Il y en a trois qui se préparent pour 2017. Trois primaires citoyennes. Un candidat le confie : « c’est du jamais vu en France. » Et Marie Durand-Smet, organisatrice de La Vraie Primaire avoue, avec un ton de businesswoman : « Si on est plusieurs concurrents c’est qu’il y a un marché, une envie de renouveau. »
Trois primaires citoyennes pour un Président
Pour les recenser il faut donc compter : LaPrimaire.org, La Vraie Primaire et La Primaire des Français. Chacune a ses failles et ses qualités mais toutes ambitionnent de rassembler, renouveler, changer. Les mots sont les mêmes partout, et chacune des primaires pose le même constat, quasi-entrepreunarial, concernant la classe politique française et l’apparition d’un besoin politique de changement des institutions.
Par ailleurs, chez LaPrimaire.org, les fondateurs sont issus du monde l’entreprise — de la tech en particulier. À la manière d’une startup préparant sa disruption, les primaires citoyennes veulent utiliser un outil, le numérique, pour transformer une situation : l’inertie de la classe politique française et la dégradation du tissu démocratique.
Les différents candidats connaissent les chiffres — 9 Français sur 10 ne font plus confiance à la politique, 44 % des Français considèrent les partis politiques inutiles — et ne mâchent pas leur mots pour attaquer un système politique tantôt « sclérosé », tantôt « déconnecté » mais communément admis « comme inadapté à la gouvernance de la France au 21e siècle. »
Mais si jusque-là sont apparues trois primaires, en réalité une seule a réussi jusqu’ici à former son processus de désignation : il s’agit de LaPrimaire.org soutenue et créée par Democratech. Les autres rencontrent plus ou moins de difficultés qui laissent présager un processus plus long, si ce n’est un échec.
Ainsi LaVraiePrimaire compte jusqu’ici seulement deux candidats, et pour le moment aucun des deux ne peut prétendre aux 1 000 signatures nécessaires à la désignation selon la charte du projet — le candidat ayant le plus de signatures plafonne à 109.
Quant à la Primaire des Français, elle risque de se heurter à quelques problèmes. Et semble un peu abandonnée par ses fondateurs : ainsi Alexandre Jardin a participé à sa fondation avant de papillonner à droite et à gauche, pour finir par se poser dans le sillage d’Emmanuel Macron. L’écrivain est depuis devenu un représentant des Citoyens en Marche. Mais la question se posera également pour les différents groupes écologistes et de centre droit qui la composent : il semblerait que la dynamique des partis aura fini par essouffler cette primaire.
Ce sont des outsiders et il n’y a que des outsiders pour apporter des idées neuves
Il ne reste donc presque que LaPrimaire.org pour prétendre à une candidature citoyenne, dans un processus démocratique et ouvert. Ce qui pour Maxime Verner s’explique par la présence des deux fondateurs qui ne sont pas issus du monde politique mais bien de l’entrepreneuriat. Il ajoute « ce sont des outsiders et il n’y a que des outsiders pour apporter des idées neuves. »
Par exemple, Thibauld Favre co-fondateur de LaPrimaire.org et de Democratech, l’association qui soutient l’initiative, est le créateur du premier AppStore like pour Windows : AllMyApps. Geoffrey Dorne, le graphiste qui a participé à la création de la plateforme explique lui aussi l’importance du caractère hors cadre politique des fondateurs. Il a lui-même connu Thibauld lorsqu’ils étaient alors dans la même startup, et se sont rejoints sur ce projet qui dans son idée première ne différait pas tant d’un service qu’aurait pu apporter une société à une situation bien définie.
Seulement, il s’agissait pour ces fondateurs d’éviter que les citoyens soient méfiants vis-à-vis du service qui apparaîtrait comme partial s’il venait d’une entreprise lucrative. C’est pour cela que l’équipe a choisi une association, Democratech, au lieu de fonder une startup. Une association dont le but est de répondre par les civictech à des besoins politiques perçus et identifiés.
Le besoin d’une primaire citoyenne ? Inévitable pour Maxime Verner qui, lui, en est déjà à sa deuxième candidature à la présidentielle en tant que citoyen, ou petit candidat comme il aime s’appeler. En 2012, il n’avait pas réuni les 500 signatures nécessaires pour atteindre le premier tour de la présidentielle. Mais il confie qu’en 2017, deux choses auront changé pour tous les petits candidats des élections antérieures : la situation de défiance des citoyens envers les institutions et la création des outils de visibilité que sont les primaires citoyennes.
Les premières réflexions autour d’une primaire citoyenne pour 2017 sont apparues dès 2014 et Maxime Verner était déjà convaincu qu’il participerait à cette aventure. Celle-ci, LaPrimaire.org publie ses statuts sur GitHub le 15 janvier 2016 et rencontre doucement mais sûrement les premières 50 000 signatures — tout un symbole. Le 14 juillet dernier, l’association publiait la liste des candidats qualifié : il s’agissait donc des candidats issus de la première phase qui s’est ouverte en avril et qui avait réuni les 500 signatures de citoyens nécessaires. Au total, il reste 16 candidats, 11 hommes pour 4 femmes.
« Pas là faire pour faire du Coluche »
Aucun n’est identique car il n’y a par nature pas de citoyen identique. Néanmoins, on constate rapidement une réelle hétérogénéité des profils. Aucun n’est membre d’un parti, et nous avons pu le vérifier. Lors de notre reportage, nous avons trouvé que seule la candidate Charlotte Marchandise Franquet avait été élue conseillère municipale à Rennes, mais on nous a expliqué qu’elle était en réalité candidate de la société civile sur des listes partisanes (EELV). Et cette expérience semble lui coller malencontreusement à la peau aujourd’hui.
Car dans le discours des candidats citoyens, l’amalgame n’est pas permis entre eux, qui sacralisent parfois leur expérience professionnelle, et les hommes politiques. Un débat plus complexe qu’il n’y paraît : Maxime Verner explique qu’il n’entend pas prétendre être un citoyen lambda car il ne se considère pas lui même ainsi, et on ne saurait lui donner tort. Le citoyen lambda par nature est forcément détaché de la chose politique dans son image d’Épinal, et M. Verner ajoute : « Je ne suis pas là non plus pour faire du Coluche. Il n’y pas de candidat normal dans une élection présidentielle ».
Ainsi, s’opposent des candidatures prônant un apolitisme angélique incarnées par des citoyens vraiment normaux et des candidatures parfois plus honnêtes, par des acteurs de l’associatif et de l’économie sociale mais également des auteurs et des personnes exerçant des professions libérales qui dans le fond, collent plus au profil du petit candidat.
A l’issu d’une phase de discussion et de mise en commun des programmes, les candidatures ainsi que leur programmes seront constitués en septembre. Puis en octobre débutera la phase de pré-sélection pour déterminer les 5 candidats finaux qui se proposeront au vote pour atteindre la présidentielle et son difficile premier tour.
Impossible de parvenir au premier tour ? La règle des 500 signatures de maires a effectivement longtemps écarté ces candidatures mais l’outil numérique pourrait changer cela. En effet, ils sont nombreux à espérer une mise en commun des signatures de maires pour une candidature citoyenne. Maxime Verner qui avait ainsi réuni 358 signatures en 2012 ne voit pas la situation comme impossible. Il ajoute que le processus ouvert et démocratique de LaPrimaire.org leur donne une crédibilité supplémentaire et nationale.
C’est en tout cas ce qu’osent espérer les candidats qui ne doutent pas du poids électoral que leur projet pourrait avoir au suffrage universel. En 2017, les Français auront, selon les analyses des candidats, quasiment la même offre politique qu’en 2012. Or depuis, la méfiance et le sentiment d’obsolescence des partis traditionnels ne se sont pas améliorés.
L’avenir des civictech
Les fondateurs influencent-ils aujourd’hui les candidats ? Sont-ils en accord avec chacun d’entre eux ? Non et non, l’équipe de Democratech ne tient pas à participer à l’utilisation de l’outil : elle se sent seulement responsable du bon fonctionnement de celui-ci. Les choses sont claires et ainsi la charte du candidat ne limitait par exemple aucunement des candidatures radicales.
Geoffrey Dorne confie qu’il y aurait un vrai malaise et des questions à se poser si l’outil permettait demain l’accession au pouvoir d’un candidat Front National. Mais pour 2017 ce n’est pas le cas : ici les idées sont originales, d’autres osées. Certaines peinent encore à pénétrer notre classe politique comme le revenu de base universel. D’autres sont très ciblées, insistant particulièrement sur des choses précises comme la santé ou la Constitution. En somme, les candidats partagent un certain consensus sur l’ensemble des questions mais également une pluralité inhérente à leurs parcours divers.
Enfin une question se pose : pourquoi la civictech s’invite-t-elle dans une élection aussi paradoxale que celle du Président de la République dans la Ve République ? Il s’agit, a priori, d’une élection, d’un poste et d’une vision du pouvoir avec lesquels les candidats n’avaient pourtant pas de pitié dans leurs discours.
La réponse est plus simple que prévu : beaucoup comptent sur la la visibilité exceptionnelle du show présidentiel nous confie-t-on, en pointant à demi-mot le rôle des médias. Les fondateurs, eux, n’ont pas prévu de s’arrêter à cette élection. Geoffrey Dorne imagine déjà la scalabilité de LaPrimaire.org : « l’outil pourrait peut-être complétement changer la ville et sa gouvernance car sur d’autres échelles les civictech peuvent tout changer. »
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