Le sujet du match de catch entre les patrons de Tesla et de Facebook soulève est bien plus politique qu’il n’y parait.

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J’ai tendance à rigoler quand je suis nerveuse. Je ricane pendant les enterrements, je pouffe lors de rendez-vous pro très sérieux (surtout s’ils se passent mal), je me bidonne si je vois quelqu’un tomber dans la rue. C’est involontaire, gênant, inévitable. La vie me met parfois sous pression, et c’est ainsi que mon corps décide de l’évacuer. Par exemple, la semaine dernière, quand j’ai appris qu’Elon Musk proposait de combattre Mark Zuckerberg dans une cage, je n’ai pas pu m’empêcher d’exploser de rire.

Comme beaucoup d’histoires crétines sur internet, celle-ci a débuté sur Twitter. Lors d’une discussion avec un internaute, Elon Musk a annoncé qu’il était prêt à affronter Mark Zuckerberg dans un match de MMA (arts martiaux mixtes, une discipline qui se déroule généralement dans un ring grillagé, la fameuse « cage »). Il s’agissait évidemment d’une vanne, comme Elon Musk en publie des dizaines par jour sur son compte Twitter. Sauf que Mark Zuckerberg s’est fendu d’une réponse en story Instagram, invitant l’homme le plus riche du monde à lui communiquer un lieu pour leur futur affrontement.

Ce bref échange a provoqué un cirque médiatique fait de mèmes, d’emoji qui pleurent de rire, d’articles de presse plus ou moins circonspects, et de relances des deux côtés de l’hypothétique baston. L’équipe de communication de Meta a refusé de confirmer au média The Verge s’il s’agissait, ou non, d’une blague. Elon Musk a indiqué qu’il souhaitait se battre à Las Vegas, puis a plaisanté sur sa piètre forme physique. Dimanche, dans une interview avec un journaliste de Bloomberg, il a répété que le match « pourrait très bien avoir lieu ».

Où l’on nourrit la virilité que Mark Zuckerberg cherche à bâtir

Peu importe si ce combat a une once de réalité. Ce qui est avéré, c’est que Mark Zuckerberg et Elon Musk ont déjà gagné : l’attention des médias, et la nôtre. Si le PDG de Twitter tance depuis plusieurs mois celui de Meta, c’est parce que ce dernier s’apprête à lancer un service concurrent au réseau social de micro-messages. Ce vrai faux match lui offre une belle publicité indirecte. Il nourrit aussi la nouvelle image virile que tente de se construire Mark Zuckerberg depuis quelque temps, en clamant haut et fort son obsession pour le ju-jitsu brésilien, les entraînements militaires ou le podcast de Joe Rogan. Ces intérêts, largement promus sur son compte Instagram, font partie d’une stratégie assumée par l’entrepreneur et l’équipe de communication de son entreprise : faire de Mark Zuckerberg un « tech bro » comme les autres.

zuck elon tweet

L’affrontement entre Elon Musk et Mark Zuckerberg est donc avant tout une histoire d’hommes. Comme le rappelle Le Monde, il fait écho à une longue tradition de clashs entre rappeurs ou, plus récemment, de créateurs en ligne. Il est aussi le reflet du caractère éminemment masculin de l’industrie des nouvelles technologies, et des plateformes qu’elle a bâties. Que Mark Zuckerberg soit maigre ou musclé, il correspond simplement à deux nuances différentes de l’homme hégémonique, le geek génial ou le combattant. Ce qui compte, c’est la puissance, qu’elle provienne du corps ou de son empire économique.

C’est pour cela que la figure d’Elon Musk fascine autant ses pairs dans l’industrie du numérique (il était d’ailleurs l’invité d’honneur du salon VivaTech il y a quelques semaines), malgré sa misogynie, sa transphobie, son antisémitisme, son goût pour la désinformation et les théories du complot, des caractéristiques ouvertement documentées sur son propre compte Twitter. On l’admire pour ses démonstrations de force, ou l’on ne peut pas lui échapper, car il domine les algorithmes de recommandation, dans un web justement bâti pour valoriser les affrontements, les propos outranciers et la violence. Peut-on faire confiance à des gens si prompts à s’invectiver en public pour développer des espaces de discussion sains ? « La bro culture est de retour dans la Silicon Valley », annonçait fin 2022 le New York Times. Ou peut-être qu’elle s’était planquée pas loin, juste sous nos doigts.

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