Le jeu vidéo en réalité augmentée Pokémon Go fait beaucoup parler de lui. Il suscite aussi quelques inquiétudes. Au Japon, des voix s’élèvent pour réclamer l’exclusion de certaines zones sensibles. Des demandes qui émergent aussi ailleurs dans le monde.

Depuis sa sortie au début du mois de juillet, Pokémon Go a déclenché un incroyable engouement dans le monde entier. Il faut dire que le jeu vidéo en réalité augmentée conçu par le studio américain Niantic joue sur du velours : il met en scène les fameux petits monstres de Pokémon, ce qui agit comme une madeleine de Proust chez de nombreux joueurs, qui retombent aussitôt en enfance.

Dès lors, il n’est pas étonnant d’en voir des tas prendre beaucoup de plaisir à partir à la rechercher de ces créatures de poche virtuelles. Et la dimension nostalgique n’est pas le seul aspect qui explique pourquoi Pokémon Go séduit et s’avère intéressant à suivre. Il favorise les rencontres entre joueurs (un créneau sur lequel certains tentent déjà de se positionner) et incite à l’exercice à travers la marche à pied.

Incontestablement, Pokémon Go est un phénomène culturel surprenant.

CC Grace Miller

CC Grace Miller

Mais si de belles histoires sont arrivées avec lui, on a aussi vu émerger des faits divers un peu plus sombres. Ainsi, on a croisé des dépêches évoquant la chute de joueurs en haut d’une falaise, la traversée involontaire de la frontière entre le Canada et les USA, la découverte d’un cadavre, l’intrusion dans une propriété privée ou bien la perte d’un emploi, pour ne citer que quelques exemples.

Mais la situation la plus inquiétante reste celle que sont susceptibles de connaître les joueurs japonais vivant aux alentours de la région de Fukushima. Comme le rapporte The Telegraph, le fournisseur japonais d’électricité Tepco dit avoir constaté que Pokémon Go fait apparaître des créatures à attraper à proximité des trois centrales nucléaires qu’il exploite au Japon.

Est surtout concernée celle située à Fukushima Daiichi, qui a acquis une notoriété internationale en mars 2011 à la suite du séisme et du tsunami qui ont dévasté ses installations, provoquant la fusion du cœur de deux réacteurs et d’importants rejets radioactifs dans les environs. Les deux autres sont Fukushima Daini, qui se trouve à 12 km de Daiichi, et Kashiwazaki-Kariwa, à Niigata, à 250 km au nord de T?ky?.

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Fukushima, après.

En toute logique, l’opérateur des trois centrales a demandé à Niantic d’exclure les zones situées à proximité des centrales nucléaires du terrain de jeu de Pokémon Go, parce qu’il s’agit d’installations sensibles et que dans le cas de Fukushima Daiichi, les opérations de décontamination prendront des dizaines d’années. Normalement, un périmètre interdit et des accès restreints sont définis autour de la centrale.

L’apparente innocuité de la radioactivité autour de Fukushima Daiichi — elle n’est pas du tout perceptible avec nos sens — peut en effet laisser penser que certains joueurs pourraient se risquer à faire quelques raids très ponctuels dans les environs pour récupérer des pokémon qu’ils ne savent pas trouver ailleurs. Vu les faits divers évoqués plus haut, c’est un risque qui n’est pas du tout improbable.

De l’intérêt des zones d’exclusion

Dans le même genre d’idée, il y a eu la mise en garde d’une ONG bosnienne qui a demandé aux joueurs de faire preuve d’une extrême prudence car le pays, à la suite de la guerre de Bosnie-Herzégovine, est truffé de mines (les estimations vont de 750 000 à 1 million). Certaines zones ne sont que partiellement déminées et c’est surtout à la campagne, près des anciennes lignes de front, que la situation est la plus périlleuse).

Les cas de Fukushima et de la Bosnie montrent l’intérêt qu’il pourrait y avoir à permettre aux autorités — et pourquoi pas au grand public — de soumettre des zones d’exclusion, afin que les petites créatures ne se montrent pas partout. Niantic peut sans doute en prévoir un certain nombre, mais le studio ne peut pas penser à toutes les situations. Dès lors, la mise en place d’un formulaire serait fort utile dans ce cadre.

Des raisons plus politiques peuvent aussi justifier des zones d’exclusion. Comme le signale Courrier International, qui cite Newsweek et Haaretz, la hiérarchie militaire israélienne a mis en garde ses soldats de ne pas oublier leur devoir premier, en évitant par exemple de s’en servir sur les bases militaires. Là aussi, Niantic pourrait faire en sorte de bloquer les pokémon apparaissant dans des endroits inadaptés.

Ce type de mesure pourrait aussi très bien servir dans des lieux qui apparaissent comme inappropriés pour être un terrain de chasse virtuelle. D’ailleurs, la Fondation Auschwitz appelle à ce que le site soit enlevé du jeu Pokémon Go après que des visiteurs ont été vus en train de jouer sur leur smartphone. Une règle qui pourrait s’appliquer à Washington pour le musée de l’holocauste, qui a été confronté à une situation identique.


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