X (Twitter) est la plus grosse source de désinformation. C’est ce qui ressort d’une première étude de six mois conduite dans certains pays européens. Un constat d’autant plus sévère que le réseau social s’est désengagé du code de bonne conduite contre la désinformation.

X (ex-Twitter) est vraisemblablement ce qu’il se fait de pire dans le domaine de la désinformation, parmi les six principales plateformes sociales du web. Voilà, en somme, l’impression que risque de laisser le réseau social américain, si l’on tient compte des observations faites dans le cadre d’une enquête longue de six mois, et menée sous l’égide de la Commission européenne.

Le constat est en effet sévère. Le site possédé par Elon Musk depuis octobre 2022 est celui qui a les métriques les moins bonnes sur deux critères clés : la facilité avec laquelle on peut tomber sur de la désinformation et le nombre d’acteurs impliqués dans cette désinformation. À l’inverse, Facebook, Instagram, TikTok, YouTube et LinkedIn, également évalués, font mieux.

Pour parvenir à cette conclusion, l’enquête a ausculté 6 155 messages uniques sur les réseaux sociaux et ciblé 4 460 comptes uniques. Cet échantillon a été constitué « en recherchant des mots-clés populaires de désinformation à l’inde de la fonction de recherche native de chaque plateforme », est-il expliqué dans les pages du rapport.

Le rapport a toutefois un périmètre relativement restreint : en effet, l’analyse s’est limitée à trois États membres (Espagne, Pologne et Slovaquie) sur les vingt-sept que compte l’Union européenne. Une limite notable, mais que les auteurs de ce travail justifient par « la complexité de la tâche et du peu de temps et de ressources disponibles » pour couvrir tout le continent.

désinformation réseaux sociaux septembre 2023
Source : Code of Practice on Disinformation

Dès lors, « le groupe de travail a convenu de se concentrer dans un premier temps sur une analyse pilote, comprenant un ensemble plus restreint d’indicateurs ». Mais à l’avenir, l’équipe prévoit « d’explorer les moyens d’élargir la portée et la méthodologie des indicateurs structurels », de manière à avoir une photographie encore plus juste de la situation en Europe.

Il n’empêche. Malgré ses angles morts, cette observation préliminaire révèle des disparités importantes entre les plateformes. YouTube et LinkedIn apparaissent comme de bons élèves pour résorber les fake news, là où X a le ratio et le taux les moins favorables — Facebook n’étant pas loin derrière. Instagram et TikTok sont à mi-chemin.

Comme l’a fait observer dans son discours Věra Jourová, la vice-présidente tchèque de la Commission, en charge des valeurs et de la transparence, c’est la première fois qu’une enquête aussi longue est menée sur la désinformation en ligne. « Nous devons comprendre comment [la désinformation] fonctionne et agir, compte tenu de la numérisation croissante [de la société] », a-t-elle ajouté.

Une étude dans un contexte d’élections en Europe

Le focus sur l’Espagne, la Pologne et la Slovaquie est d’autant plus compréhensible que deux de ces pays vont avoir des échéances électorales prochainement. C’est le cas de la Slovaquie le 30 septembre et de la Pologne le 15 octobre, avec à chaque fois des élections législatives. Quant à l’Espagne, il y a eu les municipales et régionales le 28 mai.

D’autres scrutins sont attendus, au Luxembourg (législatives, le 8 octobre) et aux Pays-Bas (législatives, 22 novembre). Il y a aussi eu cette année les sénatoriales en France (24 septembre). Les législatives en Bulgarie et en Finlande (2 avril), mais aussi en Grèce (21 mai). Enfin, il faut aussi tenir compte des élections européennes, qui auront lieu en France le 9 juin 2024.

Or, dans le contexte de la guerre en Ukraine menée par la Russie, et des tensions vives et persistantes entre Moscou et les chancelleries occidentales, la Commission note que « la désinformation demeure une arme dans la guerre de la Russie, qui sape la démocratie européenne ». De fait, « les prochaines élections seront des stress tests. »

Le cas russe est d’ailleurs l’une des principales préoccupations de Bruxelles, a déclaré Věra Jourová lors de son point presse. « Nous avons demandé aux sites de surveiller spécifiquement la désinformation concernant la guerre russe en Ukraine », car « la guerre n’est pas quelque chose de standard et nous attendons davantage d’eux. »

Quels sites sont encore autorisés en Russie ?  // Source : @hrustall / Unsplash
Quels sites sont encore autorisés en Russie ? // Source : @hrustall / Unsplash

Il est à noter que ce travail s’est effectué dans le cadre du code de bonne conduite contre la désinformation, poussé depuis plusieurs années par Bruxelles, et qui réunit aujourd’hui plus de quarante membres. Or, Twitter (X) n’en fait plus partie depuis cet été, déclenchant des réprobations notables de la Commission comme de certains États membres, à l’image de la France.

De nouvelles règles sont arrivées en matière de modération et de lutte contre la désinformation et, quelque temps auparavant, le ministre français en charge du numérique avait prévenu que « si Twitter ne s’y conforme pas, il s’exposera à des sanctions pouvant aller jusqu’à son blocage dans l’Union ». Même son de cloche chez Thierry Breton, commissaire européen.

« Twitter a quitté le code de conduite volontaire de l’UE contre la désinformation. Mais les obligations demeurent », avait-il indiqué, en signalant lui aussi l’arrivée d’une nouvelle réglementation, matérialisée par le Digital Services Act. « Vous pouvez courir mais vous ne pouvez pas vous cacher », avait-il dit alors. Le rapport révélé fin septembre, défavorable à Twitter, le démontre.

Cette étude est par ailleurs très cohérente avec un rapport tout aussi récent d’une coalition d’ONG environnementales, qui montrent que X est le pire réseau concernant la désinformation sur le climat.

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