qu’ils utilisent régulièrement. »

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Le dialogue serait-il donc possible entre jeunes et politiques si ces derniers savaient où leur parler ? Au vu de l’abstention des jeunes en France, comme aux États-Unis, la solution peut paraître fragile et insuffisante mais selon l’entreprise, l’important est d’innover par des actes et une volonté. « Nous pensons que c’est important de le faire en tant qu’entreprise. Nous voulons être un acteur responsable, nous ne sommes désormais plus une startup, nous voulons donc être sûrs de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour informer nos utilisateurs. »

Enfin, il reste une autre question pour les millennials : peuvent-ils vraiment entraîner un changement des pratiques politiques dont ils se sont éloignés ? Et si oui, la tech peut-elle aider cette évolution à s’accomplir ? Pour Matt David, le doute n’est pas vraiment permis. En stratégiste politique il rétorque : « [Les millennials] s’ils peuvent s’organiser, ils seront assurément assez nombreux. En politique, c’est le nombre qui compte. Ils peuvent donc aborder certains nouveaux sujets, changer les lignes sur certaines questions en étant des électeurs. Et comme je l’ai mentionné, le corps électoral des millennials sera un des plus importants, si ce n’est le plus important, pour les prochaines élections. Donc ils ont la capacité de changer les politiques mais cela leur demandera de s’impliquer et de voter. »

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Les jeunes Américains qui devront choisir entre Clinton ou Trump ce mardi soir n’admettraient peut-être pas l’idée que seul leur nombre compte. Les jeunes sont encore bien souvent les premiers à avouer « voter utile » face à des candidats aux pratiques et aux discours éloignés de leurs ambitions et besoins. Néanmoins, ce ne sera pas à Tinder de changer le discours politique à destination des jeunes…


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